Cheikh Nefzaoui - La Prairie Parfumée - 18

La bibliothèque libre.
La Prairie parfumée où s’ébattent les plaisirs (الروض العاطر في نزهة الخاطر)
Traduction par Baron R***.
(p. 208-232).


Chapitre XIe

Relatif aux ruses et trahisons
des femmes.

Séparateur

Sache, ô vizir, que Dieu te fasse miséricorde ! que les stratagèmes des femmes sont nombreux et ingénieux. Leurs ruses l’emportent sur celles de Satan lui-même, car Dieu très élevé a dit (Coran, chapitre XII, verset 28.) que les fourberies des femmes sont grandes, et il a dit également (Coran, chapitre IV, verset 78), que les stratagèmes de Satan sont faibles. En comparant la parole de Dieu contenue dans ces deux versets, relativement à la fourberie de Satan et à celle de la femme, on voit combien est grande cette dernière[1].

Histoire du mari trompé convaincu
lui-même d’infidélité.



On raconte qu’un homme aimait une femme douée d’une grande beauté et réunissant toutes les perfections imaginables. Il lui avait fait de nombreuses avances qu’elle avait repoussées ; puis il avait tenté de la séduire par des cadeaux très riches, qu’elle avait également refusés. Il se plaignait, se lamentait et prodiguait sa fortune afin de faire sa conquête, mais il ne pouvait rien en obtenir. Il en était devenu maigre comme un spectre.

Cela dura un certain temps, pendant lequel il fit la connaissance d’une vieille femme qu’il mit au courant, par des plaintes amères, de ce qui lui arrivait. Cette vieille lui dit : « Je te ferai réussir, s’il plaît à Dieu ! »

Elle se dirigea aussitôt vers la demeure de cette femme pour essayer de l’entretenir ; mais à peine arrivée, elle fut avisée par les voisins qu’elle ne pourrait y pénétrer, parce que la maison était gardée par une chienne méchante qui ne laissait entrer, ni sortir, qui que ce fût et qui, dans sa férocité, ne s’attaquait qu’à la figure des gens.

En apprenant cela la vieille se réjouit et se dit en elle-même : « l’affaire réussira, s’il plaît à Dieu ! » Elle retourna ensuite chez elle et remplit une écuelle de viande coupée en morceaux. Puis, munie de cet appât, elle se rendit de nouveau à la demeure de la femme et y pénétra.

La chienne, dès qu’elle la vit, se leva pour s’élancer sur elle ; mais elle lui montra aussitôt l’écuelle avec ce qu’elle contenait. Dès que l’animal aperçut la viande, il témoigna sa satisfaction par les mouvements de sa queue et de son museau. La vieille femme, lui donnant alors l’écuelle, lui tint ce discours : « Mange, ô ma sœur. Ton absence a été très pénible pour moi : j’ignorais ce que tu étais devenue et voilà longtemps que je te cherche. Mais assouvis ta faim. »

Pendant que la chienne mangeait et que la vieille femme la caressait sur le dos, la maîtresse de la maison arriva afin de savoir qui était là et fut très surprise de voir sa chienne, qui ne laissait personne approcher d’elle, accueillir aussi bien une inconnue. Elle dit alors : « ô vieille femme, d’où connais-tu notre chienne ? » La vieille ne répondit rien et continua à se lamenter et à caresser la chienne.

La maîtresse de la maison lui dit alors : « mon cœur se serre en te voyant ainsi. Explique-moi donc les motifs de ton chagrin. » « Cette chienne, répondit la vieille, était autrefois une femme, et cette femme était ma meilleure amie. Un jour, elle fut invitée avec moi à une noce : elle revêtit les habits qui lui allaient le mieux, mettant de côté ceux qui ne lui seyaient pas, et se couvrit de ses plus belles parures. Puis nous sortîmes ensemble. En route nous fûmes arrêtées par un homme qui, à sa vue, fut saisi du plus violent amour, mais elle ne l’écouta point. Il lui fit faire maintes propositions, mais elle les repoussa. Enfin il lui fit offrir de brillants cadeaux, qu’elle refusa également. Cet homme l’ayant rencontrée un jour lui dit : « Rends-toi à mon désir, sinon je conjurerai Dieu de te métamorphoser en chienne ! » Elle lui répondit : « Conjure qui tu voudras ! » L’homme appela alors la malédiction du ciel sur cette femme qui fut changée en chienne, comme tu peux le voir ! »

À ces paroles, la maîtresse de la maison se mit à pleurer et à se lamenter, en disant : Ô ma mère, je crains de subir le même sort que cette chienne. » « Mais qu’as-tu donc fait ? » dit la vieille. « Il y a un homme, répondit-elle, qui m’aime depuis longtemps et je n’ai pas voulu céder à ses désirs, ni même l’écouter, quoique sa salive se soit desséchée dans sa bouche à force de me supplier et qu’il ait fait de grandes dépenses pour me plaire. Je lui ai toujours répondu que je ne céderais pas, et je crains maintenant, ô ma mère ! qu’il n’appelle sur moi la malédiction de Dieu. »

« Fais-moi connaître cet homme, dit la vieille, de peur que tu ne deviennes comme cet animal. » « Mais où pourras-tu le rencontrer, et qui pourrais-je envoyer vers lui ? » s’écria la maîtresse de la maison.

La vieille répliqua : « Moi, ô ma fille. Je te rendrai ce service et j’irai le trouver. » «  Hâte-toi ô ma mère, lui dit-elle, et vois-le avant qu’il n’ait conjuré Dieu contre moi ! » « Aujourd’hui même je le rencontrerai, assura la vieille, et le rendez-vous aura lieu demain, s’il plaît à Dieu ! »

La vieille femme partit alors, se rendit le même jour chez celui qui lui avait confié ses intérêts et lui fit part du rendez-vous donné pour le lendemain.

Dès le jour suivant la femme se rendit chez la vieille, car il avait été convenu que c’était là qu’aurait lieu la rencontre. Quand elle fut dans la maison, elle attendit quelques instants, mais personne ne venait et l’amant ne donnait pas signe de vie. Il avait dû sans doute se trouver dans l’obligation de s’absenter inopinément pour quelque grave affaire.

Cependant la vieille, réfléchissant à ce contre-temps, répétait en elle-même : « Il n’y a de force et de puissance qu’en Dieu, l’élevé, le magnifique ! » mais elle ne pouvait trouver l’explication de ce retard. Ayant tourné ses regards vers la femme, elle la vit inquiète et s’aperçut qu’elle désirait vivement le coït. Cette inquiétude se manifesta bientôt par la question suivante : « Pourquoi donc ne vient-il pas ? » à laquelle elle répondit : « Ô ma fille, quelque affaire très sérieuse l’a probablement mis dans la nécessité d’entreprendre un voyage, mais je veux venir à ton aide en cette circonstance. » Elle se revêtit alors de sa melahfa[2] et partit pour se mettre à la recherche du jeune homme. Mais tous ses efforts furent vains et elle ne put en avoir la moindre nouvelle.

La vieille, tout en continuant ses recherches, se dit en elle-même : « Cette femme est en ce moment avide des caresses de l’homme. Pourquoi ne chercherais-je pas un jeune homme qui calmera son ardeur pour aujourd’hui ? Demain je trouverai l’autre. » Pendant qu’elle marchait en réfléchissant ainsi, il arriva qu’elle fit la rencontre d’un jeune homme de l’extérieur le plus séduisant. Elle vit en lui immédiatement celui qui devait la tirer d’embarras et, l’accostant, elle lui dit : « Ô mon fils, si je te mets en relation avec une femme douée de beauté, de grâce et de toutes les perfections, consentiras-tu à la coïter ? » Le jeune homme répondit : « Si tes paroles sont celles de la vérité, je te donnerai ce dinar d’or. » La vieille, enchantée, prit l’argent et le conduisit à sa demeure.

Or il se trouva que ce jeune homme était précisément le mari de la femme, ce dont la vieille n’eut connaissance qu’après le lui avoir amené, et de la façon suivante : Elle le précéda à la maison et dit à la femme : « Je n’ai pas trouvé la moindre trace de celui qui t’aime, mais, à son défaut, je t’amène quelqu’un pour apaiser tes feux aujourd’hui. L’autre sera pour demain. C’est Dieu qui m’a inspiré ce moyen. »

La femme se leva alors, afin d’examiner l’homme que la vieille voulait lui présenter et, jetant un regard par l’ouverture qui servait de fenêtre, elle reconnut son mari en personne, qui se disposait à entrer[nde 1]. Elle n’hésita point, se revêtit à la hâte de sa melahfa et, allant droit à sa rencontre, elle le frappa au visage en s’écriant : « Ô ennemi de Dieu et de toi-même, que viens-tu faire ici ? Tu es venu certainement dans l’intention de commettre un adultère. Depuis longtemps je te soupçonnais et tous les jours je t’attendais ici après t’avoir envoyé des vieilles pour t’y attirer. Aujourd’hui tu es pris, tu ne peux nier. Et cependant tu ne cessais de me dire que tu n’étais pas un débauché et que tu ne connaissais pas la débauche ! Aujourd’hui même je vais demander le divorce, car je suis maintenant au fait de ta conduite. »

Le mari, croyant à la vérité des paroles de sa femme, resta silencieux et interdit.

Apprécie, d’après cela, les ruses de la femme et ce dont elles sont capables.

Histoire de l’amant malgré lui.


On raconte qu’une certaine femme tomba éperdument amoureuse d’un de ses voisins connu pour sa vertu et pour sa piété. Elle lui déclara sa flamme, mais voyant repousser constamment ses avances malgré toutes les ruses qu’elle mettait en œuvre, elle résolut d’avoir raison de ses refus. Voici le moyen qu’elle imagina pour atteindre son but.

Un soir, elle prévint sa négresse qu’elle avait l’intention de tendre un piège à cet homme et celle-ci, sur son ordre, laissa la porte de la rue ouverte ; puis, vers le milieu de la nuit, elle la fit lever et lui donna les instructions suivantes : « Sors et frappe, du dehors, la porte à coups redoublés avec cette pierre, sans te préoccuper des cris que je pousserai et du bruit que je ferai ; dès que tu entendras le voisin ouvrir sa porte, tu rentreras pour aller frapper à la seconde porte[nde 2]. « Aie bien soin de ne pas te laisser voir, et rentre immédiatement, dans le cas où quelque passant se présenterait. » La négresse exécuta ponctuellement ces ordres.

Or le voisin était un homme naturellement compatissant : il était toujours disposé à venir en aide aux gens dans l’embarras, et ce n’était jamais en vain qu’on réclamait son assistance. Au bruit des coups frappés à la porte et des cris que poussait la voisine, il s’enquit de ce qui se passait, près de sa femme, qui lui répondit : « C’est notre voisine une telle qui est assaillie dans sa maison par des voleurs. » Il sortit en toute hâte pour porter secours ; mais, à peine fût-il entré dans la maison que la négresse ferma la porte sur lui. Elles le saisirent et se mirent à pousser des cris. Il protesta, mais la maîtresse du logis lui posa sans détour cette condition : « Si tu ne consens à faire avec moi comme cela et comme cela, je dirai que c’est toi qui, étant venu pour me violer, as occasionné tout ce scandale. » « Qu’il soit fait suivant la volonté de Dieu ! dit l’homme, nul ne peut aller contre ses décisions, ni se soustraire à sa puissance ! » Il chercha alors des subterfuges pour s’échapper, mais ce fut en vain, car la voisine se mit à pousser de nouveaux cris et à recommencer son tapage, ce qui attira un grand nombre de personnes. Il vit sa réputation compromise s’il continuait sa résistance et, résigné, il s’écria : « Sauve-moi, je suis prêt à te satisfaire ! » « Entre dans ce cabinet et ferme la porte sur toi, dit la femme, si tu veux en sortir à ton honneur, et n’essaie pas de te sauver, car à la première tentative, je vais dire à ces gens-là que tu es l’auteur de tout le bruit. » La voyant bien décidée à arriver à ses fins, il fit ce qu’on exigeait de lui. Elle, de son côté, alla au-devant des voisins accourus à son aide et les congédia en leur donnant une explication quelconque de ce qui s’était passé. Ils se retirèrent en lui faisant leurs condoléances.

Restée seule, elle ferma sa porte et vint retrouver son amant malgré lui. Elle le tint séquestré une semaine entière et ne lui rendit la liberté que lorsqu’il fut exténué[nde 3].

Apprécie, d’après cela, les ruses des femmes et ce dont elles sont capables !

Histoire d’un mari cocufié
par son âne.


On raconte qu’un homme, qui était marié et exerçait la profession de portefaix, possédait un âne dont il se servait pour son travail. Sa femme était très grasse et d’une corpulence fort charnue : elle avait une vulve très grande, très fournie en chair, très profonde et excessivement large. Son mari, au contraire, avait une verge petite et molle. Aussi le détestait-elle à cause des faibles dimensions qu’avait son membre, tant en longueur qu’en grosseur, et surtout parce qu’il remplissait rarement le devoir conjugal. Il était, en effet, assez peu vigoureux pour cette action, tandis qu’elle, avide de coït, ne s’en serait jamais rassasiée, même en s’y adonnant jour et nuit, à ce point qu’aucun homme n’aurait pu la satisfaire et qu’elle aurait tenu tête à tout le genre humain. S’il lui fût arrivé de mettre une bonne fois la main sur un homme, elle ne lui eût plus laissé retirer son membre de sa vulve, même pour le temps que dure un clignement d’œil.

Cette femme portait toutes les nuits la nourriture à l’âne. Comme elle faisait souvent attendre son mari, celui-ci, à son retour, lui disait : « Pourquoi es-tu restée aussi longtemps, ô une telle ? » Elle répondait : « Je me suis assise à côté de l’âne et j’ai attendu qu’il eût mangé, tellement son état de fatigue m’a causé de peine. »

Cela dura ainsi un certain temps et le mari ne soupçonnait aucun mal. Il rentrait d’ailleurs chaque soir très fatigué de son labeur journalier et allait se coucher de suite, laissant l’âne aux soins de sa femme. Or celle-ci avait pris avec cet animal l’habitude suivante, combien Dieu l’avait rendue abominable ! Lorsqu’arrivait l’heure de lui donner à manger, elle s’approchait de lui, lui ôtait le bât et se le plaçait sur le dos en serrant les sangles autour de son corps ; puis elle prenait un peu de son crottin et de son urine qu’elle mêlait ensemble et dont elle se frottait l’entrée de la vulve. Cela fait, elle se campait sur les pieds et sur les mains, à portée de l’âne, et prenait position, sa vulve en face de lui. Celui-ci s’approchait, flairait la vulve et, croyant avoir devant lui une bête de somme, sautait sur elle. Dès qu’elle le voyait dans cet état, elle saisissait son membre avec une de ses mains et en introduisait la tête à l’ouverture de sa vulve. Celle-ci s’élargissait de telle sorte que le membre, pénétrant peu à peu, finissait par s’y loger entièrement et provoquait l’arrivée de la


L’âne s’approchait, flairait la vulve et croyant avoir devant lui une bête de somme sautait sur elle

jouissance.

Cette femme trouva ainsi pendant assez longtemps ses plaisirs avec le baudet. Mais, une certaine nuit que son mari était endormi, il se réveilla tout-à-coup avec le désir de caresser sa femme. Ne la trouvant pas près de lui, il se leva tout doucement et alla à l’écurie. Quel ne fut pas son étonnement quand il la vit sous l’âne, pendant que ce dernier faisait agir sur elle sa croupe qui se levait et s’abaissait ! Il s’écria : « Que signifie cela, ô une telle ? » Mais elle se dégagea avec rapidité de dessous l’âne et se prit à dire : « Que Dieu maudisse celui qui n’a pas pitié de son âne ! » « Mais, enfin ! qu’est-ce que tout cela veut dire ? » reprit le mari. « Voici ! » répliqua la femme. « Lorsque je suis venue apporter la nourriture à l’âne, il l’a refusée : j’ai reconnu par là qu’il était très fatigué. Je lui ai passé la main sur le dos pour voir ce qu’il avait : il a fléchi le rein. J’ai supposé alors que c’était son bât qui était trop lourd, ce dont j’ai voulu m’assurer en l’essayant. Je l’ai donc pris sur mon dos et il me paraît excessivement lourd. J’ai trouvé l’explication de sa grande fatigue. Crois-moi, si tu veux conserver ton âne, ne lui fais plus porter de si lourdes charges. »

Apprécie, d’après cela, les ruses des femmes et ce dont elles sont capables.

Histoire d’un larcin
d’amour.


On raconte que, de deux femmes habitant la même maison, il y en avait une dont le mari avait un membre grand, gros et dur, tandis que le mari de l’autre avait au contraire cet organe petit, mince et mou. La première se levait dans la joie et le bonheur, ne faisant que rire et plaisanter, tandis que l’autre ne cessait le matin, de pleurer et de se lamenter.

Un jour, ces deux femmes se trouvaient ensemble et s’entretenaient de leurs maris.

La première disait : « Je vis dans la plus grande félicité. Mon lit est une couche de délices. Lorsque mon mari et moi nous y sommes réunis, il devient le témoin de nos suprêmes bonheurs et de nos regards réciproques, le siège de nos baisers et de nos étreintes, de nos joies et de nos soupirs amoureux. Lorsque le membre de mon mari entre dans ma vulve, il la bouche complétement ; il s’y étend, il en atteint le fond ; il ne quitte point cette demeure qu’il n’en ait visité tous les coins et recoins, le seuil, le vestibule, le plafond et le milieu. Lorsqu’arrive le plaisir, il se place au centre même du vagin[3] qu’il arrose abondamment de ses larmes. Nous éteignons ainsi nos feux et nous calmons nos ardeurs. »

La seconde répondait à cela : « Je vis dans le plus grand chagrin. Notre lit est un lit de malheur, et notre réunion est une réunion de fatigues et de peines, de haine et de malédictions ! Lorsque le membre de mon mari entre dans ma vulve, il ne la bouche pas complétement, et, s’il veut s’y étendre, il n’en atteint pas le fond à cause de son peu de longueur. Quand il est en érection, il est tout tordu et ne peut procurer le moindre plaisir. Il est d’ailleurs débile, mince, et n’arrive pas à éjaculer, même une larme. Enfin une femme ne peut trouver aucun avantage à s’en servir. »

Tels étaient les propos qu’échangèrent dès lors, chaque jour, les deux voisines.

Or, il survint, dans le cœur de celle qui avait à se plaindre de son mari, le désir de commettre l’adultère avec le mari de l’autre. Elle se dit en elle-même : « Il faut que cela ait lieu, quand même ce ne serait qu’une seule fois ! » Puis elle se mit à surveiller son mari, jusqu’au moment où elle apprit qu’il devait passer la nuit hors de la maison.

Dans la soirée elle fit ses préparatifs pour mettre son projet à exécution, et se parfuma d’odeur suaves et d’essences. Vers le premier tiers de la nuit, elle s’introduisit sans bruit dans la chambre où couchaient l’autre femme et son mari, et se dirigea à tâtons vers l’endroit où ils reposaient. Elle étendit les mains sur le lit et, sentant un espace libre entre eux, elle s’y glissa. La place était étroite ; mais, chacun des époux croyant sentir la pression de l’autre, se recula de son côté, et elle parvint ainsi à s’insinuer entre eux. Elle attendit patiemment que l’autre femme fût endormie profondément et s’approcha alors de l’homme, de manière à mettre sa chair en contact avec la sienne. Le mari se réveilla et, sentant l’odeur de parfums qu’elle exhalait, entra immédiatement en érection. Il l’attira vers lui, mais elle lui dit à vois basse : « Laisse-moi dormir ! » « Laisse-moi faire et tais-toi ; les enfants n’entendront rien ! » répondit-il, croyant parler à sa femme. Elle, alors, se coula près de lui, de manière à l’éloigner de sa véritable femme, en lui disant : « Fais en sorte que les enfants qui sont près de nous n’entendent rien ! » Elle prenait ces précautions parce qu’elle craignait que l’autre femme ne vînt à se réveiller.

Cependant, l’homme, transporté par l’odeur des parfums, l’attirait vers elle avec ardeur. Or, elle avait un embonpoint qui rendait sa chair moelleuse et sa vulve rebondie. Il monta sur sa poitrine, en lui disant : « Prend-le (le membre) dans ta main, comme c’est ton habitude. » Elle le prit, resta émerveillée de sa grandeur et de sa magnificence, puis l’introduisit dans sa vulve.

Toutefois, l’homme remarqua qu’il avait pu faire entrer son membre tout entier, ce qui ne lui était jamais arrivé avec son épouse. La femme, de son côté, reconnut qu’elle n’avait jamais reçu un pareil bienfait de son mari.

L’homme ne revenait pas de sa surprise. Il se dit : « Voyons, d’où peut venir cela ! » et, pour être fixé, il la coïta une seconde fois ; mais son étonnement allait en augmentant. Enfin, se levant de dessus elle, il se coucha à son côté.

Dès que la femme le vit endormi, elle se leva, sortit de la chambre et rentra chez elle.

Lorsque le lendemain, l’homme se leva, il dit à sa femme : « Jamais tes embrassements ne m’ont paru aussi doux que cette nuit et jamais je n’ai senti de parfums aussi suaves que ceux que tu exhalais. » « Mais de quelle ardeur, de quels parfums veux-tu parler ? répliqua la femme. Je n’ai pas la plus petite parcelle de parfums dans toute la maison ! » Elle le traita de menteur et lui assura que c’était un rêve qu’il avait fait. Il se mit alors à songer qu’il pouvait bien se tromper lui-même et il convint avec sa femme, tout en ne sachant s’expliquer ce qui s’était passé, qu’il avait effectivement rêvé.

Apprécie, d’après cela, les ruses des femmes et ce dont elles sont capables !

Histoire de la femme aux
deux maris.


On raconte qu’un homme, au bout de quelque temps de séjour dans un pays où il venait d’arriver, éprouva le désir de se marier. Il s’adressa, pour trouver une épouse, à une vieille femme dont les services lui parurent pouvoir être avantageusement utilisés en cette circonstance, et qui lui répondit : « Je puis te procurer une fille douée d’une grande beauté et de toutes les perfections du corps. Elle te conviendra assurément, car, outre ces qualités, elle est vertueuse et pure. Seulement le métier qu’elle exerce l’occupe pendant tout le jour ; mais la nuit elle t’appartiendra complètement. C’est pour ce motif qu’elle se tient sur la réserve, craignant que ce soit une raison pour que tu ne l’agrées pas. »

L’homme répondit : « Que cette femme se rassure. Moi également je ne suis pas libre le jour et je n’aurai besoin d’elle que pendant la nuit. »

Il la demanda alors en mariage. La vieille la lui amena et elle lui plut. Ils vécurent dès lors ensemble, en observant toutefois ce qui avait été convenu.

Cet homme avait un ami intime auquel il fit connaître la femme qui avait arrangé le mariage, ainsi que les conventions de cette union, et qui le pria de solliciter d’elle le même service pour lui. Il y consentit et alla trouver la vieille, à laquelle il dit : « J’ai un ami qui désirerait que tu lui trouvasses une femme convenable. » « C’est facile, répondit-elle. J’en connais une remarquable par une beauté merveilleuse qui dissipe les plus noirs chagrins. Seulement, le métier qu’elle exerce l’occupe pendant toute la nuit et elle ne pourra se trouver avec ton ami que pendant le jour. » « Peu importe ! répondit-il. Elle conduisit alors la jeune fille à l’ami. Celui-ci en fut satisfait, et l’épousa suivant les conditions qui avaient été convenues.

Mais il ne se passa pas longtemps sans que les deux amis reconnussent que les deux femmes que leur avait fait épouser la vieille n’en faisaient qu’une seule et même.

Apprécie, d’après cela, les ruses des femmes et ce dont elles sont capables.

Histoire de Bahia.


On raconte qu’une femme mariée nommée Bahia (beauté éclatante) avait un amant, dont les relations avec elle ne furent bientôt plus un mystère pour personne, ce qui le mit dans l’obligation de s’éloigner d’elle. Cet éloignement l’affecta tellement qu’il tomba malade du désir de la revoir.

Il alla un jour trouver un de ses amis et lui dit : « Ô mon frère, un désir effréné s’est emparé de moi et il m’est devenu impossible de patienter davantage. Ne pourrais-tu pas m’accompagner dans une visite que je veux faire à Bahia, la bien-aimée de mon cœur ? » L’ami lui répondit qu’il était à sa disposition.

Le lendemain ils montèrent à cheval et, après avoir voyagé pendant deux jours, ils arrivèrent près de l’endroit où demeurait Bahia. Là ils s’arrêtèrent. L’amoureux dit à son ami : « Va vers les gens de ce pays et demande-leur l’hospitalité, mais surtout ne divulgue rien de nos affaires, et vois avant tout la servante de Bahia, à laquelle tu apprendras que je suis ici et que tu chargeras de demander un rendez-vous à sa maîtresse. » Puis il lui dépeignit la servante.

L’ami partit, rencontra la servante et la mit au courant de l’affaire. Celle-ci se rendit vers Bahia et lui répéta ce qui venait de lui être dit.

Bahia fit répondre : « Préviens celui qui t’a envoyé que le rendez-vous aura lieu cette nuit même, près de tel arbre, à telle heure. »

L’ami retourna vers l’amant et lui fit part de ce qu’avait décidé Bahia pour le rendez-vous.

À l’heure indiquée, les deux jeunes gens étaient près de l’arbre. Ils n’eurent pas à attendre longtemps pour voir apparaître Bahia. Dès qu’il l’aperçut, son amant se leva, s’élança au devant d’elle, l’embrassa, la serra contre sa poitrine, et ils se mirent à se baiser, à se caresser et à s’accoler.

L’amant lui dit : « Ô Bahia, n’aurais-tu pas un moyen pour que nous puissions passer la nuit ici, sans que ton mari soupçonnât de mal. » Elle répondit : « Oh ! par Dieu ! si cela te fait plaisir, il ne manque pas de moyens. » « Hâte-toi donc, reprit l’amant, de m’en faire connaître un. » Elle lui demanda alors : « Ton ami t’est-il dévoué et est-il intelligent ? » « Oui » répondit-il. Elle se leva, se dépouilla de ses vêtements et les donna à l’ami qui lui remit les siens, dont elle se revêtit ; puis elle lui fit mettre ceux qu’elle portait. L’amant surpris lui dit : « Que veux-tu donc faire ? » « Tais-toi ! » lui répondit-elle. Puis, s’adressant à l’ami, elle lui donna les explications suivantes : « Rends-toi à ma maison et couche-toi à ma place. Mon mari viendra vers toi après le premier tiers de la nuit, afin de te demander le pot dans lequel on trait les chamelles. Tu ne soulèveras pas ce vase pour le lui mettre dans les mains, mais tu le garderas dans les tiennes jusqu’à ce qu’il vienne le prendre. C’est ainsi que j’ai l’habitude d’agir avec lui. Puis il se retirera et reviendra ensuite avec le pot plein de lait en te disant : « Voilà le pot ! » Mais ne le prends pas qu’il n’ait répété ces paroles une seconde fois. Alors prends-le lui des mains, ou bien laisse lui le soin de le poser à terre lui-même. Puis, tu ne le verras plus jusqu’au matin. Lorsque le pot aura été posé à terre et que mon mari se sera éloigné, bois en le tiers et remets-le lui à sa place. »

L’ami partit, observa toutes les recommandations de Bahia et, lorsque le mari vint avec le pot plein de lait, il ne le lui prit pas de ses mains qu’il n’eût répété une seconde fois : « Voilà le pot ! » Malheureusement il retira ses mains du vase lorsque le mari voulut le poser ; celui-ci croyant qu’il était soutenu le lâcha ; le vase tomba à terre et se brisa. Le mari, le prenant pour sa femme, s’écria : « Où as-tu donc l’esprit ? » puis, saisissant une verge, il l’en frappa jusqu’à la briser, en prit une autre et le roua d’une cinquantaine de coups, au point de lui rompre les reins. La mère et la sœur de Bahia accoururent pour le tirer des mains de ce furieux. Il avait perdu connaissance. Heureusement elles parvinrent à emmener le mari hors de la chambre.

La mère de Bahia ne tarda pas à revenir et, s’approchant de lui, lui parla si longuement qu’il était prêt d’être suffoqué de tout ce qu’elle lui disait, car il ne pouvait que se taire et pleurer. Elle termina en disant : « Aie confiance en Dieu et obéis à ton mari. Quant à ton amant, il ne peut venir te voir maintenant pour te consoler, mais je t’enverrai ta sœur pour te tenir compagnie. » Puis elle partit.

Elle lui envoya, en effet, la sœur de Bahia, qui se mit à lui prodiguer les consolations et à maudire celui qui l’avait frappé. Elle pleurait, et lui gardait le silence. Il sentait que son cœur s’attendrissait pour elle, car ses yeux lui avaient appris qu’elle était d’une beauté éblouissante, qu’elle réunissait toutes les perfections et qu’elle ressemblait à la lune dans la nuit de sa plénitude. Il posa alors la main sur sa bouche en rapprochant ses lèvres, de manière à l’empêcher de parler et lui dit : « Ô femme, je ne suis pas ce que tu penses. Ta sœur Bahia est maintenant avec son amant et j’ai affronté le danger pour lui rendre service. Ne me couvriras-tu pas de ta protection ? Si tu me dénonces, ta sœur sera couverte d’opprobre ; quant à moi, j’en ai pris mon parti, mais que le mal retombe sur vous ! »

Elle se mit alors à trembler comme un rameau, en songeant aux conséquences de l’acte de sa sœur ; puis, se prenant à rire, elle s’abandonna à l’ami qui montrait un pareil dévoûement. Ils passèrent le reste de la nuit dans le bonheur, les baisers, les étreintes et les plaisirs réciproques. Il la trouva la meilleure des meilleures. Il oublia entre ses bras les coups de bâton qu’il avait reçus et ils ne cessèrent de jouir, de badiner, de s’embrasser et de coïter que lorsque brilla l’aurore.

Il partit alors pour aller retrouver son compagnon. Bahia lui ayant demandé des nouvelles de ce qui s’était passé, il lui dit : « Interroge ta sœur. Par ma religion ! elle n’ignore rien à ce sujet ! Sache seulement que nous avons passé la nuit dans des plaisirs mutuels, dans des baisers et dans des étreintes, jusqu’à présent. »

Puis ils firent de nouveau l’échange de leurs vêtements ; chacun reprit les siens. L’ami raconta alors à Bahia, dans tous les détails, ce qui lui était arrivé.

Apprécie, d’après cela, les ruses des femmes et ce dont elles sont capables !

Histoire de l’homme expert en stratagèmes
dupé par une femme.


On raconte qu’un homme avait recueilli toutes les ruses et tous les stratagèmes que les femmes ont inventés pour tromper les hommes, et prétendait qu’aucune ne saurait le tromper.

Une femme d’une grande beauté et pleine de charmes eut connaissance de ces propos. Elle prépara alors à son intention, dans le medjelès, une collation[4] où plusieurs espèces de vins figuraient et où rien ne manquait, comme accessoires, en fait de mets rares et recherchés. Puis elle l’envoya prier de venir la voir. Comme elle était renommée pour sa grande beauté et pour la rare perfection de sa personne, elle avait excité ses désirs et il s’empressa de se rendre à son invitation.

Elle avait revêtu ses plus beaux vêtements et exhalait les parfums les plus suaves, et assurément n’importe qui l’aurait vue ainsi serait aussitôt tombé dans le trouble. Aussi, lorsqu’il fut admis en sa présence, fut-il fasciné par ses charmes et plongé dans l’admiration par sa merveilleuse beauté.

Cependant cette femme paraissait préoccupée de son mari et laissait entrevoir la crainte qu’il ne vînt à rentrer d’un instant à l’autre. Il est nécessaire de faire connaître que ce mari était très orgueilleux, très jaloux et très violent et n’aurait point hésité à répandre le sang de celui qu’il aurait rencontré rôdant près de sa maison. Qu’aurait-il fait, à plus forte raison, à celui qu’il aurait trouvé dans l’intérieur !

Pendant que la femme et celui qui se flattait de la posséder se divertissaient dans le medjelès, un coup fut frappé à la porte de la maison : le cœur de l’amant se remplit aussitôt de crainte et d’inquiétude, surtout quand la femme s’écria : « C’est mon mari qui rentre ! » Elle le fit cacher tout tremblant dans une armoire qui se trouvait dans la chambre, en ferma la porte sur lui et laissa la clef dans le medjelès ; puis elle alla ouvrir la porte.

Son mari, car c’était lui, vit, en entrant, le vin et tous les préparatifs qui avaient été faits. Surpris, il demanda ce que cela voulait dire. « C’est ce que tu vois, répondit-elle ! » « Mais pour qui est-ce ? » répliqua-t-il. « C’est pour mon amant, que j’ai ici ! » « Et où est-il donc ? » « Dans cette armoire, » dit-elle, en montrant du doigt celle où était enfermé le patient.

Le cœur du mari se serra à ces paroles. Il se leva et alla à l’armoire, mais il en trouva la porte fermée : « Où est la clef ? » dit-il. Elle répondit : « la voilà ! » et elle la lui jeta. Mais comme il l’introduisait dans la serrure, elle se mit à rire aux éclats. Il se tourna vers elle en lui disant : « De quoi ris-tu ? » « Je ris, répondit-elle, de la faiblesse de ton jugement et de ton peu de raison et de réflexion. Ô homme sans discernement, crois-tu donc que si j’avais eu réellement un amant et que je l’eusse fait entrer dans la chambre, je t’aurais dit qu’il s’y trouvait en t’indiquant l’endroit où il s’était réfugié ? Non, ce n’est pas admissible ! Je n’ai eu d’autre idée que de t’offrir une collation à ton retour et j’ai voulu simplement plaisanter avec toi en agissant ainsi. Si j’avais eu un amant, certes ! je ne te l’aurais pas confié ! »

Le mari laissa alors la clef à la serrure de l’armoire sans ouvrir et, revenant vers la table où était la collation, il dit : « C’est vrai ! je me suis levé, mais je n’ai pas eu le moindre doute sur la sincérité de tes paroles. » Puis, ils se mirent à boire et à manger ensemble. Ils coïtèrent ensuite[nde 4].

L’homme dut rester dans l’armoire jusqu’au moment du départ du mari. La femme alla le délivrer et le trouva défait et ses vêtements souillés d’urine et d’excréments. Au moment où il en sortait, venant de courir un péril imminent, elle lui dit : « Eh bien ! monsieur le connaisseur en ruses de femme, parmi toutes celles que tu as recueillies, y en a-t-il une qui vaille celle-là ? » Il répondit : « Je suis convaincu maintenant que vos stratagèmes sont innombrables. »

Apprécie, d’après cela, les ruses des femmes et ce dont elles sont capables !

Histoire
de l’amant surpris par l’arrivée inopinée du mari.


On raconte qu’une femme, mariée à un homme d’un caractère violent et brutal, se trouvant avec son amant lors de l’arrivée inopinée de son mari qui rentrait de voyage, n’eut que le temps de le faire cacher sous le lit. Elle se voyait forcée de le laisser dans cette position dangereuse et désagréable, car elle n’imaginait aucun expédient pour le faire sortir de la maison. Dans son inquiétude elle ne tenait pas en place. Étant allée à la porte de la rue, une de ses voisines remarqua son état de trouble et lui demanda ce qu’elle avait. Elle lui confia ce qui lui était arrivé et en reçut cette réponse : « Rentre chez toi. Je me charge du salut de ton amant et te promets de le faire sortir sain et sauf. » Elle rentra donc.

La voisine ne tarda pas à venir la rejoindre, et elles préparèrent ensemble la nourriture et la boisson, puis ils commencèrent tous à manger et à boire. La femme se trouvait placée devant son mari, et la voisine en face du lit. Celle-ci se mit à raconter des histoires et des anecdotes sur les ruses des femmes, et l’amant écoutait tout ce qui se disait, de dessous le lit.

La voisine, poursuivant ses histoires, arriva à la suivante : « Une femme mariée avait un amant qu’elle aimait avec tendresse et dont elle était non moins aimée. Un jour que le mari était absent, l’amant vint la voir. Or, il arriva que le mari rentra à l’improviste au moment même où l’amant se trouvait en compagnie de sa femme. Celle-ci, ne trouvant pas de meilleur endroit pour le cacher, le fit mettre sous le lit, puis vint s’asseoir près de son mari qui prenait quelques rafraîchissements et lui tint compagnie en plaisantant et en jouant avec lui. Au milieu de ses jeux elle prit une serviette et lui couvrit les yeux. L’amant profita de cette occasion pour sortir de dessous le lit et s’échapper sans que le mari le vît. »

La femme, devant qui ce récit était fait, comprit le profit qu’elle devait en tirer ; elle prit une serviette et en couvrit les yeux de son époux en disant : « C’est au moyen de cette ruse que l’amoureux put sortir sans être vu du mari ! » et son amant, profitant de cet instant, réussit à sortir de dessous le lit et à s’échapper, sans que le mari s’en aperçût. Bien loin de se douter de ce qui se passait, celui-ci, au contraire, riait de toutes ces histoires et sa gaîté s’était encore accrue des dernières paroles de sa femme et des simulacres dont elle les avait accompagnées.

Apprécie, d’après cela, les ruses des femmes et ce dont elles sont capables !

Histoire
des précautions inutiles
[nde 5].


On raconte qu’un homme avait une femme douée de toutes les beautés et de toutes les perfections : elle était comme la lune dans la nuit de sa plénitude. Lui était très jaloux, car il connaissait toutes les ruses des femmes et leurs manières d’agir. Aussi ne sortait-il jamais sans fermer soigneusement la porte de la maison et celle de la terrasse.

Un jour sa femme lui dit : « Pourquoi agis-tu ainsi ? » « C’est parce que je connais vos ruses et vos coutumes ! » répliqua-t-il. « Ce n’est pas en agissant de cette façon, dit-elle, que tu réussiras. Car, certes ! lorsqu’une femme veut une chose, toutes les précautions sont inutiles. » « Peu importe, répliqua le mari ; il est toujours plus prudent de fermer les portes. » « Non, reprit la femme, car la clôture des portes ne sert à rien si la femme s’est mis une fois dans la tête de faire ce à quoi tu penses. » « Eh bien ! si tu peux faire quelque chose, s’écria le mari, fais-le ! »

Dès que son mari fut sorti,


… « Où est donc tombé ton bijou ? » demanda-t-il… « Le voilà ! » répondit-elle, en se retirant avec rapidité elle laissa à découvert la verge de son amant…

la femme monta tout en haut de la maison et fit, dans le

mur, une petite ouverture par laquelle elle se prit à regarder ce qui se produisait au dehors. À ce moment un jeune homme vint à passer dans la rue. Il leva les yeux, vit la femme et désira la posséder. Il lui dit : « Comment puis-je arriver à toi ? » Elle lui apprit qu’il n’y avait aucun moyen et que les portes étaient fermées. « Comment donc pourrions-nous nous réunir ? » reprit-il. Elle lui répondit : « Je ferai un trou dans la porte de la maison ; toi, guette mon mari, lorsqu’il reviendra de la prière du soir et quand, après avoir ouvert et refermé la porte, il aura pénétré dans l’intérieur, fais passer par ce trou ton membre, auquel je ferai rencontrer ma vulve. Tu me coïteras ainsi ; de toute autre manière, ce serait impossible. »

Le jeune homme guetta en effet le mari jusqu’à sa rentrée de la prière du soir et, dès qu’il l’eut vu pénétrer dans sa maison et refermer la porte sur lui, il alla au trou qui y avait été pratiqué afin d’y faire passer son membre. La femme était également sur ses gardes. Dès qu’elle vit son mari dans la maison, et même pendant qu’il était encore dans la cour, elle alla à la porte sous prétexte de s’assurer si elle était bien fermée ; puis, s’empressant de placer sa vulve en face du membre qui sortait du trou, elle l’introduisit tout entier dans son vagin.

Cela fait, elle éteignit la lampe et appela son mari, en le priant d’apporter la lumière. Il lui demanda : « Pourquoi ? » « Le bijou que je porte sur ma poitrine est tombé et je ne puis le retrouver, » répondit-elle. Il arriva alors avec une lampe. Le membre du jeune homme était encore dans la vulve à ce moment et venait d’éjaculer. « Où est donc tombé ton bijou ? » demanda le mari. « Le voilà ! » s’écria-t-elle, et, se retirant précipitamment, elle laissa à découvert la verge de son amant, qui apparut sortant de la vulve et encore toute dégoûtante de sperme.

À cette vue, le mari tomba par terre de rage. Dès qu’il fut relevé, sa femme lui dit : « Eh bien ! et ces précautions ? » « Que Dieu me fasse repentir ! » fut sa réponse.

Apprécie, d’après cela, les ruses des femmes et ce dont elles sont capables !

Les femmes ont à leur disposition une telle quantité de ruses qu’il ne faut pas songer à les énumérer. Elles réussiraient à faire monter un éléphant sur le dos d’une fourmi et trouveraient moyen même d’y labourer. Combien Dieu les a rendus détestables dans leurs actions !

  1. (132 ) Le naturel des femmes est tel. (Rabelais. Livre III Chapitre 33.)
  2. (133) La Melahfa est un grand voile, généralement en cotonnade blanche, formant une espèce de vêtement dont les femmes s’enveloppent entièrement le corps et la tête lorsqu’elles ont à sortir.
  3. voir note (107) : Le mot Heurmak n’est point un mot arabe usité. Sa signification s’applique à un cheval emporté, violent, indomptable.
  4. (134) Le Medjelès, de la racine djeleuss, s’asseoir, est le nom d’une salle des maisons arabes située ordinairement au rez-de-chaussée. C’est le vestibule, le salon, la salle d’audience.
  1. (s’) Note de l’éditeur. Une situation analogue se rencontre dans la nouvelle VI de la 3e journée des Contes de Boccace, reproduite en vers par La Fontaine dans son Richard Minutolo (livre Ier des contes). Il faut s’empresser d’ajouter que le fond du conte arabe n’a aucun rapport avec celui du conte de Boccace.

    Il y a lieu de remarquer aussi que le moyen employé par la vieille, pour gagner au jeune homme les faveurs de la dame, n’est pas sans analogie avec celui décrit dans la nouvelle VIII de la 5e journée des mêmes contes.

  2. (t’) Note de l’éditeur. Les habitations arabes ont généralement une cour intérieure qui communique par une porte avec la rue et par une seconde porte avec les appartements.
  3. (u’) Note de l’éditeur. Le cachet arabe a été laissé en entier à ce conte et le traducteur n’a pas cru devoir y toucher malgré les impossibilités qu’il renferme. La plus saillante est celle qui le termine : on ne peut admettre en effet qu’un homme marié ait pu être ainsi séquestré sept jours dans de semblables conditions.
  4. (v’) Note de l’éditeur. Voir la nouvelle VIII de la 8e journée des contes de Boccace, où se trouve une situation ayant de l’analogie avec celle-ci, sans que le fond des deux contes offre aucune ressemblance.
  5. (w’) Note de l’éditeur. Comparer avec le conte de La Fontaine (livre II) intitulé : « On ne s’avise jamais de tout » et reproduit des Cent nouvelles nouvelles.