Chefs-d’œuvre poétiques des dames françaises/Madame de Plat-Buisson

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MADAME DE PLAT-BUISSON.


Le moindre mérite de madame de Plat-Buisson (et c’est à peu près tout ce que nous en savons) était d’avoir beaucoup d’esprit et de faire de jolis vers. Cette dame est morte au commencement du xviiie siècle, dans un âge assez avancé. Nous ne connaissons d’elle, outre les deux pièces de vers que nous rapportons, qu’un autre morceau de poésie en dix-huit quatrains ou stances, ayant pour titre Épitaphe du caméléon, et qui se trouve également dans la Bibliothèque poétique, 1745.


SUR LE RETOUR DE L’HIVER.


Tombez, feuilles, tombez ; la nature l’ordonne.
L’hiver s’en va bannir les beaux jours de l’automne.
Déjà les aquilons, des plus lointains climats,
Ramènent en ces lieux la neige et les frimas.
Nous les verrons bientôt désoler nos campagnes
Et couvrir les sommets des plus hautes montagnes.
Les saisons tour à tour font le cercle des ans,
Et l’homme infortuné sent tous leurs changemens.
C’est en son propre sein, théâtre de la guerre,
Que règne le désordre, et non pas sur la terre ;
Car lorsque la raison sait régler ses souhaits,
Il s’accommode au temps et vit toujours en paix ;
Mais on peut rarement (oserai-je le dire ?)

Établir la raison dans ce petit empire :
L’injuste ambition, les violens désirs,
Le tyrannique amour, les frivoles plaisirs,
Tout s’oppose au pouvoir de cette grande reine,
Et, par les sens trompeurs, elle est mise à la chaîne.
Les plus sages enfin ne le sont qu’à demi.
Chacun porte en son cœur son plus grand ennemi.
On se trompe soi-même, on se flatte, on s’excuse,
Un intérêt caché sans cesse nous abuse ;
Et sans nous bien connoître, et sans nous corriger,
Nous ne changeons jamais et voulons tout changer.


QUATRAIN ÉPIGRAMMATIQUE.


Où peut-on trouver des amans
Qui nous soient à jamais fidelles ?
Je n’en sçais que dans les romans,
Ou dans les nids des tourterelles.