Cheikh Nefzaoui - La Prairie Parfumée - 19

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Chapitre XIIe

Relatif à diverses questions d’utilité pour
les hommes et pour les femmes.


Sache, ô Vizir, que Dieu te fasse miséricorde ! que les renseignements contenus dans ce chapitre sont de la plus grande utilité et que ce n’est que dans cet ouvrage qu’on peut les trouver. Et certes ! la connaissance des choses est préférable à leur ignorance. Toute science peut être mauvaise, mais l’ignorance l’est encore davantage.

La science dont il s’agit traite de connaissances qui te sont inconnues, et qui sont relatives aux femmes.

Il y avait autrefois une femme nommée Moârbeda, qui passait pour avoir le plus de science et le plus de sagesse des gens de son époque. C’était une philosophe. Un jour on lui posa diverses questions, parmi lesquelles les suivantes, auxquelles elle fit les réponses que je vais reproduire :

« Où se trouve, chez la femme, le siège de l’esprit ? » Elle répondit : « entre les cuisses. »

« Et celui de la jouissance ? » « Au même endroit. »

« Et celui de l’amour des hommes et de leur haine ? » « Dans la vulve, » dit-elle. Elle ajouta : « Celui que nous aimons, nous lui donnons notre vulve, et celui que nous détestons, nous l’éloignons d’elle. Celui que nous aimons, nous partageons notre bien avec lui, ou nous nous contentons du peu qu’il est à même de nous donner ; s’il n’a pas de fortune nous l’agréons tel qu’il est. Celui, au contraire, que nous haïssons, nous l’éloignons de nous, nous offrirait-il de nous combler de biens et de richesses.

«  Où se trouvent placés, chez la femme, la connaissance, l’amour et le goût ? » « Dans l’œil, dans le cœur et dans la vulve. » Comme on lui demandait des explications à ce sujet, elle répondit : « La Connaissance a son siège dans l’œil, parce que c’est l’œil de la femme qui apprécie la beauté des formes et les avantages extérieurs. Par l’intermédiaire de cet organe, l’Amour pénètre jusqu’au cœur et, lorsqu’il s’en est emparé, il y demeure et l’asservit. La femme devenue ainsi amoureuse poursuit l’objet de son amour et lui tend des pièges. Lorsqu’elle a réussi, il se produit une rencontre de l’objet aimé avec sa vulve. Celle-ci le goûte et reconnaît alors sa douceur ou son amertume. C’est, en effet, la vulve qui sait distinguer, par le goût, le mauvais du bon.

« Quels sont les membres virils que préfèrent les femmes ? Quelles sont les femmes qui aiment le plus le coït et quelles sont celles qui le détestent ? Quels sont les hommes que préfèrent les femmes et ceux qu’elles détestent ? » « Les femmes, répondit-elle, n’ont pas toutes la vulve faite de la même façon et elles diffèrent également quant à la manière de coïter, et aussi en ce qui regarde les choses qu’elles aiment et celles pour lesquelles elles ont de l’aversion. Les mêmes dissemblances existent chez les hommes, aussi bien dans la forme de leurs organes qu’en ce qui concerne leurs goûts. La femme d’une corpulence charnue et dont l’utérus est situé à une faible profondeur, recherche le membre qui est à la fois court et gros, de manière qu’il bouche complètement son vagin, sans cependant en atteindre le fond ; car, si ce membre était gros et long, elle ne pourrait le supporter. Quant à la femme qui a l’utérus éloigné de l’orifice de la vulve et par suite le vagin profond, elle n’aime, en fait de membre, que celui qui a, en longueur et en grosseur, les plus amples proportions, de manière qu’il puisse remplir son vagin dans tous les sens : elle repousse impitoyablement l’homme dont le membre est petit et mince, car celui-là est dans l’impossibilité de la satisfaire dans le coït. »

« On distingue chez les femmes les divers tempéraments suivants : le bilieux, le mélancolique, le sanguin, le pituiteux et le mixte. Celles qui ont les tempéraments bilieux et mélancolique, ne sont pas très portées au coït et ne se trouvent bien qu’avec des hommes ayant le même tempérament qu’elles. Quant à celles qui ont un tempérament sanguin ou pituiteux, elles ont un penchant excessif pour le coït et, lorsqu’elles rencontrent un membre, si elles le pouvaient, elles ne le laisseraient plus sortir de leur vulve. Il n’y a également que des hommes d’un tempérament semblable au leur qui puissent leur convenir, et si une de ces femmes se trouvait mariée à un homme bilieux et mélancolique, ils mèneraient ensemble une existence misérable. Quant aux tempéraments mixtes, il n’existe pas, chez eux, de tendance ou de répulsion marquée pour le coït. »

« On a observé que les petites femmes, en toute circonstance, aiment davantage le coït et ont pour le membre viril une affection plus prononcée que les femmes de grande de taille. En fait de membres, les longs et les gros seuls leur conviennent : c’est dans ceux-ci qu’elles placent la délectation de leur existence et de leur couche.  »

« Il y a aussi des femmes qui n’aiment le coït que sur le bord de leur vulve. Aussi, lorsque l’homme, s’étendant sur elles afin de les coïter, veut introduire son membre dans le vagin, elles le retirent aussitôt avec la main et le placent entre leurs cuisses. »

J’ai tout lieu de présumer que ce fait ne se présente que chez les jeunes filles ou chez les femmes non habituées à l’homme. Je demande à Dieu qu’il nous préserve de celles qui ont ce défaut et de celles aussi auxquelles l’approche de l’homme est interdite, ou qui sont dans l’impossibilité de se donner à lui ![nde 1]

« Parmi les femmes il en est qui n’obéissent à leurs maris et qui ne consentent à les satisfaire dans le coït et à leur procurer de la volupté, qu’à force de coups et de mauvais traitements. Certaines personnes attribuent cette manière d’être à l’aversion qu’elles éprouvent soit pour le coït, soit pour leur mari, mais c’est à tort, car il y a là, en réalité, une question de tempérament et de caractère. »

« Parmi les femmes, il en est encore qui sont indifférentes pour le coït, parce que toutes leurs pensées sont tournées vers les grandeurs, vers les honneurs personnels, les visées ambitieuses ou les soucis des affaires de ce monde. Chez d’autres l’indifférence vient soit de la pureté de leur cœur, soit de la jalousie, soit d’une tendance prononcée de leur esprit vers les choses de l’autre monde, soit enfin de violents chagrins éprouvés. Toutes ces préoccupations de l’esprit chassent le goût du plaisir, aussi bien du cœur des hommes que de celui des femmes. Aussi, la jouissance qu’elles trouvent dans le coït dépend-elle non-seulement de la taille du membre, mais encore de la forme particulière que ces parties affectent. Parmi celles-ci on remarque celle appelée, par sa forme, el Mortebâ, المرتـبع la carrée, ou el Mortafâ, المرتـفع la saillante. Cette vulve présente cette particularité que, lorsque la femme étant debout serre les cuisses, elle les déborde de tous côtés. Elle est brûlante pour l’amour, sa fente est étroite, et on la nomme aussi el Keulihimi, القـليهمي la pressée. En effet, la femme qui la possède n’aime que les gros membres, et encore faut-il qu’ils ne se fassent pas attendre ! Ainsi, d’ailleurs, est le caractère général des femmes.

« Pour ce qui est du goût des hommes pour le coït, je puis dire qu’ils y sont plus ou moins portés en raison de leurs divers tempéraments, que l’on distingue en cinq[nde 2] espèces, comme ceux des femmes, à cette différence près, que le penchant de celles-ci pour le membre viril est plus grand que celui des hommes pour la vulve.

« Quels sont les défauts des femmes ? » La philosophe Moârbeda répondit à cette question : « La plus mauvaise des femmes est celle qui jette aussitôt les hauts cris, si son mari veut toucher le moindrement à sa fortune pour les besoins de son existence. Peut être mise sur la même ligne celle qui s’empresse de divulguer les choses que son mari veut tenir secrètes. » « Y en a-t-il d’autres ? » lui demanda-t-on. Elle ajouta : « Celle qui a un caractère très jaloux et qui élève la voix, de façon à couvrir celle de son mari ; celle qui répand des cancans ; la renfrognée ; celle qui est travaillée du besoin de faire voir sa beauté aux hommes et qui ne peut rester chez elle, et à propos de cette dernière j’ajouterai que, lorsque tu vois une femme riant beaucoup et se tenant continuellement à la porte de sa maison, tu peux affirmer que c’est une putain insigne.

« Sont encore mauvaises d’entre les femmes, celles qui s’occupent des affaires d’autrui ; celles qui passent leur vie à se lamenter ; celles qui volent le bien de leur mari ; celles qui sont d’un naturel désagréable et emporté ou peu reconnaissantes du bien qu’on a pu leur faire ; celles qui s’éloignent de la couche conjugale ou qui, par la position qu’elles y donnent à leur ventre et à leur dos sont incommodes pour leurs maris ; celles dont l’esprit est tourné vers la fourberie, la trahison, la calomnie et la ruse.

« Il y a encore celles qui n’ont pas la main heureuse dans ce qu’elles entreprennent ; celles qui sont toujours portées au blâme et à la trahison ; celles qui n’invitent leurs maris à remplir le devoir conjugal que lorsque cela leur convient à elles-mêmes ; celles qui sont bruyantes au lit ; celles, enfin, qui sont effrontées, dépourvues d’intelligence, bavardes et curieuses. »

« Voilà quelles sont les plus mauvaises d’entre les femmes ! »


  1. (x’) Note de l’éditeur. L’auteur ouvre là une parenthèse au discours de Moârbeda, pour donner cours à son indignation. Du reste, ce paragraphe, le précédent et les deux suivants ne se retrouvent pas dans certains textes arabes et en les examinant d’un peu près, on acquiert la conviction qu’ils ont été interpolés.
  2. (y’) Note de l’éditeur. Le texte dit quatre, l’auteur ne faisant pas sans doute entrer en ligne de compte le tempérament mixte. Il a paru utile, dans la traduction, d’apporter au texte cette légère modification.