Chimie appliquée à l’agriculture/Chapitre 02

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Madame Huzard (Tome 1p. 32-108).

CHAPITRE II.


DE LA NATURE DES TERRES ET DE LEUR ACTION SUR LA VÉGÉTATION.




La terre sert de support à presque tous les végétaux : il en est quelques-uns dont les graines déposées sur les arbres par les vents ou les oiseaux, s’y développent et parviennent à leur accroissement naturel, tels sont le gui, les mousses, etc. ; il en est d’autres qui flottent sur les eaux ; et d’autres enfin qui s’établissent sur des roches arides, sur des ardoises ou des tuiles sèches ; les plantes grasses sont de ce dernier genre.

La terre est le support du plus grand nombre des végétaux, et son influence sur la végétation forme une des questions les plus importantes et les plus difficiles qu’on puisse traiter.

Les plantes ne sont point, comme les animaux, susceptibles de locomotion : fixées pour toujours sur une portion de sol déterminée, elles sont condamnées à tirer toutes leurs ressources de l’espace étroit qu’elles occupent pour fournir à tous leurs besoins ; elles ne peuvent mettre à contribution que la petite partie d’air, d’eau et de terre qui les entoure et les touche : il faut donc qu’elles trouvent autour d’elles les principes nutritifs nécessaires à leur accroissement et à l’exercice de toutes leurs fonctions ; il faut encore qu’elles puissent convenablement étendre leurs racines pour aller pomper au loin des sucs nourriciers, et s’établir d’une manière solide dans la terre, afin de n’être pas déracinées par les vents ou desséchées par les chaleurs.


Ces conditions, indispensables pour assurer une bonne végétation, ne se rencontrent pas toujours dans le sol consacré à la culture, et ceci nous conduit à examiner la nature des terres et les différences qui existent entre elles.


ARTICLE PREMIER.


Du terreau.


Lorsque les végétaux sont morts, ils se décomposent plus ou moins promptement ; et dans cette opération, qui est facilitée par l’air, l’eau et la chaleur, il se forme des produits qu’il importe d’autant plus de connaître, que les principaux alimens d’une plante vivante sont fournis par la décomposition des végétaux morts.

La décomposition est d’autant plus rapide, que les végétaux sont plus charnus et en plus grande masse ; mais la température chaude de l’atmosphère et l’humidité des plantes contribuent puissamment à l’accélérer.

Pendant tout le temps que dure cette opération, il se dégage beaucoup de gaz acide carbonique, qui se forme par la combinaison des principes constituans de la plante, et en partie par l’action de l’oxigène de l’atmosphère sur le carbone du végétal ; il s’exhale du gaz hydrogène presque toujours carburé, qui est fourni probablement par la décomposition de l’eau ; il se produit aussi du gaz ammoniacal lorsque ses élémens existent dans la plante.

Les végétaux qui fermentent en grande masse, développent toujours de la chaleur ; mais lorsqu’on les a desséchés et qu’on les entasse, il suffit de les humecter légèrement pour déterminer la fermentation et leur décomposition ; la chaleur, dans ce dernier cas, peut être élevée au point de déterminer l’embrasement de la masse : ce phénomène arrive toutes les fois qu’on enferme des fourrages qui ne sont pas assez secs, ou qu’on entasse des cordes, des chanvres ou du lin humides.

Dès que toutes les parties de la plante sont désorganisées, il en résulte un résidu terreux plus ou moins brun qu’on appelle terreau.

Outre les sels et les terres que contient le terreau, on y trouve encore des principes extractifs et des huiles qui ont échappé à la décomposition.

La distillation du terreau à la cornue produit beaucoup de gaz hydrogène carburé, du gaz acide carbonique, de l’huile bitumineuse empyreumatique, et de l’eau tenant en dissolution du pyrolignite et du carbonate d’ammoniaque.

Ces analyses par le feu n’offrent point les substances telles qu’elles existent dans les végétaux et les animaux ; elles décomposent les produits naturels, et en présentent les élémens différemment combinés de ce qu’ils étaient.

L’analyse du terreau par les lavages à l’eau est bien plus propre à nous éclairer sur la nature des principes de sa composition, et à nous conduire à la connaissance de son action sur la végétation.

Du terreau pur, formé en rase campagne, lessivé à l’eau bouillante par douze décoctions successives, a fourni à M. de Saussure une quantité d’extrait sec égale à la onzième partie de son poids ; il en a retiré d’une terre forte de jardin, et de la terre meuble d’un champ qui portait une belle récolte, mais en moindre quantité. Cet habile physicien s’est convaincu que la vertu des terreaux n’était pas en raison de la quantité d’extrait qu’ils contiennent.

Le terreau, dépouillé d’une partie de son extractif par les lavages, fournit à-peu-près les mêmes principes à la distillation que le terreau non épuisé ; mais quant à la végétation, elle est moins forte et moins productive dans le premier que dans le second.

Lorsque l’eau, par des décoctions répétées, se refuse à enlever une nouvelle quantité d’extractif au terreau, il suffit de l’humecter, et de le laisser exposé à l’air pendant trois mois, pour qu’il donne de nouveau de l’extrait. Ces macérations, long-temps suivies sur le même terreau, ont constamment donné des infusions colorées, qui, rapprochées, fournissent de l’extractif (Saussure) ; ce qui prouve que, par l’altération successive des produits végétaux, il se fait de nouvelles combinaisons, et qu’il en résulte des composés solubles dans l’eau après que ce liquide paraissait avoir épuisé son action dissolvante sur ces corps. Ce fait est d’autant plus précieux, qu’il prouve que la vertu nutritive des engrais végétaux peut se continuer pendant tout le temps que dure leur décomposition, parce qu’il se forme de nouveaux produits solubles dans l’eau, qui peuvent, d’après cela, servir d’aliment à la plante. Ce fait nous prouve encore que des substances insolubles dans l’eau, par leur nature, peuvent former d’excellens engrais dans les divers périodes de leur décomposition, en donnant lieu à la formation de produits très-solubles.

Le terreau dépouillé de son extrait fournit un peu plus de carbone que celui qui en est pourvu : cent parties du premier en ont donné à M. de Saussure 33, tandis que le second n’en contenait que 31.

Cent parties de l’extrait sec d’un terreau de gazon ont fourni quatorze parties de cendres, qui, lessivées à l’eau bouillante, ont donné vingt-cinq pour cent de sels composés de potasse libre, de muriates et de sulfates alcalins.

Il faut observer que lorsqu’on réduit les terreaux en cendres, l’eau a d’autant moins d’action sur elles, que la chaleur a été plus intense ; il se fait alors une véritable fritte, une sorte de demi-vitrification, qui combine les principes terreux avec les sels alcalins, et rend la masse moins soluble à l’eau. M. de Saussure a prouvé que l’eau bouillante ne pouvait extraire tout au plus qu’un à deux pour cent des sels contenus dans les cendres du terreau, tandis qu’après avoir obtenu cinq pour cent en sels alcalins de l’extrait sec du terreau de gazon, à l’aide de l’eau bouillante, il a retiré du résidu insoluble, par d’autres procédés analytiques, une quantité de sels égale à la première.

À l’exception des principes salins et terreux que contient le terreau dans la proportion de cinq à sept pour cent, tous les autres principes sont destructibles en entier par l’action de l’air et de l’eau.

Les terreaux immergés sous l’eau, ou mis à l’abri du contact de l’air, ne se décomposent pas ; mais lorsqu’on les imbibe d’eau, et qu’ils sont en contact avec l’air atmosphérique ou le gaz oxigène, ce dernier se combine avec leur carbone, et produit un volume de gaz acide carbonique constamment égal au volume d’eau qui les humecte. Lorsque cette eau est suffisamment imprégnée d’acide carbonique, le volume de l’air enfermé sous cloche et en contact avec le terreau ne change plus.

Le carbone enlevé au terreau par l’oxigène n’est pas en proportion de la déperdition qui s’opère par la décomposition ; il se dégage encore de l’hydrogène carboné et de l’eau, qui proviennent de la combinaison de l’oxigène avec l’hydrogène et de ce dernier avec le carbone.

La décomposition du terreau est très-lente, et lorsqu’elle est favorisée par le concours de l’air, de la chaleur et de l’eau, elle ne se termine qu’au bout de quelques années.

Les terres ne doivent leur fertilité, du moins en grande partie, qu’à l’existence de principes plus ou moins abondans, analogues à ceux du terreau. Ces principes leur sont fournis par les engrais et par la décomposition des plantes ; mais chaque récolte opère une diminution de ces substances ; une partie est entraînée par les eaux, tandis que l’autre est absorbée par les végétaux qui ont vécu sur le sol : ainsi la terre se dépouille peu-à-peu de ses principes nutritifs, et il ne reste à la fin qu’un résidu terreux, dépourvu de sucs nourriciers, et complétement infertile. C’est pour cela qu’après quelques récoltes successives, on est obligé de donner au sol de nouveaux engrais, pour rétablir sa fertilité.


ARTICLE II.


De la nature des sols.


La question que nous allons traiter est une des plus difficiles que nous présente l’agriculture ; mais comme elle en est peut-être la plus importante, nous devons y donner la plus grande attention, et y consacrer tous nos soins pour bien constater la différence et les propriétés des terres arables.

La terre est le support de presque tous les végétaux ; sa nature varie par-tout ; chaque genre de plantes en exige une particulière : l’étude des qualités d’un sol est sur-tout nécessaire lorsqu’il s’agit de s’éclairer sur la culture des végétaux, puisqu’ils y prennent leur principale nourriture, et qu’en outre leur accroissement dépend beaucoup des propriétés physiques de sa constitution.

Les sols arables, qui sont les seuls dont nous aions à parler, sont généralement composés de silice, de chaux, d’alumine, de magnésie, d’oxide de fer et de quelques substances salines.

Ces matières mélangées à différentes proportions, forment la variété des sols, et l’on donne au terrain le nom de celle dont le caractère prédomine : ainsi on les distingue en sol siliceux, calcaire, argileux, etc. Ces dénominations sont nécessaires pour les classer d’après leur nature, pour connaître leur degré de fertilité et le genre de culture qui convient à chacun.

Seule, aucune de ces espèces de terre ne peut fournir la base d’une bonne culture ; mais, par leur mélange, les vices de l’une sont corrigés par les qualités de l’autre ; et le meilleur sol est celui qui réunit le plus de propriétés dans son mélange terreux pour faciliter la végétation.

Indépendamment de ces principes terreux et salins, il y a peu de sols qui ne contiennent plus ou moins de matières végétales ou animales en décomposition ; ce qui, choses égales d’ailleurs, détermine leurs degrés de fertilité.


ARTICLE III.


De la formation des terres arables.


Les sols arables sont, presque tous, le produit de la décomposition des roches qui forment la base de notre globe : plusieurs causes concourent à opérer cette décomposition.

Les eaux se précipitant en torrens du haut des montagnes, en sillonnent les flancs et entraînent avec rapidité toutes les portions de roches qu’elles détachent. Ces pierres sont ensuite roulées par le courant plus ou moins rapide des rivières ; leurs angles s’émoussent par le choc continuel des unes contre les autres, leurs formes s’arrondissent, les surfaces deviennent lisses, leur volume diminue, et il se forme successivement des galets, du sable et de l’humus minéral.

Les pierres qui forment ces dépôts, le limon qui les lie, sont d’autant plus divisés, qu’ils sont parvenus à une plus grande distance des montagnes dont ils émanent, ou que la roche est plus ou moins dure, et les courans d’eau plus ou moins rapides.

Presque toutes les terres de nos riches vallées doivent leur origine à la décomposition des roches ; on peut juger de leur nature et des élémens qui les constituent par la connaissance de ceux qui composent les montagnes, dont elles ne sont que la dépouille. Ainsi les débris des montagnes granitiques composées de quartz, de feldspath et de mica, formeront des terres mélangées de silice, d’alumine, de chaux, de magnésie et d’oxide de fer ; les montagnes quartzeuses, presque uniquement composées de terre siliceuse, donnent naissance à des sols d’une nature analogue, et ainsi de suite pour les autres.

On serait pourtant dans l’erreur si on croyait que les terrains formés par les détritus des montagnes sont par-tout de la même nature et contiennent les mêmes principes et dans les mêmes proportions que les roches qui leur donnent naissance : pour que cela fût ainsi, il faudrait que toutes les terres qui composent ces roches eussent la même gravité spécifique et la même affinité avec l’eau, ce qui n’est pas. Dès-lors, on conçoit que, parvenues toutes au même degré de ténuité, les unes doivent se déposer, tandis que les autres continuent à être entraînées par le courant : la terre siliceuse et les oxides de fer doivent prédominer dans les dépôts qui se forment les premiers, et successivement la chaux, l’alumine et la magnésie.

C’est un spectacle bien intéressant que celui qui nous est offert, lorsqu’on suit avec attention les changemens qui s’opèrent dans les terrains d’alluvion, à mesure qu’ils s’éloignent de la source des rivières qui les produisent, soit qu’on les observe sous le rapport de la division et du mélange des principes qui les constituent, soit qu’on les considère dans les différences qu’ils présentent à diverses distances de la source d’où ils émanent.

Indépendamment de la différence de pesanteur spécifique et de dureté qui existe entre les principes terreux, ce qui a dû varier la nature de tous les terrains d’alluvion formés par les fleuves et les rivières, il existe d’autres causes naturelles qui y contribuent puissamment.

Les rivières reçoivent dans leur cours d’autres eaux, qui mêlent les débris terreux qu’elles charrient avec le limon des premières, et de ce mélange il résulte des modifications infinies dans la nature des dépôts qui se forment.

Il arrive même souvent que ce mélange du limon de deux rivières forme un dépôt plus fertile que ne le serait chacun d’eux séparément ; l’un corrige les défauts de l’autre et lui sert d’amendement : c’est ainsi que les débris des montagnes quartzeuses, mêlés aux principes argileux et calcaires provenant des débris d’autres montagnes, constituent une terre plus fertile que celle qui proviendrait de la décomposition de chaque montagne séparément.

Ainsi la plupart des terres consacrées aujourd’hui à la plus riche culture, ne sont que les débris de ces montagnes imposantes, dont les flancs, déchirés et entraînés par les torrens, se réduisent en poudre dans le trajet qu’ils parcourent, et se déposent dans les vallées pour y former la base de l’agriculture. Sans doute, on ne peut pas rapporter à d’autres causes qu’à celles que je viens d’indiquer, la formation des terres arables qui existent dans les vallées ; mais celles qui couvrent ces vastes plateaux qui couronnent les montagnes, ainsi que celles qui en recouvrent les flancs, doivent avoir une autre origine.

L’action continue de l’air et de l’eau dans ces derniers cas a pu seule produire ces résultats ; cette action a dû être très-lente, et les effets en seraient à peine sensibles au bout de plusieurs siècles, si d’autres agens ne s’étaient réunis aux premiers pour hâter la décomposition de ces roches et les convertir en terre productive.

La décomposition de ces roches doit être d’autant plus rapide, qu’elles sont moins compactes et plus perméables à l’eau ; elle est plus lente lorsque les terres qui les composent sont mieux liées entre elles, qu’elles ont peu d’affinité avec l’air et l’eau, et qu’elles repoussent toute combinaison avec ces agens.

Pour nous rendre raison de l’action de l’air et de l’eau sur les roches dont nous parlons, il faut considérer que plusieurs d’entre elles contiennent de la chaux qui est très-incomplètement saturée, et du fer oxidé, pour l’ordinaire, au minimum : de sorte que la chaux tend continuellement à enlever à l’air son acide carbonique, tandis que l’oxide de fer se combine avec son oxigène : ces combinaisons seraient promptes si ces deux substances n’étaient pas liées, empâtées, et pour ainsi dire fondues et incorporées avec d’autres, qui, n’ayant pas la même affinité avec l’air, s’opposent à son action : il faut donc faire intervenir un autre agent qui rompe cette aggrégation intime, et cet agent est l’eau.

L’eau mouille fréquemment la surface des roches et y séjourne plus ou moins long-temps ; elle pénètre peu dans la masse, mais enfin elle humecte la première couche et doit s’insinuer insensiblement dans les fissures ; lorsque le froid la convertit en glace, celle-ci disjoint et rompt la cohésion des premières molécules ; elle donne ainsi accès à l’action de l’air, qui combine ses principes avec la chaux et l’oxide de fer : dès ce moment la surface de la roche a changé de nature, et les progrès de sa décomposition deviennent plus rapides. Alors les lichens ou les mousses peuvent se fixer sur la surface des roches, et ils en continuent l’altération ; leurs racines déliées s’insinuent dans les pores et les fissures ; elles en font éclater les parois par l’effort continu qu’elles exercent, et forment de légères couches successives de matière pulvérisée.

L’eau seule, en pénétrant peu-à-peu dans l’un des principes terreux de la roche, produirait à la longue le même effet ; mais son passage à l’état de glace doit hâter singulièrement son action.

Dès que la surface de la roche est entamée, et que les lichens et les mousses s’y sont établis, toutes les plantes qui prennent peu de nourriture dans la terre s’y fixent à leur tour, et leurs décompositions successives ajoutent peu-à-peu à la couche légère de terre qui recouvre la roche ; avec le temps, on parvient à y cultiver toutes sortes de végétaux.

Jusqu’ici nous n’avons consulté que l’action des agens qui peuvent nous expliquer la formation des terres arables : ces seules causes ont mis sans doute à notre disposition presque toutes les terres qui sont consacrées à l’agriculture ; mais la main de l’homme et les générations successives des plantes les ont rendues bien plus propres à cet usage.

On a successivement enlevé aux terres d’alluvion les grosses pierres qui avaient échappé au broiement et qui nuisaient aux récoltes ; on a divisé les sols trop compactes, et, par des mélanges bien entendus, chaque terrain a été convenablement amendé ; tous les sols ont été successivement engraissés des débris des plantes et du fumier des animaux, et l’expérience a fait connaître à l’homme quel était le genre de culture et l’espace de végétal qui convenaient à chaque sol.

La nature a préparé les sols, l’homme seul les a disposés de manière à les faire produire selon ses goûts et ses besoins.

Mais quelle est la différence des sols ? quels sont ceux qui sont les plus propres à l’agriculture ?

En consultant la nature et la variété des roches dont les terres arables ne sont originairement que les débris, et qui, malgré les travaux de l’homme et les résultats de la végétation, conservent toujours leur caractère primitif, nous devons trouver les variétés suivantes.

Parmi les roches primitives ou de première origine, le granit occupe sans doute le premier rang ; il est généralement formé par l’aggrégation plus ou moins compacte de quelques pierres différentes par leur forme, leur couleur, leur dureté et leur composition : ces pierres sont le plus communément le feldspath, le quartz et le mica.

Ces pierres élémentaires du granit forment aussi séparément des roches où l’on ne trouve réunis que deux de ces principes, comme dans le schiste micacé, qui est composé de quartz et de mica, disposés en couches quelquefois curvilignes ; souvent le quartz forme, à lui seul et presque sans mélange, des montagnes primitives.

Je me bornerai à ces espèces, parce que les autres ne présentent pas, à beaucoup près, les mêmes masses, et n’occupent pas la même étendue sur le globe.

Je ne parlerai pas non plus de quelques substances qui se trouvent plus ou moins dans le granit, telles que l’hornblende ou amphibole, la serpentine, etc., ces corps y sont trop secondaires.

La composition des pierres qui constituent le granit varie beaucoup entre elles. Le quartz est presque uniquement formé par la terre siliceuse ; le feldspath, par la silice, l’alumine, la chaux, la potasse et l’oxide de fer ; le mica contient en outre de la magnésie.

Ainsi, lorsque le granit se décompose, il donne naissance à des terrains où l’analyse retrouve tous ces principes ; tandis que les débris des montagnes quartzeuses ne forment que des couches de terre siliceuse, et que ceux des roches de schiste micacé ne contiennent que les élémens du feldspath et du mica.

Les montagnes calcaires, composées de carbonate de chaux sans aucune apparence des débris des corps animés, sont rangées par les naturalistes parmi les roches primitives, et donnent lieu à la formation de sols calcaires.

Tous les terrains qui sont formés par le détritus des roches primitives, sont de première origine, et devraient en porter le nom, pour les distinguer de ceux qui doivent naissance à d’autres causes que je vais faire connaître.

Indépendamment des causes que je viens d’énoncer et qui ont donné lieu à la formation de la plupart des terres arables, il en est d’autres auxquelles plusieurs terrains doivent leur origine.

Les bouleversemens qu’a éprouvés successivement le globe ; la décomposition des couches pyriteuses qui paraissent avoir recouvert une partie de sa surface ; les lacs nombreux qui ont disparu par la main de l’homme ou par la rupture accidentelle de leurs digues naturelles ; le jeu des volcans ; l’irruption des mers ; la dépouille osseuse des animaux et les débris des végétaux enfouis, ont encore formé des sols de toute nature que l’homme a ensuite appropriés à ses usages.


ARTICLE IV.


De la composition des terres arables.


La nature des terres arables serait facile à déterminer, si nous ne consultions que celle des roches qui leur ont donné naissance ; mais les végétaux, l’homme et le temps y ont apporté tant de changemens, que le caractère primitif a presque disparu, et qu’il faut les juger et les apprécier d’après leur état actuel.

Tous les sols consacrés à l’agriculture sont, en général, un mélange de silice, de chaux et d’alumine ; ces terres sont mêlées de cailloux ou de sable de diverses natures et en différentes proportions, ainsi que des débris des substances animales et végétales plus ou moins décomposées. Les autres matières que l’analyse trouve dans ces terres n’y sont pas en assez grande quantité pour qu’elles puissent être classées parmi leurs élémens ; et lorsqu’elles y sont trop abondantes, ce qui arrive dans certaines localités quant à la magnésie et à l’oxide de fer, le sol en est moins propre à la végétation.

Le mélange de la chaux, de la silice et de l’alumine forme donc la base d’un bon terrain ; mais pour que ce terrain possède toutes les qualités désirables, il faut certaines proportions dans le mélange que l’analyse des meilleurs sols a fait connaître.

Je vais examiner d’abord quelles sont les proportions entre ces terres qui constituent les sols les plus propres à la végétation, je ferai connaître ensuite les propriétés particulières à chacune de ces terres, pour en déduire leurs effets et éclairer l’agriculteur sur la manière d’amender ou de corriger les vices de l’une par les qualités de l’autre ; je m’occuperai, en dernier lieu, des principes accidentels que déposent les animaux ou les végétaux dans ces mélanges terreux pour les rendre plus fertiles, et je terminerai par un court exposé des moyens que l’agriculteur peut employer pour connaître la nature de ses terres.

Pour connaître la composition terreuse des sols qui passent pour être les plus fertiles sous divers climats, on ne peut que s’en rapporter aux analyses qui en ont été faites par des hommes dignes de toute confiance.

Bergmann a trouvé qu’en Suède un des sols les plus fertiles contenait :

Silex grossier 
 30
Silice 
 26
Alumine 
 14
Carbonate de chaux 
 30
_____
100
_____

Giobert a analysé un sol fertile des environs de Turin, où les principes terreux étaient dans les proportions suivantes :

Silice 
 77 à 79
Alumine 
 9 à 14
Carbonate de chaux 
 5 à 12

Le mélange le plus fertile qu’ait composé Tillet dans le grand nombre d’expériences qu’il a faites à Paris, était composé de de terre glaise, de fragmens de pierre à chaux très-pulvérisés, et de sable. En réduisant ces composés à leurs élémens, on trouve :

Silex grossier 
 25
Silice 
 21
Alumine 
 16,5
Carbonate de chaux 
 37,5

Un excellent sol à blé, dans le voisinage de Drayton, en Middlesex, a fourni à M. Davy les en sable siliceux ; les restans étaient composés de trois terres très-ténues, dans les proportions suivantes :

Silice 
 28
Alumine 
 32
Carbonate de chaux 
 39

Je ne parle pas de l’eau et des matières animales et végétales que le sol contenait, et qui y entraient dans la proportion d’environ par rapport aux terres.

J’ai analysé un sol très-fertile, formé par les alluvions de la Loire à cent vingt-cinq lieues de sa source, et je l’ai trouvé composé de :

Sable siliceux 
 32
Sable calcaire 
 11
Silice 
 10
Carbonate de chaux 
 19
Alumine 
 21
Débris végétaux 
 07

L’analyse d’un sol en Touraine, qui venait de produire un beau chanvre, m’a donné :

Sable grossier 
 49
Carbonate de chaux 
 25
Silice 
 16
Alumine 
 10

Nous voyons d’après ces analyses qu’il n’y a point de bon terrain où il ne se trouve pas, en grande proportion, une quantité de sable qui divise les terres pulvérulentes, ameublisse le sol, et facilite l’écoulement des eaux surabondantes.

Si nous consultions l’analyse des sols moins fertiles, nous verrions que la fertilité diminue en proportion de ce que l’une ou l’autre des trois terres principales prédomine, et qu’elle devient presque nulle dans le cas où le mélange ne présente plus que les propriétés d’une seule.

Le mélange des terres est donc nécessaire pour former un bon sol ; il peut seulement varier, dans la proportion des terres qui le constituent, suivant la nature du climat et l’espèce de végétaux qu’on cultive. La terre calcaire et la silice peuvent exister en plus grandes proportions dans les pays constamment humides que dans les pays secs ; et l’alumine peut, à son tour, prédominer dans les terrains en pente d’où l’eau s’échappe facilement ; mais le mélange des trois terres constitue seul un bon terrain, et une trop forte disproportion dans leur mélange altère la qualité des sols.

Les parties constituantes d’un sol tendent continuellement à s’atténuer et à devenir pulvérulentes. Les labours fréquens, l’action des sels et des fumiers, l’effet des gelées, produisent peu-à-peu cette division extrême ; et lorsque le sol n’est plus formé que par le mélange de ces matières réduites en poussière, il cesse d’être productif : alors il n’a plus de consistance ; l’eau le réduit en une véritable boue, la chaleur en lie et en resserre tellement les parties, que l’air n’y a plus d’accès, et que les racines ne peuvent plus remplir leurs fonctions. M. Davy a observé que tout sol composé de de matières impalpables était complétement stérile : les fumiers peuvent momentanément corriger ces défauts ; mais comme l’effet en est passager, il convient mieux de mêler à ces sols appauvris le sable et le gravier dont ils manquent, pour rétablir leur fertilité.

Il paraît que les trois terres qui forment la base des sols fertiles peuvent passer dans les plantes : Bergmann l’avait prouvé par l’analyse de plusieurs espèces de graines, et Ruckert nous a donné les résultats de ses recherches sur une suite de produits végétaux, qui ne laissent pas de doute à ce sujet. Cent parties environ de cendres bien lessivées, et conséquemment dégagées de presque tous leurs sels, lui ont donné :

silice. chaux. alumine.
Cendres
de blé 
48 37 15
d’avoine 
68 26 6
d’orge 
69 16 15
de seigle 
63 21 16
de pomme de terre 
04 66 30
de trèfle rouge 
37 33 30

Tous les sols ne sont pas formés du mélange des trois terres qui constituent les plus fertiles ; ils sont composés souvent de la réunion de deux, par exemple, de la silice avec l’alumine, du carbonate de chaux avec cette dernière, etc. ; nous trouvons même quelquefois chacune de ces terres mêlées séparément avec des sables quartzeux ou calcaires, et formant des terres cultivées.

Il est rare que dans la composition des sols dont nous venons de parler dans le paragraphe qui précède, il n’entre que les deux substances désignées ; mais la proportion des autres y est tellement dominée par celles qui donnent leur caractère au mélange, qu’on peut ne pas s’en occuper.

Le mélange de la silice avec l’alumine forme ce sol qu’on appelle glaiseux, argileux ou simplement glaise. Les propriétés de l’alumine dominent dans les glaises, et ces sols sont peu fertiles par-tout où les proportions de cette terre font la moitié ou plus de leur composition : dans cet état, la glaise ne peut être employée que pour faire la base de quelques poteries, sur-tout lorsque l’autre partie constituante n’est que du silex divisé.

J’ai eu occasion d’analyser trois glaises extraites de trois champs situés sur un plateau formé presque en totalité de marne argileuse.

La première m’a donné :

Silex en grains 
 17
Alumine 
 47
Silice 
 21
Carbonate de chaux 
 10
Carbonate de magnésie 
 3
Oxide de fer 
 2

La seconde :

Silex en grains 
 22
Silice 
 15
Alumine 
 45
Carbonate de chaux 
 11
Carbonate de magnésie 
 4
Oxide de fer 
 3

La troisième :

Silex en grains 
 19
Silice 
 24
Alumine 
 40
Carbonate de chaux 
 9
Carbonate de magnésie 
 5
Oxide de fer 
 3

Les autres principes étaient des débris d’engrais peu décomposés.

Ces trois espèces de sols peu productifs deviennent pâteux par les pluies ; l’eau qui y séjourne est constamment trouble et blanchâtre, sur-tout lorsqu’elle est agitée par les vents ; la chaleur les gerce, les fendille, les durcit et les rend impénétrables à la charrue ; on ne leur donne quelque fertilité que par l’emploi d’une grande quantité de fumier de litière non décomposé, et sur-tout en enfouissant au moment de la floraison des récoltes de sarrasin ou blé noir.

Les sols qui proviennent du détritus ou de la décomposition des montagnes de grès calcaire, de celles de carbonate de chaux primitif ou secondaire, ne présentent souvent qu’un mélange de sable calcaire dont les grains sont liés par une poudre de carbonate de même nature.

Ces terres sont en général légères, poreuses et propres à plusieurs genres de culture, surtout dans les climats pluvieux, lorsque la couche a de la profondeur, et qu’elle repose sur une base qui peut retenir les eaux et les conserver pour les besoins des plantes qui y croissent. Ce sol est bon pour la vigne ; il est très-propre à la culture du sainfoin ; et lorsqu’il est convenablement engraissé, il peut fournir de bonnes récoltes en seigle, avoine et orge.

On donne à ces sols la dénomination de terres calcaires, quoiqu’ils contiennent presque toujours d’autres principes, parce que les propriétés du carbonate de chaux y dominent tellement, que celles des autres substances y sont à peine sensibles.

Le mélange de l’alumine et de la chaux constitue une autre espèce de sol qui, par lui-même, est peu productif lorsque l’alumine en forme plus de la moitié ; mais il sert avec avantage à amender les autres. On désigne celui-ci par le nom de marne ou sol marneux.

La nature de ce sol varie beaucoup d’après la proportion des principes constituans : on dit que la marne est argileuse ou grasse lorsque les qualités de l’alumine dominent, on la dit calcaire ou maigre lorsque le sous-carbonate calcaire lui donne ses caractères.

La marne présente souvent des fragmens de coquillages, quelquefois même ses couches sont presque uniquement composées de leurs débris, les falhuns sont de cette espèce : c’est la plus maigre et la meilleure de toutes pour amender des sols argileux.

La marne grasse est souvent mêlée avec du sable siliceux, qui en lie les parties, et contribue à la bonté de l’amendement lorsqu’on l’emploie à cet usage pour les terres légères et calcaires.

J’ai vu de la marne qui contenait soixante-dix pour cent de ce sable, vingt d’alumine et dix de carbonate de chaux ; on l’employait avec succès dans des sols purement calcaires.

On trouve ordinairement la marne par couches dans le sein de la terre et à une légère profondeur. Lorsqu’elle est extraite, et exposée à l’air, elle présente des phénomènes qui varient selon sa qualité.

En général, la marne se divise par l’action combinée de l’air et de l’eau, et elle se réduit en poudre ; mais la décomposition est bien plus prompte et plus complète lorsque les deux terres y sont dans des proportions convenables, que lorsque l’une d’elles y est trop dominante.

L’eau ramollit et délaie peu-à-peu l’alumine ; l’air dépose son acide carbonique sur la chaux qui n’en est pas encore complètement saturée ; l’oxigène se porte sur le fer, qui est presque inséparable des marnes, et augmente son oxidation ; de sorte qu’il se produit un véritable changement dans la nature de cette terre, et la marne acquiert des propriétés qu’elle n’avait pas ; elle devient pulvérulente, et c’est dans cet état qu’on l’emploie pour amender et féconder d’autres terres.

Lorsque la marne est fortement argileuse, le feu la durcit et la rend sonore comme la poterie bien cuite ; lorsqu’elle est calcaire presqu’en entier, le feu la convertit en chaux, et j’en ai vu, dans les Cévennes, qui était mêlée avec une assez suffisante quantité de sable quartzeux pour qu’on l’employât seule, après l’avoir calcinée, pour former un excellent mortier.

La proportion des deux terres varie prodigieusement dans la composition de la marne : des analyses nombreuses de marnes employées dans le midi et dans le centre de la France, m’ont donné depuis dix jusqu’à soixante pour cent de sous-carbonate des chaux, de quinze à cinquante pour cent d’alumine, et de quinze à soixante-dix pour cent de sable siliceux. La marne provient souvent de la décomposition du silex ou pierre à fusil.


ARTICLE V.


Des propriétés des différentes terres.


Comme les terres dont le mélange constitue les sols dont je viens de parier, n’ont pas toutes les mêmes qualités, et qu’elles se comportent différemment avec l’air, l’eau et la chaleur, qui sont les plus puissans agens de la végétation, la bonté du sol résulte de l’ensemble des vertus réunies de chaque espèce ; ce qui suppose des mélanges convenables, dans lesquels les vertus de l’une corrigent les vices ou les défauts de l’autre.

Mais, pour opérer ces mélanges, et réparer ce qu’il y a de défectueux dans plusieurs ; pour pouvoir les approprier par l’art à la nature de quelques cultures particulières, il faut connaître les qualités propres de chaque espèce de terre, et c’est de cet objet que je vais m’occuper.

La terre siliceuse ou la silice existe dans toutes les roches dures primitives, et elle forme la presque totalité des montagnes quartzeuses.

Pour l’obtenir dans son plus grand degré de pureté, on fond le cristal de roche avec six parties de potasse ; on dissout dans l’eau, et on s’empare de l’alcali par l’acide muriatique ; on évapore à siccité, on lave le dépôt et la silice reste pure.

En cet état, la silice a l’aspect d’une terre blanche, impalpable ; elle est rude au toucher ; ses molécules, délayées dans l’eau, se précipitent avec une facilité extrême et ne paraissent point faire corps entre elles.

La pesanteur de la silice, comparée celle de l’eau, est de 2,5.

Elle est insoluble dans presque tous les acides : le fluorique seul la dissout et peut l’enlever au verre, dont elle forme un des principes.

Les lessives alcalines chaudes la dissolvent un peu.

Comme on la trouve en assez grande abondance dans les végétaux, elle ne peut y être introduite que dans un état de division extrême, ou peut-être en dissolution par l’un des alcalis.

Cette terre est inaccessible à l’action de l’air et du feu, parce qu’elle est saturée d’oxigène, et que, d’après Davy et Berzelius, elle paraît composée de parties égales d’oxigène et d’une base appelée silicium.

D’après mes expériences, cette terre, impalpable et très-sèche, absorbe à peine le quart de son poids d’eau, et elle la laisse s’évaporer deux fois plus vite que le carbonate de chaux également divisé, et cinq fois plus vite que l’alumine dans le même état.

Toutes les roches primitives composées contiennent de l’alumine.

Pour avoir l’alumine pure, on la précipite, par l’ammoniaque, d’une dissolution d’alun dont elle fait la base ; on lave avec soin le précipité ; on chauffe le résidu, et on obtient cette terre dans un état de pureté parfaite ; elle se présente alors sous la forme d’une poudre blanche, qui a les propriétés suivantes :

Elle happe fortement la langue ;

Sa pesanteur spécifique est de 2,2 à 2,3 ;

Elle durcit au feu, y prend beaucoup de retrait et ne se délaie plus dans l’eau ;

Elle absorbe l’eau avec avidité, en prend deux fois et demie son poids avant d’en être saturée, et la retient avec force, sur-tout lorsque celle qui en mouille les surfaces est évaporée ; elle ne la cède en entier qu’au plus grand degré de feu, et lorsqu’on la fait passer à l’état de fusion.

L’alumine saturée d’eau forme une pâte molle, douce au toucher, facile à manier et recevant aisément toutes les formes qu’on veut lui donner.

D’après les expériences de Berzelius, elle est composée de 46,70 oxigène et de 53,30 d’aluminium.

La chaux existe dans la plupart des roches primitives et forme la base de toutes les montagnes calcaires, primitives ou secondaires.

On peut l’obtenir pure en calcinant à un très-haut degré de feu le spath d’Islande, le marbre primitif, etc., ou en la précipitant de ses dissolutions dans les acides.

La chaux est âcre et brûlante sur la langue.

Elle absorbe l’eau avec avidité et sifflement, et forme avec elle un hydrate ou une pâte qui fait la base des mortiers.

L’acide carbonique, avec lequel elle a beaucoup d’affinité, se combine avec elle, et en sépare peu-à-peu l’eau, qui s’évapore.

La chaux pure est composée de 28,09 d’oxigène et de 71,91 de calcium.

La chaux, telle qu’elle existe dans les sols consacrés à la culture, y est à l’état de carbonate, et ses propriétés sont très-différentes de celles qu’elle présente dans son état pur.

Sa pesanteur spécifique est de 2,0.

Le carbonate pulvérisé absorbe 0,8 son poids d’eau, et la retient avec moins de force que ne fait l’alumine.

Le mélange de ces terres a des propriétés générales qui résultent de la réunion des qualités que chaque terre apporte dans la composition du sol ; mais indépendamment de l’action que ces principes exercent les uns sur les autres, celle des engrais, de l’air, de l’eau, des labours, produit des modifications qu’il est important de faire connaître.

Je vais donc examiner quelle est l’influence qu’exercent tous ces agens sur les divers terrains : je me livre à cette discussion avec d’autant plus de raison, que l’agriculteur pourra y trouver des principes de conduite, et l’explication de plusieurs phénomènes qu’il a observés jusqu’ici, mais dont il n’a pas pu peut-être se rendre raison.

Nous avons déjà vu que l’air fournissait à la plante deux de ses principes constituans, dont l’un (l’acide carbonique) contribuait à sa nutrition par le carbone qu’il y déposait, tandis que l’autre (l’oxigène) en soutirait une portion de carbone. Ce dernier devient encore le principal agent de la décomposition des engrais et des végétaux morts ; mais l’action de l’air ne se borne pas à ces fonctions, quelque importantes qu’elles soient.

On peut considérer l’air comme un véhicule qui se charge constamment d’une quantité plus ou moins considérable d’eau en vapeurs, et qui en dépose une partie sur la terre par la fraîcheur des nuits ; la surface du sol et les feuilles des végétaux en sont souvent mouillées dès le matin ; le retour du soleil et de la chaleur évapore ce liquide, qui retombe le soir et pendant la nuit : c’est ainsi que par ce mouvement alternatif, déterminé par les variations de température qui ont lieu pendant les vingt-quatre heures, l’eau est sans cesse appliquée à la plante pour la préserver de l’effet des chaleurs excessives, qui en dessécheraient tous les organes.

Les vapeurs aqueuses suspendues dans l’air commencent à se condenser et à se précipiter au coucher du soleil ; elles entraînent et amènent avec elles la plupart des émanations qui s’étaient élevées pendant le jour ; ces émanations, presque toujours bienfaisantes pour la plante, qui s’en nourrit, sont souvent dangereuses et délétères pour l’homme, et ce n’est pas sans raison qu’il redoute et évite le serein.

Dans les climats du midi, où le soleil est plus ardent et les pluies moins fréquentes, la végétation ne se maintient que par les rosées, qui y sont beaucoup plus abondantes que dans le nord.

Mais pour que la rosée des nuits puisse produire le meilleur effet sur les plantes, il faut que le sol réunisse certaines dispositions qu’il ne possède pas toujours.

Lorsque le sol est dur et compacte, et qu’il forme une croûte impénétrable à l’air, la rosée se dépose à sa surface, et elle s’évapore aux premiers rayons du soleil sans avoir humecté les racines, ni mouillé l’intérieur de la terre : de sorte que, de tous les organes qui servent à la nourriture du végétal, il n’y a que les feuilles qui profitent alors des bienfaits de la rosée ; les racines, qui sont le principal organe de la nutrition lorsque la plante est développée, n’y participent alors en aucune manière.

Il faut donc que le sol soit bien meuble, bien ouvert, pour que l’air puisse aller déposer l’eau dont il est chargé sur la surface même des racines et sur toutes les parties de la terre, jusqu’à une certaine profondeur : alors la plante jouit, par tous ses pores, des effets fécondans de la rosée, et l’effet en est plus durable pour la racine, parce que, soustraite à l’action directe du soleil, l’évaporation y est plus lente, et sa surface reste humide, long-temps après que la feuille est desséchée par le soleil ; d’ailleurs la terre, faiblement humectée par la rosée, facilite l’action des racines, soit pour s’étendre soit pour pomper des sucs nutritifs.

Ceci nous conduit naturellement à l’explication d’une pratique dont tous les agriculteurs ont reconnu l’avantage : lorsque les végétaux sont semés en rayons et à une certaine distance les uns des autres, tels que les pois, les haricots, les pommes de terre et les racines, on pioche, on laboure le sol dans les intervalles que laissent entre elles les plantes développées : par ce moyen on ameublit le sol, et on le rend poreux et perméable à l’air. On a attribué jusqu’ici les bons effets de cette méthode à la destruction des plantes étrangères, qui épuisent le sol et nuisent par leur voisinage à celles qu’on veut exclusivement cultiver ; on a dit encore que le terrain ainsi remué et retourné était plus propre à recevoir l’eau des pluies et à la mieux distribuer. Je ne disconviens pas que ces effets ne soient réels, mais je les regarde comme très-secondaires et subordonnés à celui d’ouvrir un accès à l’air, pour qu’il puisse déposer sa rosée sur les racines et dans l’intérieur de la terre.

J’ai observé constamment que l’effet de cette méthode était aussi prompt qu’admirable dans la culture des betteraves, et je n’en emploie pas d’autre pour ranimer la végétation, lorsqu’elles jaunissent et dépérissent ; en trois ou quatre jours, elles deviennent d’un beau vert et se développent, quoiqu’il ne survienne pas de pluie, et que souvent le sol ne contienne pas avant l’opération une seule plante étrangère ; j’ai fait la même observation sur toutes les racines.

Un procédé qu’on pratique généralement dans le midi de la France pour la culture de la vigne, a long-temps fixé mon attention sans que je pusse me rendre raison de ses effets : dans ce pays, où il ne pleut presque jamais pendant l’été, on déchausse le pied de chaque cep de vigne en creusant tout autour une fosse circulaire assez large et assez profonde pour mettre à nu une grande partie du pied de la souche et les radicules qui le recouvrent : les feuilles des sarmens ne tardent pas à recouvrir l’ouverture de cette fosse. Il est évident que cette méthode n’a pas d’autre avantage que de faciliter l’accès de l’air jusqu’aux racines, pour qu’il y dépose la rosée abondante dont il est plus chargé dans ces climats que dans d’autres plus froids : s’il n’en était ainsi, cette pratique disposerait la plante à être desséchée par l’ardeur continue et dévorante du soleil.

Mais les sols n’ont pas tous la même affinité avec l’eau, ce qui tient aux divers degrés de ténuité ou de division de leurs parties constituantes et à la nature des substances qui entrent dans leur composition.

En général, plus les parties d’un sol sont divisées mieux elles absorbent l’eau.

On peut ranger dans l’ordre suivant la propriété absorbante que possèdent les élémens qui composent un sol fertile :

Substances végétales,

Substances animales,

Alumine,

Carbonate de chaux,

Silice.

Mais l’alumine et les sols où elle prédomine par ses caractères, ne sont pas ceux qui s’emparent de l’humidité de l’air avec le plus d’avantage ; ils retiennent l’eau avec trop de force et les végétaux souffrent de la sécheresse, comme s’ils étaient sur un fond de sable.

Les terres poreuses, légères, composées de justes proportions d’alumine, de sable, de carbonate de chaux, de silice et de débris végétaux et animaux, sont les plus propres à absorber l’humidité de l’air et à la conserver, pour la transmettre le plus régulièrement et le plus à propos à la plante.

L’expérience a conduit M. Davy à un résultat bien précieux pour la science agricole ; il a comparé l’énergie avec laquelle divers sols absorbent l’humidité atmosphérique, et il a constamment trouvé que les plus fertiles sont ceux qui jouissent de cette faculté au plus haut degré : de telle sorte qu’on peut estimer et classer la fertilité des sols d’après cette propriété.

Mille parties du fameux sol de Ormiston dans le Lothian oriental, qui contient plus de la moitié de son poids de matière ténue, dont la composition est de onze carbonate de chaux et neuf de substances végétales desséchées à cent degrés, ont gagné dix-huit gr. dans un air saturé d’humidité, à la température de seize degrés.

Mille parties d’un sol très-fertile, formé par les dépôts de la rivière Parret, dans le Sommersetshire ont gagné seize gr.

Mille parties d’un sol situé à Marsea en Essex ont gagné treize gr.

Mille grains de sable fin d’Essex ont gagné onze gr.

Mille grains de sable plus grossier ont gagné huit gr.

Mille grains des landes de Baysthot en ont gagné trois.

La vertu absorbante des terres a été trouvée constamment en rapport avec la fertilité du sol et son prix de location.

Il n’est rien de plus important dans la science agricole que de bien connaître la faculté qu’ont les différens sols d’absorber l’humidité de l’air, et de déterminer les différens degrés de force que chacun d’eux possède à cet égard. Les moyens qu’on peut employer sont à la portée de tous les cultivateurs ; il ne s’agit que de sécher le même poids de chaque espèce de terre également divisée, et de peser, soir et matin, pendant quelques jours, pour apprécier ce qui a été absorbé pendant la nuit. Il est nécessaire, pour obtenir des résultats sûrs, de donner à chaque essai le même poids, la même division, le même degré de dessiccation et une épaisseur égale à chaque couche.

D’après tout ce que je viens d’exposer, on voit que l’air et l’eau forment deux puissans agens de la végétation ; ils agissent par eux-mêmes en fournissant des principes nutritifs par leur décomposition ; ils agissent comme secondaires ou auxiliaires, en servant de véhicule ou de dissolvant à d’autres substances qu’ils charrient dans la plante.

Mais si ces agens fournissent des alimens à la plante, la chaleur seule en détermine l’élaboration en animant les organes du végétal. On peut observer cet effet de la température non-seulement sur les végétaux, mais sur plusieurs classes d’animaux, et sur presque tous les insectes qui s’engourdissent par le froid et se raniment par la chaleur.

Tous les sols ne sont pas également propres à recevoir et à conserver la chaleur.

Les terres blanches s’échauffent difficilement : lorsque l’argile blanche ou la marne alumineuse y prédominent, elles sont presque toujours humides et elles retiennent peu la chaleur. Les terres crayeuses, calcaires et blanches prennent difficilement la chaleur, mais elles la perdent moins vite ; les terres colorées absorbent la chaleur en raison du degré de leur nuance, depuis le brun jusqu’au noir.

M. Davy a observé qu’un terreau noir qui contenait près d’un quart de matière végétale, exposé au soleil, avait acquis en une heure une élévation de température, qui de douze degrés avait porté le thermomètre à trente et un degrés ; tandis que, dans les mêmes circonstances, un sol à base de craie n’avait pris que deux degrés. Le terreau étant reporté à l’ombre à la température de 16,6 degrés, le thermomètre descendit de 8,3 degrés en demi-heure, et la craie perdit dans le même temps et à la même exposition 2,2 degrés.

Une quantité égale d’un sol brun fertile, et d’une argile stérile, furent séchés et portés à trente et un degrés ; on les exposa en cet état à une température de quatorze degrés, en demi-heure la terre du sol perdit cinq degrés et l’argile 3,3 degrés ; l’argile humide, élevée à trente et un degrés et exposée à une température de trente, prit cette dernière en moins d’un quart d’heure.

Les variations de température dans les sols de différente nature, et leur affinité plus ou moins grande pour absorber ou retenir le calorique, méritent l’attention de l’agriculteur ; des observations à ce sujet n’exigent que l’emploi d’un bon thermomètre : elles peuvent conduire à mieux connaître le terrain qui convient à telle ou telle espèce de plantes, parce que toutes ne demandent pas la même intensité ni la même continuité de chaleur.

La différence de chaleur que prennent les terres à la même température est cornue de la plupart des agriculteurs, et quelques-uns en tirent un parti avantageux. Sur les plateaux qu’on cultive aux flancs des Alpes, on jette de la terre noire sur les couches de neige pour en hâter la fonte, et pouvoir cultiver à temps le sol qu’elles recouvrent. On emploie des moyens semblables pour presser la végétation dans les serres et les orangeries ; les murs noircis, de la suie répandue sur un sol, concentrent et fixent la chaleur à tel point, qu’au mois de juillet, sur le Cramont, élevé de mille quatre cent deux toises, où la température était de cinq degrés, M. de Saussure ayant placé une boîte doublée de liége noirci, dont l’ouverture était fermée par trois glaces placées à quelque distance l’une de l’autre, vit le thermomètre contenu dans la boîte monter à trente degrés depuis deux heures jusqu’à trois.

Indépendamment de la chaleur naturelle que l’atmosphère communique au sol, et des modifications qu’elle y reçoit par la nature et la couleur des principes constituans, l’art peut encore l’élever ou l’abaisser à son gré : les fumiers développent plus ou moins de chaleur selon leur nature et leur état de fermentation ; ceux qui n’ont pas été décomposés excitent plus de chaleur et la maintiennent plus long-temps que les autres ; les fumiers de mouton et de cheval sont plus chauds dans leur action que ceux de vache ; les engrais noirs ou bruns échauffent plus le sol que les marnes et la craie.


ARTICLE VI.


Des propriétés des mélanges terreux, et moyen de les disposer à une bonne culture.


Je crois avoir déjà fait connaître avec assez d’étendue l’origine des sols, leur variété, leur composition et leur influence dans la végétation, soit en vertu de leurs principes constituans, soit en vertu de l’action que l’air et la chaleur exercent sur eux, etc. : il me reste à présent à parler de quelques circonstances qui les modifient et que l’agriculteur doit connaître.

J’ai répété plusieurs fois dans ce chapitre et dans celui où je parle des engrais, que les résultats de la décomposition des substances animales et végétales, concurremment avec les principes constituans de l’air et de l’eau, formaient les alimens des plantes ; j’ai fait observer que la plante étant immobile, il fallait que ces alimens vinssent la trouver, et qu’ils se présentassent à ses suçoirs dans un état à pouvoir être absorbés ; j’ai ajouté que la chaleur animait la plante et donnait à ses organes la faculté de décomposer ces substances, de les élaborer et de former tous les produits de la végétation.

Mais pour que ces alimens tournent tous au profit du végétal, il faut qu’ils ne lui soient fournis qu’en raison de ses besoins, et que, par conséquent, la décomposition que la plupart d’entre eux doivent subir ne soit ni trop lente ni trop prompte ; le sol paraît jouer le plus grand rôle pour produire ces modifications et servir de régulateur aux autres agens ; il forme un magasin où sont déposés presque tous les alimens, et il doit posséder toutes les conditions convenables pour les fournir à propos au végétal.

Les propriétés dont jouit chacune des terres qui constituent un sol, concourent, par leur réunion, à produire ces effets : la craie et la silice conservent peu l’eau, mais leur mélange avec l’alumine la retient assez longtemps pour que la plante souffre moins souvent de la sécheresse : sans la présence de cette terre, la plante serait alternativement inondée et desséchée. L’argile seule ne permettrait point aux racines de s’étendre, ni à l’air de pénétrer jusqu’à elles ; mais, mélangée avec la silice, le carbonate de chaux et le sable, elle forme un sol poreux qui jouit de ces propriétés ; la craie préserve les matières animales et végétales d’une décomposition trop prompte ; l’alumine et les huiles, en se combinant, forment un mélange savonneux qui peut passer dans le végétal, et lui fournir deux principes qui sont insolubles séparément dans l’eau.

La composition des sols peut varier selon les climats, sans que leur fertilité en souffre. L’eau des pluies varie tellement en quantité que, dans la seule étendue de la France, il en tombe, selon les localités, depuis vingt jusqu’à trente pouces par an, et à Turin quarante-quatre, selon Giobert.

Il est des pays où l’atmosphère est presque constamment nébuleuse, et l’air chargé d’eau, tandis que dans d’autres le soleil n’est pas obscurci une fois en six mois.

Il est clair que dans les pays ou l’atmosphère est ordinairement humide et dans ceux ouïes pluies sont abondantes, le sol peut être sans inconvénient plus calcaire qu’argileux, et que les meilleurs sols dans les deux contrées, peuvent être de composition différente quant aux proportions des ingrédiens terreux.

Les sols doivent encore varier selon la nature des plantes qu’on veut y cultiver : les unes préfèrent les sols poreux, secs et arides ; les autres ne se plaisent que dans les terres constamment humides ; il en est qui exigent une chaleur forte, et d’autres enfin qui végètent au milieu des neiges. Ces goûts particuliers des plantes doivent être connus de l’agriculteur, qui doit choisir le terrain qui convient à chacune, ou amender ceux qu’il possède, de manière à les approprier à chaque espèce.

Pour que les plantes prospèrent dans un sol, il ne suffit pas toujours que la composition en soit convenable, il faut encore réunir d’autres conditions qui ne se rencontrent pas constamment : par exemple, les sols arables qui sont établis sur des roches jouissent d’une plus ou moins grande profondeur, et l’épaisseur de la couche influe non-seulement sur la végétation mais elle détermine encore et limite l’espèce de végétaux qu’on peut y cultiver. La couche de terre doit avoir dix à douze pouces d’épaisseur pour les céréales, et beaucoup plus pour les luzernes et le sainfoin ; elle doit être bien plus profonde pour les arbres ; sans cela leurs racines tracent presqu’à la surface du sol, elles poussent des rejetons au dehors et épuisent le terrain à de grandes distances. On voit souvent croître des arbres sur des montagnes à peine recouvertes de terre végétale ; mais dans ce cas, ou bien le roc présente des crevasses ou fentes remplies de terre dans lesquelles les racines pénètrent, ou bien la roche est d’une composition tendre et poreuse qui permet aux racines de s’y établir. C’est ainsi que dans les Cévennes et le Limousin les plus beaux châtaigniers sont plantés dans le granit ou dans le grès, et que les fameuses vignes de l’Ermitage prospèrent dans un sol granitique décomposé à la surface.

La nature du fond sur lequel reposent les couches de terre végétale n’est pas indifférente a la végétation : si ces couches sont assises sur des lits de sable, le sol se dessèche plus vite que lorsqu’elles sont placées sur la marne ou l’argile.

Une couche d’argile sous un sol sablonneux contribue à sa fertilité, en retenant l’eau qui filtre aisément au travers, et en conservant par ce moyen une humidité constante ; mais si la couche d’eau formée sur l’argile mouille trop long-temps les racines, la plante languit. J’ai constamment observé que l’eau vive et courante peut impunément mouiller les racines des plantes, mais que l’eau stagnante est nuisible et meurtrière pour la plupart : c’est sans doute la raison qui détermine les agriculteurs éclairés par l’expérience à pratiquer des écoulemens à leurs champs et à leurs prés. C’est encore pour cela que, dans les terrains trop humides, on forme des couches de cailloux ou de pierrailles, sur lesquelles on porte de la terre végétale ; j’ai vu que, par ce moyen, on formait d’excellentes prairies là où on n’avait jusqu’alors récolté que des joncs.

Un sol argileux ou marneux qui repose sur un lit de pierre calcaire et poreuse, est plus fertile que lorsqu’il est assis sur de la roche dure, imperméable à l’eau ; la raison en est simple dans le premier cas, l’eau filtre et s’échappe ; dans le second, elle reste stagnante dans un sol pâteux qui n’a aucune des propriétés qu’exige la végétation.

L’exposition du sol apporte encore des variations infinies dans sa fertilité et dans la nature de ses produits : celui qui est au midi se dessèche sans doute plus vite que celui du nord ; mais la végétation y est plus active et la qualité des produits très-supérieure.

La pente des terrains produit encore de grandes différences : un sol en pente perd l’eau plus promptement que celui qui est horizontal, et la végétation y est moins forte, mais les produits y sont de meilleure qualité. On ne peut pas assimiler les vins qui proviennent du même sol et de la même vigne, lorsque l’un est récolté sur la pente et l’autre au pied.

Les sols inclinés où la pente est rapide et la terre poreuse et légère, ont l’inconvénient de laisser entraîner les engrais lorsqu’il survient de fortes pluies ; souvent même la terre éprouve le même sort, et la surface en est quelquefois sillonnée par des ravins qui mettent la roche à nu. On voit fréquemment arriver ce résultat dans les terres cultivées sur le flanc des montagnes, qui finissent par devenir complétement stériles. On peut conclure de ceci le danger des défrichemens sur le flanc incliné des montagnes ; une récolte passagère condamne le sol à une longue stérilité.

Les sols composés des mêmes principes terreux et dans les mêmes proportions peuvent encore présenter des résultats très-différens, selon la nature et la quantité des sels qu’ils contiennent. J’ai fait connaître ceux qu’on trouve ordinairement dans les plantes ; ils doivent être, par cela même, regardés comme les plus propres à la végétation ; mais leur proportion a des bornes et s’ils sont trop abondans, ils sont nuisibles.

Les sels ne peuvent pas être regardés comme de vrais alimens de la plante ; ils ne sont que des auxiliaires de la nutrition, mais des auxiliaires puissans ; les organes du végétal ont besoin d’être excités, et les sels et la chaleur agissent sur eux comme stimulans. Les sels sont pour les plantes ce que les épiceries et le sel marin sont pour l’estomac de l’homme.

Indépendamment de cette propriété, les sels agissent chimiquement sur les alimens de la plante ; ils se combinent avec eux, en rendent quelques-uns solubles dans l’eau, modèrent la décomposition de plusieurs ; ils concourent à régulariser la nutrition et à la faciliter.

Mais d’après les fonctions même que remplissent les sels dans la végétation, il est évident qu’ils ne doivent être fournis que dans des proportions convenables : s’ils sont abondans et très-solubles, l’eau les charie en trop grande quantité dans les organes du végétal, qui en sont irrités et desséchés : ainsi le meilleur sol, par sa composition terreuse, peut être frappé de stérilité, si les sels y sont trop abondans.

Des labours bien entendus concourent puissamment à la fertilité des sols ; mais pourqu’ils produisent de bons effets, il faut avoir égard à des circonstances, qu’on néglige trop souvent.

Les labours divisent et ameublissent le sol ; ils en mêlent exactement les principes constituans, font périr les mauvaises herbes et les disposent à se pourrir ; ils purgent la terre des insectes qui s’y sont multipliés.

Les labours doivent donc être plus nombreux et plus soignés dans les terres compactes que dans les terres légères et poreuses ; ils ne doivent être donnés aux sols argileux que lorsque la terre est sèche : si on les pratique sur un sol de cette nature, lorsque la terre est imbibée d’eau et forme une pâte molle, on ne fait que retourner le sol sans produire aucun des bons effets du labourage : on trace alors des sillons dans la boue. Les terres sablonneuses ou calcaires peuvent être labourées en tous temps.

Les labourages profonds sont très-avantageux dans les terres qui sont de la même nature à une grande profondeur : dans ce cas, non-seulement on ajoute aux bons effets qui appartiennent essentiellement à cette opération, mais on ramène à la surface des terres imprégnées des engrais que l’eau des pluies avait entraînés et soustraits à la nutrition des plantes.

Les labourages profonds sont encore utiles lorsque le sol, de nature argileuse et trop compacte, est établi sur des couches de sable ou de carbonate de chaux : en amenant à la surface ces matières naturellement sèches et absorbantes, pour les mêler intimement avec l’argile, on produit l’amendement le plus utile qu’on puisse employer pour fertiliser un terrain. On obtient également et pour la même raison un bon résultat d’un labourage profond, si le sol sablonneux ou calcaire repose sur des couches argileuses.

Mais les labours profonds ne conviennent pas dans toutes les circonstances et à tous les sols : par exemple, si un sol est assis sur une veine de terre chargée d’oxide noir de fer ou sur une couche de marne, le mélange qu’opère la charrue voue le champ à une stérilité presque absolue pendant deux ou trois années ; j’ai éprouvé moi-même ce résultat et je puis parler d’après mon expérience. Dans une de mes terres, voisine d’une forêt de chênes, le sol qu’on avait cultivé jusque-là était de nature argileuse et avait dix pouces de profondeur, sous laquelle gisait une couche de terre d’un brun très-foncé, épaisse de cinq à six pouces, et composée de silex, d’argile, et d’oxide de fer. Je fis défoncer ce terrain à la bêche et mêler intimement les deux couches : la première année, la récolte y a été presque nulle, et moindre qu’auparavant, quoiqu’elle n’y eût jamais été bien riche ; la seconde, elle a été un peu plus abondante, et ce n’a été qu’à la cinquième année que cette terre est devenue d’une fertilité ordinaire. Un de mes amis possédait une terre d’un assez médiocre produit ; le sol sablonneux et très-sec en était heureusement amendé par de la marne, qu’il laissait déliter et décomposer pendant deux ans, avant de l’employer.

Comme il en avait une couche dans plusieurs de ses champs, à un pied de profondeur, je lui conseillai de défoncer cinq à six toises carrées, pour essayer de mêler la marne avec le sol dans une proportion plus considérable ; la portion du champ ainsi amendée a été presque stérile pendant deux ans, mais la fertilité y a été ensuite plus prononcée qu’ailleurs.

Ces deux phénomènes m’ont beaucoup frappé, j’en ai cherché la raison et je crois pouvoir la déduire de la nature même des couches inférieures, au moment qu’on les a mêlées avec les supérieures.

Dans le premier cas, l’oxide de fer qui colorait la couche en brun foncé était au minimum d’oxidation ; mais du moment qu’on l’a mis en contact avec l’air atmosphérique, il s’est peu-à-peu combiné avec l’oxigène, et la terre n’est devenue fertile que lorsqu’il en a été saturé : la marche progressive de l’oxidation a changé totalement la couleur du sol ; elle est devenue d’un jaune assez vif et très-foncé, de noire qu’elle était. Voilà un fait qu’on peut différemment expliquer : cet oxide noir est-il, dans cet état, nuisible à la végétation ?

Cet oxide qui décompose l’air en s’emparant de son oxigène, nuit-il par là à l’action salutaire et nécessaire de ce fluide sur les plantes ? Ce sont là des questions qu’on ne peut résoudre que par une longue expérience.

Dans le second cas, la cause est différente, quoiqu’elle ait quelque rapport avec la première : la marne est en général un composé de sous-carbonate de chaux et d’alumine ; les seules proportions de ces principes établissent ses variétés. L’acide carbonique ne sature jamais la chaux dans la marne qu’on extrait de la carrière ; mais lorsqu’elle reste exposée à l’air, la chaux absorbe peu-à-peu l’acide carbonique qui existe dans l’air, elle s’en sature, se divise et effleurit. On peut faciliter et hâter la décomposition de la marne en la retournant pour présenter successivement à l’air toutes les parties de la chaux, et c’est ce qui se pratique généralement par-tout où l’on emploie la marne comme engrais.

On peut proposer, au sujet du carbonate de chaux imparfait, les mêmes questions que pour l’oxide de fer.

Lorsque M. Fellemberg a voulu établir ses principes de culture dans sa terre d’Ofwill, il a défoncé son terrain à trois ou quatre pieds de profondeur, et il n’en a retiré des produits qu’au bout de deux à trois ans.

Ces faits et beaucoup d’autres que je pourrais citer, prouvent que, pour que les terres jouissent d’une grande vertu fertilisante, il faut qu’elles soient saturées de tous les principes qu’elles peuvent prendre dans l’air. Ainsi celles qui ont été constamment soustraites à son action par la profondeur de leurs couches, ont besoin d’être long-temps aérées avant de devenir fertiles : le peuple agriculteur connaît ce fait, et dit que, dans ce cas, l’air dépose ses germes fécondans sur la terre ; il ajoute que le sol n’est pas assez fait, assez mûr, assez aéré, etc.

Ces explications ne sont pas toutes exactes, mais elles suffisent pour diriger dans la pratique.

Ainsi, lorsque, par le défoncement du terrain ou par des labours profonds, on mêle à la couche végétale des terres qui ne sont pas saturées, on doit les remuer à la pioche ou à la charrue, à de longs intervalles, avant de les semer : en présentant successivement à l’air et à l’eau toutes les parties, on les imprègne des principes qui leur manquent, et on produit l’effet qu’une longue exposition à l’air opère sur la marne ou sur les terres noires et ferrugineuses, après qu’on les a tirées de leurs mines.


ARTICLE VII.


De l’analyse des terres arables.


Quoique l’expérience et une longue observation suffisent à l’agriculteur pour qu’il parvienne à connaître la nature et le degré de fertilité de chaque partie de son sol, il lui convient, dans beaucoup de cas, d’en rechercher la composition, par des voies plus courtes et plus directes.

Je n’indiquerai pas ici des procédés d’analyse d’une extrême rigueur et d’une exactitude sévère et minutieuse, ils seraient au-dessus de la portée de la plupart des agriculteurs, et la précision des résultats serait même inutile pour le but que je me propose.

Je me bornerai donc à tracer la marche qu’on doit suivre pour s’assurer de la nature et des proportions des principales substances terreuses, salines, métalliques, végétales et animales qui entrent dans la composition d’un sol, et n’insisterai que sur celles qui concourent le plus puissamment à sa fertilité.

Pour procéder à l’analyse d’une terre on commence par en prendre une petite quantité, qu’on mêle exactement à la main avant de la peser.

La première opération consiste à dessécher cette terre pour connaître le poids de l’eau qu’elle contient : à cet effet, on la met dans un vase qui supporte le feu, et on élève la chaleur jusqu’à ce que toute l’eau soit évaporée ; on entretient cette température pendant quatorze à vingt minutes. Pour ne pas donner plus de chaleur qu’il n’en faut, on se sert d’un morceau de bois qu’on tient au fond du vase, ou de brins de paille qu’on met dans la terre soumise à l’expérience ; on arrête le feu dès qu’ils commencent à brunir.

On pèse la terre après l’opération : la perte qu’elle a éprouvée équivaut au poids de l’eau qui s’est évaporée.

Cette opération ne détermine pas rigoureusement la quantité d’eau qui est contenue dans la terre, parce qu’une partie est presque combinée et solidifiée par son affinité avec quelques-uns des principes, tels que l’alumine, les sels et plusieurs des substances animales et végétales ; mais elle représente toute l’eau qui n’était qu’adhérente ou qui ne faisait que mouiller et humecter le sol.

En opérant sur de la terre séchée à une haute température de l’atmosphère, on juge aisément de la vertu plus ou moins attractive du sol pour l’eau qu’il absorbe ; ce qui donne déjà quelques notions sur sa fertilité.

Dès qu’on a déterminé la quantité d’eau libre contenue dans le sol, on broie les parties de l’échantillon, qui ne sont qu’une aggrégation plus ou moins compacte de molécules ténues ; et à l’aide d’un crible, on sépare le gravier et autres parties grossières qui entrent dans le mélange et qui restent sur le filtre ; on pèse les deux produits, pour juger de leurs proportions.

Les parties grossières doivent être essayées séparément.

Si elles sont calcaires, les acides les dissolvent avec bouillonnement ou effervescence : pour s’en assurer, on met de bon vinaigre ou de l’acide muriatique étendu de trois ou quatre parties d’eau dans un verre, et on y jette quelques grains de ces substances : ils sont uniquement composés de carbonate de chaux lorsqu’ils se dissolvent en entier, sur-tout dans le cas où la liqueur conserve sa saveur aigre et acide : il faut donc ajouter l’acide avec excès dans toutes les expériences.

Si les parties grossières ne font pas effervescence avec les acides, elles sont purement composées de silice ou d’alumine ; on distingue aisément la première de la seconde, parce que la silice est rude au toucher, qu’elle raie le verre et se précipite promptement dans l’eau, tandis que l’alumine est douce, onctueuse et se délaie dans l’eau, où elle reste quelque temps suspendue.

Ces parties grossières peuvent être composées de la réunion de terres calcaires, siliceuses et alumineuses ; mais dans ce cas, les acides s’emparent toujours de la substance calcaire, et après avoir enlevé l’acide qui la tient en dissolution, on reconnaît, aux caractères de la portion insoluble qui reste au fond du verre, si c’est de la silice ou de l’alumine.

Si ces parties grossières n’étaient que du sable quartzeux ou de la silice pure, les acides et l’eau n’y produiraient aucun effet ; mais on reconnaîtra facilement sa nature, d’après les caractères que nous avons dit appartenir à la silice et à l’alumine.

Il peut encore arriver que ces corps grossiers soient mêlés de débris d’animaux ou végétaux imparfaitement décomposés ; mais on les reconnaît aisément aux caractères tranchans qui les distinguent des substances fossiles.

Il ne s’agit plus que de s’occuper de la partie ténue et pulvérulente qui a passé à travers le crible ; elle contient les terres, les sels et les substances animales et végétales très-divisées.

Pour connaître la nature et les proportions de tous ces principes, on pèse ce mélange, et on le fait bouillir, pendant dix à quinze minutes, dans quatre fois son poids d’eau ; on agite alors la masse, et on laisse reposer : il se forme bientôt un précipité ou dépôt, qui n’est composé que des matières les plus pesantes et en général d’un sable fin et siliceux ; on verse sur un filtre le liquide trouble qui surnage ; les terres et quelques sels peu solubles restent sur le filtre, et l’eau chargée de tout ce qui est dissous, coule dans le vase destiné à la recevoir.

Voilà donc dans cette opération trois produits bien distincts l’un, qui forme le dépôt qui s’est précipité au fond du vase où s’est faite l’ébullition ; c’est sur-tout le sable le plus menu, presque uniquement formé de silice ; l’autre, qui est resté sur le filtre, et qui contient le mélange des terres et des sels insolubles ; et le troisième, qui tient en dissolution tous les sels et les matières animales et végétales susceptibles d’être dissoutes par l’eau bouillante.

On sèche d’abord avec soin les deux premiers produits, et on en détermine le poids ; on procède ensuite à l’examen de chacun, pour parvenir à connaître la nature et les proportions des substances qui les composent.

J’ai déjà fait observer que le dépôt ou le premier produit n’était composé que de silice : s’il en était autrement, on peut s’en assurer par les acides, qui en sépareraient tout ce qui serait calcaire, et on traiterait le résidu insoluble, par les moyens que j’ai déjà indiqués pour séparer l’alumine de la silice.

Quant au second produit, qui est resté sur le filtre, il suffit de l’acide muriatique délayé par quatre parties d’eau, pour en faire l’analyse : cet acide, versé sur ce mélange terreux, jusqu’à ce qu’il ne se fasse plus d’effervescence, dissout le carbonate de chaux et celui de magnésie, qui peuvent exister en petite quantité, de même que l’oxide de fer qui s’y trouve souvent : on filtre la dissolution ; la matière qui n’a pas été dissoute reste sur le filtre, on la lave avec l’eau jusqu’à ce que ce liquide sorte insipide ; on sèche le résidu et on le pèse ; il est généralement formé par l’alumine et par quelques matières végétales ou animales.

Pour s’assurer si l’acide muriatique a dissous de l’oxide de fer, on y trempe un peu d’écorce de chêne ; lorsque la liqueur brunit ou noircit, il y a du fer ; on en détermine la quantité en y versant du prussiate de potasse, jusqu’à ce qu’il ne se fasse plus de précipité bleu ; on laisse déposer ; on recueille le dépôt et on le chauffe jusqu’au rouge : ce qui reste est de l’oxide de fer, qu’on pèse avec soin.

Lorsqu’on a dégagé le fer de la dissolution, il n’y reste plus que la chaux et peut-être un peu de magnésie : on les précipite par une dissolution de carbonate de soude, qu’on y verse, jusqu’à ce qu’il ne se fasse plus de précipité ; on le lave après avoir décanté la liqueur, on le sèche, et son poids donne alors la quantité de carbonate de chaux qui existait dans le mélange terreux soumis à l’analyse.

Si le carbonate de chaux et les autres dépôts qu’on a obtenus sont colorés ou bruns, il est à présumer qu’ils sont mêlés avec des matières animales ou végétales, dont on peut déterminer la qualité et les proportions, en les jetant sur un fer rougi, et les tenant sur le feu à cette température jusqu’à ce que la couleur soit devenue blanche ; il se dégage une fumée qui a l’odeur du cuir, du poil ou de la plume qu’on brûle, si la matière colorante est animale ; l’odeur est au contraire celle que donne la fumée du bois, si la matière est végétale. Souvent ces deux substances sont mêlées ensemble ; mais les moyens pour en connaître les proportions sont difficiles à exécuter et au-dessus de la portée d’un agriculteur : j’ai cru devoir me borner à indiquer un procédé qui suffise pour en constater la présence.

La méthode que je viens de décrire est facile et à la portée de l’agriculteur le moins instruit ; elle n’est pas rigoureuse, mais elle suffit pour donner des résultats approximatifs, et faire connaître la nature et les proportions des substances terreuses qui entrent dans la composition d’un sol. Plus de précision dans l’analyse entraînerait l’emploi de plusieurs agens inconnus à l’agriculteur, et supposerait une habitude d’analyse et des connaissances qu’il n’a pas.

Mais comme les sels jouent un grand rôle dans la végétation, et que les sols en sont plus ou moins imprégnés, je ne crois pas pouvoir me dispenser d’indiquer les moyens de les reconnaître, et, pour y parvenir, je me vois forcé de recourir à des procédés particuliers.

En faisant bouillir de l’eau sur la terre ténue, nous nous sommes emparés de tous les sels solubles qu’elle contient, et l’évaporation de ce liquide qui les tient en dissolution nous fait connaître leur nature et leur proportion. Si l’opération est bien conduite, on les obtient en cristaux, et on les distingue par les propriétés qui les caractérisent : le nitre a une saveur piquante et brûle sur les charbons ardens ; le sel marin décrépite et se divise en éclats sur le feu ; le sulfate de soude se boursouffle par la chaleur, donne une fumée aqueuse et laisse un résidu sec et blanc. Mais lorsque ces sels sont insolubles comme le phosphate de chaux, ou peu solubles comme le sulfate de chaux (plâtre), l’eau ne peut pas les attaquer, et ils restent confondus dans les terres sans qu’on soupçonne leur existence, toutes les fois qu’on se borne au procédé analytique que nous avons employé. Cependant ces sels, sur-tout le plâtre, influent beaucoup sur la qualité des sols, et il faut fournir les moyens de s’assurer de leur présence : j’observerai néanmoins que ces sels sont généralement contenus en très-petite quantité dans les sols, et que leur existence ne change pas sensiblement les résultats de l’analyse que j’ai prescrite pour reconnaître la nature et les proportions des autres principes qui forment essentiellement leur composition.

Pour s’assurer si un sol contient du sulfate de chaux (gypse, plâtre), on prend un poids déterminé de terre, quatre cents grains, par exemple ; on la mêle avec un tiers de charbon réduit en poudre, et on l’expose dans un creuset, pendant une demi-heure, à une chaleur rouge. On fait ensuite bouillir le mélange pendant un quart d’heure dans une demi-pinte d’eau ; on filtre la liqueur, et on l’expose pendant quelques jours dans un vase ouvert. S’il se forme un précipité blanc, le sol contient du sulfate de chaux, et le poids du précipité en fait connaître à-peu-près la proportion. (Davy.)

Pour juger de l’existence du phosphate de chaux, on fait digérer la terre dans un excès d’acide muriatique, on évapore la dissolution jusqu’à siccité, et on lave le résidu à grande eau ; le phosphate insoluble reste à nu.