Chronique de Guillaume de Nangis/Année 1301

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Règne de Philippe IV le Bel (1285-1314)

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[1301]


En ce temps-la brillaient en France d’illustres et honorables veuves, à savoir Blanche, fille de feu saint Louis roi de France, qui s’était consacrée à Dieu dans une société de nonnes à Saint-Marceau, près de Paris, et Marguerite, reine de Sicile, seconde femme de Charles ier, roi de Sicile, remplissant par une pieuse compassion pour les pauvres ses devoirs de soumission et d’humilité dans un hôpital des pauvres, fondé par elle à Tonnerre, en Bourgogne. Louis, comte d’Evreux, frère du roi de France, prit en mariage Marguerite, fille de Philippe, fils de Robert comte d’Artois.

Charles, comte de Valois, frère du roi de France, se rendit à Rome accompagné d’une noble suite dans l’intention, si le pape le lui conseillait, d’attaquer l’empire de Constantinople, qui revenait à sa femme par droit de succession. Honorablement reçu du pape et des cardinaux, et établi par eux vicaire et défenseur de l’Église, il soumit en Toscane beaucoup de leurs ennemis. Philippe, roi de France, alla visiter le comté de Flandre et ayant reçu foi et hommage de la part des citadins et des nobles, confia au chevalier Jacques de Saint Paul la garde de tout son pays. Henri, comte de Bar, voyant que Philippe, roi des Français, se préparait à ravager sa terre à main, armée, se rendit humblement auprès de lui, et obtint enfin le pardon de ses méfaits, après l’avoir sollicité avec de grandes supplications. Au mois de septembre, il apparut vers le crépuscule de la nuit une comète qui lançait principalement vers l’orient ses rayons ou sa queue enflammée. Edouard, roi d’Angleterre, marcha contre l’Ecosse mais n’ayant eu que peu ou point de succès, il s’en retourna chez lui. Le soudan de Babylone ayant rassemblé de nouvelles forces, chassa de Jérusalem et de Syrie les Tartares, les Arméniens et les autres Chrétiens, et soumit la Terre-Sainte à sa domination. Au mois de janvier il y eut une éclipse de lune totale, qui fut grandement effrayante à voir.

Le pape Boniface ayant légitimé les fils de feu Sanche, roi d’Espagne, Fernand l’aîné prit possession du royaume de son père ; mais Alphonse et Fernand son frère, petits-fils de saint Louis par sa fille Blanche, revendiquant les droits qu’ils avaient sur ce royaume, s’opposèrent de toutes leurs forces au fils de Sanche. Le premier évêque de Pamiers, ayant, dit-on, proféré dans la cour du roi de France des paroles outrageuses contre la majesté royale, fut, après avoir été détenu quelque temps au nom de l’archevêque de Narbonne, rendu au pape par un ordre du roi, qui lui enjoignit de sortir du royaume aussi promptement qu’il devait et était obligé de le faire. Le roi Philippe, pour plus grande sûreté de son royaume, défendit par un édit royal, sous peine de certaines punitions, de transporter hors du royaume de France ni or, ni argent, ni marchandises quelconques, et fit à cet effet garder avec de grandes précautions toutes les entrées, sorties et routes du royaume.