François Le Calvez, de Pont-Menou,
Est le plus beau gentilhomme du pays ;
Fraudeur de tabac et de vin,
Ce qui conduit ordinairement à mauvaise fin.
Entre Guingamp et Tréguier
Il y a des ponts sur la rivière :
Il y a des ponts, avec des gardiens dessus,
Pour prendre François Le Calvez.
François Le Calvez a été pris,
Et avec lui, dix-huit chevaux chargés ;
Avec lui dix-huit chevaux fortement chargés
De vin et d’eau-de-vie ;
Avec lui dix-huit chevaux chargés finement
De tabac et de vin.
François Le Calvez a été garrotté,
Et conduit à la prison de Rennes.
François Le Calvez disait,
À la fenêtre de sa prison, un jour :
— Le village de Pont-Menou est à moi,
Je voudrais que le feu fût à le brûler ;
Je voudrais que le feu fût à le brûler.
Et que la petite Anne Jacob fût ici avec moi !
Anne Jacob de Loguivi,
Elle tient la clef de mon cœur.
François Le Calvez disait,
À la fenêtre de sa prison, un jour ;
Notre-Dame Marie du Kreis-Kêr,
Trouverais-je pas un messager,
La geôlière répondit
À François Le Calvez quand elle l’entendit :
— Écrivez votre lettre quand vous voudrez,
Messager pour la porter ne manquera pas ;
Messager pour la porter ne manquera pas ;
J’irai moi-même, si vous voulez.
La geôlière disait,
En arrivant chez le vieux Jacob :
Bonjour et joie à tous dans cette maison,
Anne Jacob où est-elle ?
Elle est dans la salle, à déjeûner,
Geôlière, allez la trouver.
La geôlière disait
À Anne Jacob, en la voyant :
— Prenez un siège et asseyez-vous,
Voici une lettre, lisez-la ;
Voici une lettre, lisez-la,
C’est François Le Calvez qui l’a écrite.
— Y en eût-il dix,
Je les lirais toutes, debout.
La lettre n’était pas bien ouverte,
Qu’elle avait les larmes aux yeux ;
La lettre n’était pas à moitié lue,
Qu’elle était toute trempée entre ses mains.
Anne Jacob disait
À son garçon d’écurie, ce jour-là :
— Sellez-moi ma haquenée.
Afin que j’aille faire une promenade ;
Ferrez-le de laiton blanc,
Et mettez-lui une bride d’argent en tête.
Anne Jacob disait,
En arrivant dans la ville de Rennes :
— Bonjour et joie à tous dans cette ville,
Où est la prison ici ?
— Anne Jacob, excusez-moi,
C’est à la porte même que vous le demandez.
Anne Jacob disait
À François Le Calvez, en le voyant :
— Je vous avais souvent conseillé
De laisser la fraude, et vous ne vouliez pas le faire ;
Le fraudeur de tabac, et de vin
A d’ordinaire, mauvaise fin.
— J’ai dans mon armoire dix-huit mille écus,
Et sans la fraude je ne les aurais pas ;
Et bien que je sois un fraudeur,
Je vaux bien la fille d’un tanneur.
— Je suis toujours la fille d’un tanneur,
Et je vais à la maison, et toi, tu n’iras pas ;
Je vais à la maison, et toi, tu n’iras pas,
Et si tu l’avais voulu, tu y serais venu…
Et François Le Calvez disait,
Quand il montait sur l’échafaud :
— Seigneur Dieu, qu’ai-je fait ?
J’ai désobligé Anne Jacob !
Je la vois qui descend la rue.
Portant une robe de satin noir ;
Si j’avais voulu ne point la désobliger.
Je n’aurais pas été condamné à mort !…
Anne Jacob disait,
En arrivant à la maison :
— François Le Calvez s’est pris lui-même.
Parce qu’il m’a désobligée ;
Avant qu’il soit nuit aujourd’hui,
Sa tête sera sur le pavé !
de la paroisse de Berhet — Côtes du Nord.