Cheikh Nefzaoui - La Prairie Parfumée - 20

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Chapitre XIIIe

Relatif aux causes de la jouissance dans l’acte
de la génération.

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Sache, ô vizir, que Dieu te fasse miséricorde ! que les causes qui tendent à développer la passion pour le coït sont au nombre de six, savoir : la chaleur d’un amour ardent, l’abondance du sperme, la proximité de l’objet aimé dont [on] a cherché avidement la possession, la beauté du visage, une alimentation convenable et l’attouchement.

Sache aussi que les causes du plaisir dans la copulation et les conditions de la jouissance sont nombreuses, mais que les principales et les meilleures sont : la chaleur de la vulve, son étroitesse, sa sécheresse et sa bonne odeur. De ces conditions, si quelqu’une vient à manquer, c’est en même temps quelque chose qui fait défaut à la volupté. Mais, si le vagin réunit les conditions exigées, ce sont, au contraire, des motifs d’accroissement de jouissance. En effet, l’humidité de la vulve relâche les nerfs, la fraîcheur lui enlève toute vigueur, enfin la mauvaise odeur du vagin et sa grande largeur nuisent essentiellement au plaisir.

L’extrême jouissance, qui a sa source dans l’éjaculation impétueuse et abondante du sperme, dépend d’une circonstance : il est de toute nécessité que la vulve soit pourvue d’un pompoir[1], car alors celui-ci se cramponne au membre de l’homme et aspire le sperme par la force irrésistible de son attraction comparable à celle de l’aimant. Une fois que son membre a été saisi par la bouche du pompoir, l’homme ne peut plus empêcher son sperme de s’échapper. Car, si ce pompoir peut s’emparer de la tête du membre qui s’avance vers lui, il ne le lâche assurément pas sans en avoir extrait tout le sperme, et certes ! si la jouissance arrive à l’homme sans qu’il ait rencontré le pompoir, son éjaculation laisse à désirer.

Sache qu’il y a huit choses qui donnent de la force pour la copulation et la favorisent : ce sont : la santé du corps, l’absence de tout chagrin dans le cœur, l’éloignement de toute préoccupation d’esprit, de grandes dispositions à la gaîté, une bonne alimentation, des richesses, la variété dans les visages de femmes et la variété dans leur teint.

Si tu veux acquérir de la force pour le coït, prends des fruits du lentisque (derou ضـرو)[2], pile-les et allonge-les d’huile et de miel débarrassé de son écume, puis avale le tout à jeun : tu deviendras ainsi vigoureux pour le coït et il y aura en toi affluence de sperme.

Le même résultat sera obtenu en frottant le membre viril et la vulve avec du fiel de chacal. Cette friction donne de l’énergie à ces parties et en augmente la vigueur.

Un savant, nommé Djelinouss[3] a dit : « Celui qui se sentira faible pour le coït devra boire avant son sommeil un verre de miel bien épais et manger vingt amandes et cent graines de pin. Il suivra ce régime pendant trois jours. Il pourra aussi piler des graines d’oignon qu’il tamisera ensuite et qu’il mêlera avec du miel, en agitant. Il prendra cette mixture à jeun. »

L’homme qui voudra acquérir de la vigueur pour le coït pourra aussi faire fondre de la graisse de bosse de chameau et s’en frotter le membre au moment de l’acte : il le rendra ainsi merveilleux, et la femme coïtée n’aura qu’à s’en louer.

Lorsque tu voudras rendre la jouissance encore plus voluptueuse, mâche un peu de poivre de cubèbe كبّابة الهندي ou de graines de cardamome de la grande espèce, قاقلة الكبيرة place une certaine quantité de ce que tu as mâché sur la tête de ton membre et coïte ainsi. Cela te procurera, de même qu’à la femme, une jouissance incomparable. L’onguent de baume de Judée ou de La Mecque بَلْسَـان[nde 1] produit un effet analogue.

Si tu veux devenir d’une grande force pour le coït, pile avec soin du pyrèthre عاقرقرحا ou bien تڨنطس[nde 2] avec du gingembre زنجبـيل[4], mêle-les en les pilant doucement avec de l’onguent de lilas زنبـق ou زقبـق[5] puis frictionne-toi, avec cette composition, le bas-ventre, les deux testicules et la verge. Tu deviendras, par ce moyen ardent pour le coït.

Tu te rendras également dispos pour l’acte vénérien, tu accroîtras sensiblement la somme de ton sperme, tu deviendras un vigoureux coïteur et tu te procureras des érections remarquables, en mangeant de la chrysocolle تنكـار[6], la valeur d’un grain de moutarde بــزر الخردل[7]. L’excitation qui résultera pour toi de l’emploi de ce moyen sera sans pareille et toutes tes facultés pour le coït s’en trouveront exaltées.

Si tu veux que la femme apporte une grande passion à coïter avec toi, prends un peu de cubèbe, de pyrèthre, de gingembre et d’écorce de cannelier قـشر الغرفة que tu mâcheras au moment où tu devras te réunir avec elle, puis frotte ton membre avec ta salive et coïte-la. Elle te portera, à partir de ce moment, une si grande affection, qu’elle ne pourra se passer de toi, même pendant le temps que dure un clignement d’œil.

Le membre viril, frotté avec du lait d’ânesse devient d’une vigueur et d’une énergie sans pareilles.

Celui qui prendra des pois chiches et les fera cuire soigneusement avec des oignons, puis qui saupoudrera ce mélange de cannelle, de gingembre et de graine de Cardamome قاع قلة et قاقلة, bien pulvérisés ensemble, obtiendra de l’usage de ce mets, s’il en mange, un grand désir amoureux et une force remarquable pour le coït.

  1. (z’) Note de l’éditeur. Amyris gileadensis ou térébenthinier du Canada.
  2. (a’’) Note de l’éditeur. Anthemis pyrethrum عاقرقرحا.
  1. (36) Le mot Djadeba, que j’ai rendu dans ce passage par attraction, vient de la racine Arabe djedeb, qui signifie attirer, entraîner, pomper, etc. Cette expression se reproduit plusieurs fois dans le cours de cet ouvrage, et j’ai lieu de penser qu’elle répond tout à fait à une particularité qui se rencontre chez certaines femmes privilégiées et qui est désignée vulgairement sous le nom de Casse-noisettes.
  2. (135) Le lentisque est un arbre fort rameux qui donne comme fruits de petites baies rouges qui noircissent en mûrissant. On en fait une huile qui passe pour avoir la propriété de fortifier et de raffermir les chairs.
  3. (136) Il s’agit ici de Galien, ainsi nommé du nom de Galenos, en grec γαλενος, doux, qui lui fut donné dans sa jeunesse à cause de son extrême douceur, et d’où vient le nom arabe Djelinouss.
  4. (137) Zeundjebil, qui est l’amonium Zingiber, de Linné.
  5. (138) L’onguent dont il est question est sans doute composé de graisse (ou d’huile) et de feuilles de lilas mélangées et pilées. Ces feuilles ont passé, en effet, pour toniques et astringentes, et les capsules que produit cet arbuste fournissent un extrait aqueux qui paraît jouir de propriétés fébrifuges.
  6. (139) La chrysocolle est une matière qui servait à souder les métaux et en particulier l’or, et qui serait, suivant toute probabilité, le borax. Le nom de tinkal, qui sert à désigner le borax brut de l’Inde et qui se rapproche beaucoup du mot arabe teunkar, paraît venir de l’Indien. Quant au nom de chrysocolle, il est dérivé du Grec χρυσος, or, et κολλα, colle c’est-à-dire colle de l’or.
  7. (140) La valeur d’une graine de moutarde est une expression arabe qui signifie une très petite quantité.

    Observations de l’éditeur sur les notes 139 et 140. Le traducteur pourrait bien avoir été induit en erreur par le texte qu’il avait sous les yeux, car les trois textes consultés ont donné comme sens du membre de phrase : « en mangeant de la chrysocolle et de la graine de moutarde. » Cette dernière substance est assez excitante pour qu’on ne soit pas étonné de la voir recommandée en pareil cas.

    Plusieurs textes, en outre, au lieu de teunkar, chrysocolle, donnent takra تـكرة qui serait, d’après Abd er Razeug, un synonyme de ferbioune فربيـون et voudrait dire cévadille, fruit pulvérisé du veratrum sabadilla et médicament corrosif et dangereux. Ferbioune voudrait dire aussi euphorbe.