Chronique de la quinzaine - 30 juin 1835

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Chronique no 77
30 juin 1835


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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30 juin 1835.


La saison des foins rappelle dans leurs prés les représentans de la France. Le ministère lui-même va se disperser. Déjà M. Thiers a pris sa retraite aux portes d’Asnières, à peu de distance des ombrages royaux de Neuilly ; M. Guizot part demain pour Eu avec le roi, et M. le président du conseil parle quelquefois, avec un soupir, du calme et de la fraîcheur qui règnent dans son château de Broglie. C’est à qui fuira les affaires et gagnera les champs. M. Pasquier et la chambre des pairs se voient avec désespoir cloués sur leurs sièges, et demandent grâce aux détenus d’avril. Dans peu de jours, Paris sera désert, et c’est tout au plus s’il s’y trouvera assez de ministres pour expédier le courant des affaires.

Trois ministres manquaient déjà aux deux derniers conseils. Il s’agissait cependant du procès et de l’intervention. Pendant la petite et courte maladie de M. Pasquier, l’inquiétude avait été grande. On voyait la présidence des débats passer inévitablement à M. Portalis ou à M. Séguier, M. Bastard ayant refusé de remplacer M. Pasquier, et M. de Broglie se trouvant, par sa position, déchargé tout naturellement de ses fonctions de vice-président. Or, M. Portalis s’est trouvé, à cette occasion, fréquemment en mésintelligence avec le ministère, et la brusquerie, la bizarrerie de M. Séguier effrayaient la chambre. D’un autre côté, quelques nouveaux scrupules étaient venus tourmenter M. Pasquier au fond de son lit. Il hésitait à venir se replacer en face de ces accusés traînés à l’audience par vingt gendarmes, frappés et tourmentés sur leurs bancs en présence de la pairie qui se flétrit en assistant à cette torture. Dans une des dernières séances, on a vu des juges se lever sur leurs sièges, et exciter les gardes municipaux à la violence ; nous pourrions en citer un ou deux qui accompagnaient ces invitations de termes que le corps-de-garde envierait à la cour des pairs. La presse a recueilli ces faits, et ils n’ont pas été contredits ; d’ailleurs on sait que la presse a lieu d’être circonspecte à l’égard de la pairie qui a montré plus que de la sévérité envers elle. Dans cet état de choses, les esprits sains de la chambre, et dans ce nombre nous comptons M. Pasquier, ont de nouveau cherché les moyens de mettre un terme à ces violences qui semblent devoir augmenter chaque jour. La proposition de renvoyer à la session prochaine pour obtenir une loi de procédure, a été remise sur le tapis ; mais il a été impossible de s’entendre. M. Pasquier sommé par le ministère, au nom de la paix publique et de la royauté, de reprendre les rênes du procès, s’est levé piteusement de son lit de malade, et demain il se remettra à ses rudes et pénibles fonctions. On s’attend chaque jour à la retraite de M. Molé et de ses amis, qui ne peuvent assister long-temps à des scènes semblables à celles qui se sont passées, sans dévier de leurs principes. Mais n’importe, le procès continuera. M. Guizot a déclaré, dit-on, qu’il le mènerait à fin, ne restât-il que dix juges. M. Guizot a raison, dix juges suffisaient bien à Venise pour condamner des populations entières, pourquoi dix juges ne suffiraient-ils pas à Paris ?

L’intervention est comme le procès. On s’y engage chaque jour un peu plus, sans bien savoir où l’on ira. On a débuté, il est vrai, par une timidité extrême. Tandis que l’Angleterre publiait la suspension du bill d’enrôlement, le Moniteur se bornait à ouvrir les bureaux de M. Persil aux volontaires de l’armée d’Espagne. Peu à peu on s’est avancé davantage, et les articles belliqueux du Journal des Débats ont surgi comme une menace dirigée contre la majorité du ministère. La France paiera la solde de la légion étrangère, la France donnera des officiers-généraux, elle enverra le long des côtes d’Espagne trois vaisseaux de ligne et sept ou huit frégates. Voilà déjà de grandes concessions faites au parti de l’intervention, c’est-à-dire à M. Thiers, car ni le roi, ni le maréchal Maison, ni le duc de Broglie, ni M. Guizot ne sont pour l’intervention. Le roi la combat toujours avec la même énergie ; le maréchal jure qu’une intervention déguisée est absurde, et qu’une intervention avouée est folle. M. de Broglie s’est prononcé hautement dès le commencement de cette affaire, et le silence obstiné et prolongé de M. Guizot en dit plus que toutes les paroles. Généralement, on sait peu de gré à M. Thiers d’avoir ainsi fait intervenir le Journal des Débats dans l’affaire de l’intervention, et vienne un instant favorable, on lui fera sentir toute la légèreté de sa conduite. Les familiers du château ont déjà remarqué sur la figure du maître les signes d’impatience et d’ennui qui se manifestent souvent au nom de M. Thiers, et quelles que soient l’obséquiosité et l’adulation du ministre auprès des gens de guerre et des hommes de l’empire, le maréchal Maison s’explique assez nettement pour laisser voir le peu de cas qu’il fait de son petit et remuant collègue. En un mot, on est las de M. Thiers, on voudrait s’en débarrasser honnêtement, et M. Guizot, qui se pique à son égard d’une fidélité vraiment platonique, a peine à déguiser le plaisir que lui causerait la retraite de son jeune ami. Pour M. Thiers, il s’inquiète fort peu de ces symptômes, ou plutôt il ne les voit pas, et avec sa présomption ordinaire, il se flatte de faire dominer le principe de l’intervention, de vaincre le roi, et d’arriver, en passant sur le corps de tous ses collègues, à la présidence du conseil. On ne peut, au reste, se figurer l’enivrement de M. Thiers. Entouré d’une petite cour qui le flatte et l’admire, choyé dans sa maison de campagne par les femmes, par les artistes, par tout ce qui dépend de lui, il se montre rarement au ministère et traite les affaires avec un mépris tel qu’il daigne à peine entendre les rapports verbaux de ses chefs de division. M. Thiers en est venu à ce point qu’il répondait dernièrement à un ex-fonctionnaire qui réclamait de lui un peu vivement l’exécution de sa parole, et qui invoquait la sainteté d’un engagement formel : « Monsieur, je donne des espérances, mais je ne fais pas de promesses. » Napoléon, dans tout l’éclat de son despotisme, ne se fût pas permis une réponse aussi outrecuidante.

Notre bon et célèbre Béranger peut apporter un douloureux témoignage de ce que nous avançons. En apprenant que M. Thiers avait donné l’ordre de transférer M. Trélat à Clairvaux, il se rendit auprès de M. Thiers, sans autre mission que celle qui lui était donnée par l’intérêt qui s’attache à l’infortune. M. Thiers a dû à Béranger et à feu Manuel l’amitié profitable dont l’honora autrefois M. Laffitte. Il devint ainsi propriétaire d’une demi-action du Constitutionnel, et c’est en quelque sorte sous la main protectrice de Béranger que s’élevèrent les fondemens de cette fortune qui a tant grandi depuis quelque temps. Béranger pria donc M. Thiers de se rappeler Magalon et l’indignation que lui, M. Thiers, avait ressentie en apprenant le traitement indigne infligé à cet écrivain par M. Corbière. Il ajouta que, sous la restauration même, ses chansons ayant été jugées coupables et l’auteur condamné à la prison, la prison avait été douce et honorable, et que personne n’avait songé à envoyer le chansonnier séditieux à Poissy ou à Clairvaux. M. Thiers fut inexorable ; il déclara qu’il avait le droit de choisir entre les maisons de détention ; qu’un écrivain, ne fût-il condamné qu’à un jour de prison, le ministre était maître de lui faire passer ce jour dans un cachot, et dans un cachot à l’extrémité de la France. En fin, il s’exprima avec tant de violence, que Béranger sortit la tête baissée, en regrettant peut-être M. Corbière. M. Trélat ira donc à Clairvaux, et Dieu sait s’il n’est pas destiné à figurer, à son tour, sur la charrette de M. Lionne.

Quelques journaux assurent que le voyage de M. le duc d’Orléans n’est autre chose qu’une sorte d’exil, qui lui aurait été infligé pour avoir fait quelques caricatures sur M. Thiers, et l’avoir représenté sous les haillons de Robert Macaire. On s’est trompé. D’autres attribuent le départ du prince au désir de voir la princesse de Wurtemberg dont il a été question. Il n’en est rien non plus. M. le duc d’Orléans voyage uniquement pour son plaisir, et non pour celui de M. Thiers, ou pour chercher, en chevalier errant, une princesse à conquérir. On l’a vu sur les bords du lac de Genève où se trouvaient, par hasard sans doute, quelques-unes des plus jolies femmes de la société de Paris ; mais pour l’alliance projetée avec la maison de Wurtemberg, il en est peu question maintenant. Accorder une princesse de la sainte-alliance à un prince de la maison de juillet est une décision trop grave pour ne pas la soumettre au jugement des souverains, et la réponse de l’empereur de Russie, qui a été consulté par le roi de Wurtemberg, viendra sans doute de Kalish et de Carlsbad.

Plus le moment de ces conférences approche, plus les instances auprès de l’empereur d’Autriche augmentent. Jusqu’à ce jour l’empereur a répondu négativement aux deux invitations qui lui ont été faites. La cour de Vienne allègue des raisons d’étiquette. Le Puntiglio de la maison de Lorraine n’admet pas, dit-on, que l’empereur puisse se rendre à une conférence chez le roi de Prusse. Il est prêt à recevoir ses alliés dans ses états héréditaires, mais le choix de Kalish est un obstacle à sa présence dans le congrès. On espère toutefois vaincre cette résistance ; en attendant, il serait bien curieux de connaître les démarches sans nombre et les efforts inouis des ministres étrangers pour obtenir cette concession de la cour de Vienne.

La nouvelle de la prochaine publication d’un acte diplomatique lancé de Carlsbad, et dont parle le Mercure de Souabe, est bien prématurée encore. C’est annoncer le résultat des démarches qu’on fait en ce moment, avant que ces démarches aient eu encore le moindre succès. Il est évident que le refus de l’empereur d’Autriche de se rendre à Kalish est une fin de non-recevoir opposée à ce projet de manifeste et de resserrement d’alliance. M. de Metternich ne se trouve pas encore assez maître de son souverain pour exiger de lui un acte aussi décisif, et les antécédens de M. de Metternich auprès de l’empereur actuel, quand il n’était encore qu’archiduc, l’obligent à de grands ménagemens. On comptait beaucoup sur l’anéantissement de la révolution en Espagne et le triomphe de don Carlos ; on se disposait à faire quelque chose de décisif quand la sainte-alliance se serait trouvée fortifiée de ce côté ; mais la mort de Zumala-Carréguy pourrait bien entraver les affaires de don Carlos, et retarder encore pour quelque temps l’expédition du manifeste de Carlsbad.

D’ailleurs, les embarras de M. de Metternich augmentent sans cesse. Chaque jour, l’empereur Ferdinand montre moins de sympathie pour son habile et profond ministre. On sait que l’empereur a refusé de transmettre à la députation lombarde la réponse royale que lui avait formulée M. de Metternich, et que sa majesté apostolique a rayé, de sa propre main, la phrase de ce rescrit, par laquelle on déclarait qu’il ne serait apporté aucun changement à la politique qui régit les possessions de l’Autriche en Italie. Cette circonstance a produit un grand effet à Vienne, où il a été fortement question de la retraite de M. de Metternich. Nous ne pensons pas que M. de Metternich se retire, et sa retraite, si elle avait lieu, ne serait certainement pas de longue durée, tant les embarras s’accroîtraient autour du nouveau monarque, dont la situation offre beaucoup d’analogie avec celle de Louis xiii avec Richelieu. Il résulte toutefois de ces différends que la main de M. de Metternich s’appesantira moins rudement sur l’Italie, et que ses négociations diplomatiques, si absolues jusqu’à ce jour, seront désormais soumises à un contrôle qui le gênera. Les conférences de Kalish et de Carlsbad se ressentiront d’abord de la position de M. de Metternich, et elles perdront ainsi une grande partie de leur importance.

C’est encore vers M. de Talleyrand que se tournent toutes les inquiétudes ; c’est de lui qu’on craint et qu’on espère, non pas un dénouement ni une solution, qui sont choses impossibles, mais un biais pour empêcher un choc entre la quadruple alliance et la sainte-alliance, une façon d’accommodement et d’attermoiement entre les principes opposés qui se donnent aujourd’hui rendez-vous en Espagne, comme pour en finir par un combat singulier. M. de Rigny, envoyé, en manière de promenade, du côté de la Belgique et du Rhin, a fait sentir la nécessité d’avoir au nord un diplomate plus habile et plus en crédit que lui, et M. de Talleyrand, à la lecture de ces dépêches, tout guéri de la goutte qui l’a empêché de prendre part au procès, s’est senti subitement atteint d’une indisposition qui l’oblige d’aller d’eaux en eaux jusqu’à Carlsbad. Son médecin ordinaire l’engage à quitter de nouveau Paris où il est de retour, et à essayer alternativement des bains minéraux de Tœplitz, non loin de Kalish, d’Ems, de Carlsbad, et de tous les lieux où va s’assembler préalablement la diplomatie européenne ; puis le repos lui deviendra nécessaire, et il ira le goûter à Vienne. On sait que M. de Talleyrand ne voyage jamais que pour sa santé.

Si l’on osait, on proposerait bien aussi un voyage d’outre-mer à M. de Talleyrand, ne fût-ce qu’une traversée du Hâvre à New-Yorck, car nos affaires avec l’Amérique prennent une tournure singulière. Les journaux américains et l’opinion publique se prononcent vertement sur l’amendement Valazé ; or le président Jackson n’a pas besoin d’être excité à nous traiter avec hauteur, et à refuser toute explication, toute espèce d’excuse. C’est au contraire, dit-il, la France qui nous doit une excuse, ou tout au moins une indemnité. — Que fera donc le ministère ? L’amendement est formel. L’honneur français veut une réparation, et la fierté américaine la refuse. Comment faire courber cette fierté ? Assurément, ce n’est pas le ministère actuel qui l’essaiera. La discussion qui a eu lieu dans les chambres a suffisamment révélé sa faiblesse, et cependant il lui eût été si facile de sauver la dignité du pays ! Nous ignorons s’il sait que l’apparition à New-Yorck du brick qui vint chercher notre envoyé, M. Serrurier, jeta l’effroi dans tout l’état, et que chacun se disposa à s’éloigner, à la seule idée de la présence d’une flotte française, dont on croyait déjà voir la mouche dans le léger bâtiment au pavillon tricolore, qui franchissait l’entrée de la rade. Aujourd’hui, le gouvernement de l’Union est fort de notre hésitation, et peut-être, après avoir obtenu toutes les satisfactions et tous les subsides qu’il demandait, nous forcera-t-il à des démonstrations violentes que le ministère nous eût épargnées avec un peu de noblesse et de patriotisme.

On a de singulières nouvelles de Prague dans les salons carlistes. Il s’agit d’un ordre ou d’une prière, comme on voudra, adressé par Charles x aux journaux royalistes qui s’attaquaient le plus vivement au roi Louis-Philippe. Le roi de Prague demande avec instance qu’on ménage son cousin de Paris, et il regarderait, dit-il, comme ses ennemis, ou du moins comme des amis insensés et maladroits, ceux qui n’obéiraient pas à cette invitation. Toute la famille royale actuelle est comprise dans cet acte de protection, qui donne lieu à des conjectures sans nombre. Celle qui paraît la plus vraisemblable donne, pour cause à cette demande, des services récens et indirects rendus à la famille exilée, qui avait éprouvé quelques embarras. Nous nous bornons à rapporter ces rumeurs, sans rien affirmer ni rien contredire, étrangers que nous sommes au parti au sein duquel on les a répandues.

Paris a été occupé, durant cette quinzaine, d’un grand nombre de petits évènemens, parmi lesquels figurent, en première ligne, l’affreux procès de M. de la Roncière et de Mlle de Morell, et la demande en séparation de Mme la comtesse de Châteauvillars, enlevée, pendant les débats, par son mari, qui l’a conduite en Allemagne. On s’est aussi beaucoup occupé de l’affaire de M. Delaroche et de M. Thiers, qui a disposé, en son absence, d’une partie des travaux de peinture de la Madeleine. Le débat n’est pas sans importance, car il peint à merveille la manière d’administrer de M. Thiers.

M. Thiers, qui aime à s’entourer d’artistes, et qui collige un musée composé de leurs mains, témoignait à M. Delaroche une amitié si vive, qu’il lui donna, à lui seul, tous les travaux de peinture de l’église de la Madeleine, c’est-à-dire sept tableaux immenses, sept vastes espaces, qui eussent absorbé vingt ans de la vie de Michel-Ange. M. Delaroche accepta tout, et cependant M. Delaroche avait si peu étudié la peinture à fresque, il avait si peu médité sur ce genre, qui demande des études et une conformation de talent particulières, qu’il demanda un congé d’un an pour aller étudier les fresques des maîtres en Italie. On ne connaît pas généralement le travail que demande la peinture à fresque. Le mur que l’artiste doit orner de ses conceptions est couvert, dans toute son étendue, d’un enduit de cire fondue, chauffée à soixante degrés, afin qu’elle pénètre de quelques lignes dans le tissu spongieux de la pierre. Si l’enduit est trop chauffé, ou s’il est trop sec, le pinceau ne saurait y rien produire. On l’étend donc journellement, une heure environ avant le travail de l’artiste ; l’enduit, tiède alors, absorbe la couleur, l’étreint, la serre, et le peintre ne peut plus retoucher son travail. Il faut que sa pensée soit tout arrêtée, que ses tons soient complets, et que sa main soit infaillible au moment où il commence son ouvrage. Il y a plus : c’est que les tons changent comme s’ils subissaient une cuisson, et le peintre doit avoir prévu et calculé d’avance toutes les chances de cette altération. La fresque ne se fait guère que sur des proportions gigantesques ; les figures et les corps doivent être dessinés sur une échelle six ou sept fois plus grande que nature, et la distance d’où la fresque est vue par le spectateur affaiblit encore l’effet des couleurs, déjà ternies et assombries par le refroidissement de la cire. Telles sont les difficultés que M. Delaroche se préparait à vaincre quand il partit pour l’Italie. Il lui fallait encore oublier son goût pour les détails, apprendre à moins finir sa peinture, et empreindre sa pensée des inspirations religieuses sans lesquelles on ne fera jamais un bon tableau d’église.

Tandis que M. Delaroche apprenait et désapprenait péniblement toutes ces choses, un jeune peintre qui avait étudié toutes les fresques des grands maîtres en Allemagne et en Italie, et dont les tableaux portent tous, plus ou moins, le caractère des croyances qui l’animent, se présenta à M. Thiers. C’était M. Ziégler. Déjà long-temps avant le départ de M. Delaroche, M. Gavé, chef de la division des arts, avait offert à M. Ziégler, au nom du ministre, de peindre l’hémicycle ou la demi-coupole de la Madeleine. Ce travail n’avait pas été destiné à M. Delaroche, et il avait été offert à M. Ingres qui l’avait refusé. Il est vrai que M. Delaroche avant son départ en avait parlé au ministre, qui s’était excusé sur le manque de fonds ; mais M. Delaroche offrit de s’en charger pour dix mille francs, pour rien, et M. Thiers, grand prometteur s’engagea, dit-on, avec lui. Rien ne fut signé toutefois, et comme M. Thiers ne tient pas beaucoup à ses promesses, bientôt après le départ de M. Delaroche, le travail de l’hémicycle fut confié à M. Ziégler, et cette fois la commande ministérielle fut accompagnée d’une signature.

Pendant ce temps, M. Delaroche étudiait tranquillement les fresques de Rome, de Venise, de Naples et de Milan, et s’enfermait, en se soumettant à toutes les rigueurs de la vie claustrale, dans le beau couvent des Camaldules près de Florence, où il essayait, à force de méditations et de retraite, d’obtenir du ciel un peu d’inspiration religieuse, et peut-être aussi un peu de couleur. C’est à Rome, je crois, que la terrible nouvelle lui parvint. Il partit aussitôt et vint s’abattre au ministère de l’intérieur, où il y eut une scène assez vive entre le peintre et le ministre. M. Delaroche avait reçu vingt-trois mille francs en avance ; il déposa vingt-trois mille francs sur la table, renonça à ses travaux, et se retira chez lui, refusant de rien entendre. Depuis ce temps, M. Delaroche se tient sous sa tente, laissant à ses amis le soin de ses intérêts, et ceux-ci s’agitent autour du château et du ministère pour forcer M. Ziégler à renoncer à la peinture de la demi coupole. De son côté, M. Ziégler s’obstine à la conserver, et il fait bien, car M. Ziégler a fait déjà un carton admirable, et se sent fort de ses études et de son talent. M. Ziégler répond aussi fort bien à ceux qui l’assiègent, en disant qu’il n’eût pas accepté, comme M. Delaroche, pour deux cent mille francs de peinture à fresque, si ses études de fresque n’eussent pas été faites, et s’il n’eût pas déjà tenté des essais sur les murs de la grande église de Munich, le chef d’œuvre moderne en ce genre. En un mot, M. Ziégler tient bon ; il sent toute l’importance du monument auquel il attachera son nom, et il jure qu’il briserait pour toujours ses pinceaux, s’il avait la faiblesse d’abandonner un travail qui décidera de sa vie entière.

On pense bien que le ministre aux doubles promesses éprouve quelque embarras, d’autant plus désagréable que la cour le blâme hautement, et qu’en cette occasion la malveillance fait retentir d’une manière fâcheuse un nom qui lui est cher. Pour nous, pour tous ceux qui ont examiné attentivement l’intérieur de l’église de la Madelaine, nous nous félicitons, pour les arts, de l’humeur, fort juste d’ailleurs, de M. Delaroche. À voir le monument, il est facile de reconnaître que ces fresques, quelle que soit leur étendue, ne forment que des médaillons, qui gagneraient à être remplis par des mains différentes. Les statues qu’elles surmonteront, et qui sont en place, sortent des mains de nos premiers sculpteurs. Que Delacroix, que Scheffer, que Champmartin, que Sigalon, s’il est possible de le rappeler à temps de Rome, soient chargés de ces peintures, que M. Ziégler conserve son hémicycle, alors vous aurez d’admirables pages, achevées promptement, et vous n’aurez pas à encourir le reproche d’avoir accordé à l’intimité et à l’assiduité, un monopole qu’on ne peut réclamer qu’en se nommant Raphaël, Michel-Ange ou Vinci. Etex, Rude, Barye, Pradier, ont attaché leur nom à la Madelaine ; laissez les peintres arriver à leur tour ; et si M. Delaroche se trouve trop grand pour s’adjoindre à ses rivaux, qu’on lui ouvre le Panthéon où l’on voulait réléguer M. Ziégler, qu’on l’enfouisse tout vivant dans cette sépulture des grands hommes.

Les élégans de Paris parlent encore quelquefois de la voiture chargée de masques et attelée de quatre chevaux, qui traversait joyeusement les boulevards pendant les trois jours du carnaval. Cette voiture était celle de M. de Labattue, qui vient de mourir, à vingt-cinq ans, dans une auberge de Pise. Aujourd’hui, à l’Opéra, on voit une loge vide. Cette loge était celle de M. le comte de Labattue et de M. le comte Dubourg, morts tous deux le même jour ; l’un d’une chute de cheval, sur la route de Saint-Cloud ; l’autre dans un pays étranger, loin de sa patrie et de sa famille.

M. de Labattue possédait une fortune de cent mille livres de rentes, qui, par une disposition singulière, passe aux États-Unis, et doit servir à fonder, dans la ville de Washington, une université pour l’éducation de la jeunesse. Le père de M. de Labattue, citoyen anglais, enrichi en Amérique par le commerce, lui avait laissé sa fortune, en la substituant de la sorte, dans le cas où son fils mourrait sans enfans légitimes ou naturels. Tels sont les termes du testament. Le jeune Hinkinson avait été élevé en France ; à la mort de son père, mistriss Hinkinson épousa le comte de Labattue, qui adopta son beau-fils et lui donna son nom. La mort du jeune comte privera sa mère d’une fortune qu’elle partageait, à moins qu’un enfant naturel n’ait été reconnu par lui. On pense qu’il y a lieu d’élever cette opposition, et que les deux millions de M. de Labattue n’iront pas rejoindre, en Amérique, les vingt-cinq millions que les chambres ont si généreusement votés.

Nous laisserons aux journaux quotidiens le soin d’enregistrer les débats du procès de M. de la Roncière, qui ont débuté par des dépositions accablantes pour l’accusé.

A tour on the Prairies (Excursion dans les Prairies), par Washington Irving[1].

« Dans les régions tant vantées de l’extrémité occidentale de l’Amérique du Nord, à plusieurs centaines de milles au-delà du Mississipi, s’étendent de vastes plaines sans culture et sans habitans, où n’ont jamais été construits ni le manoir de l’homme blanc ni la hutte du sauvage. Ces plaines, d’une merveilleuse fertilité, sont entrecoupées de forêts, de bosquets, d’entassemens confus de productions végétales, et baignées par les Arkansas, le Grand-Canadien et la Rivière-Rouge, que forment une multitude de sources. Sur ce sol désert, mais chargé de verdure, errent encore en pleine liberté l’élan, le buffle et le cheval sauvage. C’est là que quelques tribus de l’ouest se répandent dans leurs excursions de chasse ; c’est là que les Osages, les Creceks, les Delawares, et la plupart des familles indiennes qui participent à une demi-civilisation, cherchent parfois une retraite, dans le voisinage des terres cultivées par les Européens. D’autres tribus farouches, telles que les Pawnees et les Comanches, hôtes nomades des Prairies, et quelques hordes issues des contrées les plus escarpées des montagnes Rocheuses, parcourent aussi ce territoire, dont la possession exclusive est convoitée par chacune d’elles. De là naît une rivalité terrible qui se résout constamment en guerres et en actes de vengeance. La crainte incessante du danger est, pour toutes ces tribus, un obstacle à la formation d’une habitation permanente dans ces champs. Leurs chasseurs et leurs braves s’y répandent en corps nombreux, pendant la saison de la chasse, et fixent çà et là des camps mobiles, qu’ils forment avec des branches d’arbres et des peaux d’animaux. Ces expéditions ont toujours un caractère guerrier. Les chasseurs, armés pour l’attaque comme pour la défense, sont obligés de vivre dans une anxiété et une vigilance continuelles. S’ils rencontrent, dans leurs courses, des chasseurs d’une tribu rivale, un combat s’engage aussitôt. Leurs camps sont quelquefois envahis par des troupes armées, et, lorsque quelques-uns d’entre eux sont entraînés isolément à la poursuite du gibier, ils courent le risque d’être surpris et massacrés par des ennemis en embuscade. Des crânes fracassés et des squelettes humains, jetés au fond de quelque noir ravin, ou gisant près d’un ancien camp, attestent ces actes de carnage, et avertissent le voyageur du danger de sa marche. »

Telle est la description que Washington Irving, avant de commencer le récit de son voyage dans les Prairies, donne de ces lieux, qui, en grande partie, n’ont point été explorés par des hommes blancs. Le livre qu’il publie expose, sous une forme poétique, le résultat de son exploration, et présente à la fois tout l’intérêt de la nouveauté et tout le charme d’un petit chef-d’œuvre littéraire. Les romans de Fénimore Cooper nous avaient déjà initiés à cette vie errante des Prairies, à ces mœurs indiennes dont la douceur, parfois exagérée, forme toujours un contraste affligeant avec les malheurs de cette race, à qui l’Européen donne le droit de maudire la civilisation, puisque, par les progrès de cette civilisation, elle se voit incessamment repoussée loin du berceau de ses enfans et de la tombe de ses pères. À ces tableaux, tracés par une main habile, à ces récits dont la moralité éclate à travers les fictions, il fallait ajouter des tableaux où l’exactitude graphique, aussi bien que la vérité morale, s’alliât au prestige de la poésie. Mais quel écrivain pouvait entreprendre cette œuvre ? À qui appartenait-il de rivaliser l’auteur de la Prairie et du Dernier des Mohicans ? N’est-ce point à celui que déjà l’opinion publique désignait comme son émule ?

« Les Indiens que j’ai eu l’occasion d’étudier dans leurs mœurs réelles, dit M. Irving, sont bien différens de ceux que nous représente la poésie. Ils n’ont point ce regard stoïque, cet air taciturne, cette sorte d’impassibilité qui ne laisse accès ni aux larmes ni au sourire. Ils sont taciturnes, il est vrai, lorsqu’ils vivent avec des hommes blancs, dont les intentions leur sont suspectes, et dont le langage leur est inconnu : mais placez un homme blanc dans des circonstances semblables, et vous verrez jusqu’à quel point son caractère se modifiera. Lorsque les Indiens vivent entre eux, ils ne sauraient être plus animés, plus gais, plus enclins à la confiance. Ils passent la moitié de leur temps à raconter leurs aventures de guerre et de chasse, ou à inventer des fables fantastiques. Ils excellent dans l’art mimique, et ce qu’il y a de singulier en ceci, c’est que les hommes blancs qui se plaisent à les considérer comme des admirateurs bénévoles de la grandeur et de la dignité de la race européenne, sont presque toujours l’objet de leurs satires bouffonnes. Les Indiens sont de malicieux observateurs qui examinent chaque chose en silence, échangeant entre eux, toutes les fois que quelque ridicule les frappe, des œillades significatives, mais réservant leurs commentaires pour le moment où ils sont seuls. C’est alors qu’il faut voir, dans leurs plaisantes parodies, leurs grimaces, leurs accès de gaieté.

« Dans le cours de mes voyages, ajoute Washington Irving, j’ai eu de fréquentes occasions de remarquer et leur propension naturelle à l’ironie, et la joie bruyante qui préside à leurs jeux. J’ai rencontré souvent des groupes d’Osages, assis autour d’un grand feu, se livrant jusqu’à une heure avancée de la nuit à des conversations fort animées, et faisant par intervalles retentir les bois de leurs cris et de leurs rires.

« Je me suis également convaincu que les Indiens ne sont pas plus indifférens à la douleur qu’à la joie. Ils versent des larmes en abondance, souvent réelles, souvent affectées. On dirait qu’ils se font un mérite de ce signe extérieur de sensibilité. Personne ne pleure plus amèrement et plus long-temps qu’un Indien, à la mort d’un de ses proches ; il en est même qui se rendent sur les tombes, pour y pousser des gémissemens.

« Enfin, autant que je puis en juger, l’Indien, tel qu’on nous le représente en poésie, n’est, comme le berger des églogues, qu’une pure personnification de caractères imaginaires. »

L’auteur nous fait connaître toutes les circonstances qui ont précédé son voyage et tous les préparatifs nécessaires pour une telle expédition. Il nous représente d’abord l’escorte de chasseurs qui lui est indispensable, puis l’ordre de la marche, la composition de la troupe, le caractère de ses principaux compagnons. Rien n’est curieux comme ces descriptions, pour nous surtout dont les habitudes sont si étrangères à ces sortes d’entreprises aventureuses. C’est au commencement du mois d’octobre que, parti de Saint-Louis, chef-lieu du Missouri, il arrive au fort Gibson, situé sur la frontière des états, au confluent de la Grande-Rivière et de celle des Arkansas. Après quelques jours de marche, pendant lesquels une foule d’incidens viennent exciter l’ardeur des voyageurs, après des rencontres fréquentes d’Indiens, et de nombreux exploits de chasse, la joyeuse caravane, loin de toute habitation humaine, partage enfin tous les hasards de la vie sauvage. Au point de séparation des terres explorées par les Européens et des lieux où règnent exclusivement les peuplades indigènes, l’auteur signale un fait singulier que nous aimons à rapporter dans les termes même de son récit :

« La forêt où nous avions établi notre camp contenait, dit-il, une infinité d’arbres dont les troncs vermoulus servaient de ruches à des essaims innombrables d’abeilles. C’est une chose vraiment surprenante que l’accroissement qu’ont acquis depuis quelques années ces familles d’abeilles sauvages, dans toute l’extrémité occidentale du continent. Les Indiens considèrent leur agglomération sur un même point comme l’indice infaillible de l’approche de l’homme blanc, de même que la présence du buffle annonce celle de l’homme rouge ; ils disent qu’à mesure que les abeilles s’avancent, le buffle et l’Indien se retirent. Remarquez que, dans notre propre pensée, le bourdonnement de ces insectes annonce toujours la proximité d’une ferme ou d’un jardin, et que leur multiplication semble dépendre de l’influence directe de l’homme. J’ai entendu dire qu’à une certaine distance de la limite des terres habitées, il est bien rare d’en rencontrer un seul essaim. Les abeilles ont été en Amérique les hérauts de la civilisation, annonçant constamment, par leur émigration dans de nouvelles contrées, la marche des Européens, Il est certains colons de l’ouest qui ont la prétention de déterminer d’une manière précise l’époque où la première abeille traversa le Mississipi. Quel fut l’étonnement des Indiens, lorsqu’ils commencèrent à s’apercevoir que les troncs de leurs vieux arbres exhalaient un parfum d’ambroisie ! Rien ne saurait surpasser, ai-je ouï dire, les délices du banquet où ils goûtèrent, pour la première fois, un mets dont la saveur leur était inconnue, et qui ne leur avait coûté ni apprêt, ni peine, ni péril ?

« Aujourd’hui les abeilles pullulent par myriades dans les magnifiques forêts qui traversent les Prairies ou qui bordent les rivières. Il me semble que ces contrées répondent merveilleusement à l’idée que nous avons de la terre promise « où coulaient des sources de lait et de miel ; » car, tandis que les abeilles expriment le suc des fleurs qui croissent dans les champs, les riches pâturages nourrissent des troupeaux aussi nombreux que les grains de sable du désert. »

On aime à suivre dans ces lieux enchantés la marche de nos voyageurs. On partage leur joie, lorsqu’ils s’empressent de recueillir le miel que le hasard offre ainsi à leur avidité ; on partage aussi leurs alarmes, lorsqu’il survient pour eux quelque accident sinistre. Que d’embarras ils éprouvent dans le déplacement et la surveillance de leurs camps, dans le transport de leurs tentes, dressées tantôt auprès d’une forêt, tantôt au bord d’une rivière, tantôt au milieu d’une plaine qui semble sans limite ! Mais à leurs peines même se mêle toujours une secrète jouissance. Après le repas splendide qu’ils doivent au succès de la chasse, ils savent supporter la faim ; après s’être abreuvés à une source pure, ils se résignent à boire une eau presque fétide ; après une journée de fatigue, le sommeil de la nuit, au pied d’un arbre, a pour eux des douceurs infinies ; ils vivent dans un perpétuel contraste ; mais ce qui surtout les inspire et agrandit leur ame, c’est la contemplation de la nature. « Il y a, dit Irving, dans la solitude d’une prairie, quelque chose d’inexprimable qui jette dans l’ame un vague sentiment d’admiration et d’effroi, La solitude d’une forêt ne saurait en donner une idée : là où les arbres bornent votre vue, votre imagination peut à son gré se créer une brillante perspective ; mais là où l’horizon seul arrête vos regards, vous n’avez que la conscience de votre isolement, et l’absence de toute trace humaine vous plonge dans une affreuse mélancolie. Telles étaient mes impressions… Si quelque bruit rompait le silence du désert, c’étaient tantôt les cris d’une troupe de pélicans, apparaissant comme des spectres sur les rives d’un étang, tantôt le sinistre croassement d’un corbeau qui planait sur ma tête, au même moment où une louve affamée rôdait non loin de moi, et faisait retentir l’air de hurlemens qui désolaient ma solitude… » Mais à ces émotions si profondes succèdent bientôt des agitations imprévues qui enlèvent à l’ame et sa tristesse et sa sérénité. Les jeunes héros de la troupe se précipitent sur les traces d’un buffle, d’un élan ou d’un cheval sauvage ; tout le camp est en émoi, chacun appelle la victoire, et, le combat n’étant pas sans danger, le triomphe est toujours glorieux. Étrange existence que celle de ces hardis chasseurs ! Que d’hommes de notre vieille Europe qui, après avoir épuisé tout ce que les plaisirs et les affections du monde offrent de sensations fortes et de jouissances romanesques, seraient heureux de partager un instant cette carrière d’aventures, où du moins rien n’est factice, ni dans la douleur, ni dans la joie !


Nous nous occupons rarement des théâtres ; mais que se passe-t-il au théâtre qui mérite sérieusement d’appeler l’attention ? Le Théâtre-Français a repris un peu de vie sous la direction de M. Jouslin de Lasalle ; il est aujourd’hui de bon ton d’y aller entendre l’ancien répertoire, et peut-être le moyen le plus sûr d’attirer la foule serait de remonter avec éclat plusieurs pièces qui peuvent à bon droit passer pour des nouveautés auprès de la génération actuelle. L’ancienne tragédie, avec le personnel de la Comédie-Française, n’est plus possible ; mais la troupe comique compte d’excellens sujets, et l’étude du vieux répertoire aurait le double avantage de la fortifier et d’offrir d’excellens modèles à nos jeunes écrivains. Nous engageons M. Jouslin à entrer plus avant encore dans cette voie, et d’appeler à l’aide de sa troupe vieillie de jeunes talens qu’on est tout étonné de ne pas trouver au Théâtre-Français. Comment Bocage, le seul appui du drame moderne avec Mme Dorval, n’est-il pas rue de Richelieu ? La manière distinguée dont cet artiste vient de créer le rôle d’Ango dans la pièce de ce nom, jouée avant-hier à l’Ambigu-Comique, devrait faire tomber les préventions des plus vieux sociétaires de la Comédie-Française. C’est Bocage qui a fait le succès du drame d’Ango ; mais sa place n’est pas à l’Ambigu-Comique, ni même à la Porte-Saint-Martin ; elle est ailleurs. M. Jouslin le sait aussi bien que nous.


  1. Librairie européenne de Baudry, rue du Coq.