Code civil des Français 1804/Livre I, Titre VIII

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Décrété le 2 Germinal an XI.
Promulgué le 12 du même mois.

Titre VIII.
de l’adoption et de la tutelle officieuse.


Chapitre premier.
de l’adoption.


Section I.re
De l’Adoption et de ses effets.
343.

L’adoption n’est permise qu’aux personnes de l’un ou de l’autre sexe, âgées de plus de cinquante ans, qui n’auront à l’époque de l’adoption, ni enfans, ni descendans légitimes, et qui auront au moins quinze ans de plus que les individus qu’elles se proposent d’adopter.

344.

Nul ne peut être adopté par plusieurs, si ce n’est par deux époux.

Hors le cas de l’article 366, nul époux ne peut adopter qu’avec le consentement de l’autre conjoint.

345.

La faculté d’adopter ne pourra être exercée qu’envers l’individu à qui l’on aura, dans sa minorité et pendant six ans au moins, fourni des secours et donné des soins non interrompus, ou envers celui qui aurait sauvé la vie à l’adoptant, soit dans un combat, soit en le retirant des flammes ou des flots.

Il suffira, dans ce deuxième cas, que l’adoptant soit majeur, plus âgé que l’adopté, sans enfans ni descendans légitimes ; et s’il est marié, que son conjoint consente à l’adoption.

346.

L’adoption ne pourra, en aucun cas, avoir lieu avant la majorité de l’adopté. Si l’adopté, ayant encore ses père et mère, ou l’un des deux, n’a point accompli sa vingt-cinquième année, il sera tenu de rapporter le consentement donné à l’adoption par ses père et mère, ou par le survivant ; et s’il est majeur de vingt-cinq ans, de requérir leur conseil.

347.

L’adoption conférera le nom de l’adoptant à l’adopté, en l’ajoutant au nom propre de ce dernier.

348.

L’adopté restera dans sa famille naturelle, et y conservera tous ses droits : néanmoins le mariage est prohibé

Entre l’adoptant, l’adopté et ses descendans ;

Entre les enfans adoptifs du même individu ;

Entre l’adopté et les enfans qui pourraient survenir à l’adoptant ;

Entre l’adopté et le conjoint de l’adoptant, et réciproquement entre l’adoptant et le conjoint de l’adopté.

349.

L’obligation naturelle, qui continuera d’exister entre l’adopté et ses père et mère, de se fournir des alimens dans les cas déterminés par la loi, sera considérée comme commune à l’adoptant et à l’adopté, l’un envers l’autre.

350.

L’adopté n’acquerra aucun droit de successibilité sur les biens des parens de l’adoptant ; mais il aura sur la succession de l’adoptant les mêmes droits que ceux qu’y aurait l’enfant né en mariage, même quand il y aurait d’autres enfans de cette dernière qualité nés depuis l’adoption.

351.

Si l’adopté meurt sans descendans légitimes, les choses données par l’adoptant, ou recueillies dans sa succession, et qui existeront en nature lors du décès de l’adopté, retourneront à l’adoptant ou à ses descendans, à la charge de contribuer aux dettes, et sans préjudice des droits des tiers.

Le surplus des biens de l’adopté appartiendra à ses propres parens ; et ceux-ci excluront toujours, pour les objets même spécifiés au présent article, tous héritiers de l’adoptant autres que ses descendans.

352.

Si du vivant de l’adoptant, et après le décès de l’adopté, les enfans ou descendans laissés par celui-ci mouraient eux-mêmes sans postérité, l’adoptant succédera aux choses par lui données, comme il est dit en l’article précédent ; mais ce droit sera inhérent à la personne de l’adoptant, et non transmissible à ses héritiers, même en ligne descendante.

Section II.
Des Formes de l’Adoption.
353.

La personne qui se proposera d’adopter, et celle qui voudra être adoptée, se présenteront devant le juge de paix du domicile de l’adoptant, pour y passer acte de leurs consentemens respectifs.

354.

Une expédition de cet acte sera remise, dans les dix jours suivans, par la partie la plus diligente, au commissaire du Gouvernement près le tribunal de première instance dans le ressort duquel se trouvera le domicile de l’adoptant, pour être soumis à l’homologation de ce tribunal.

355.

Le tribunal, réuni en la chambre du conseil, et après s’être procuré les renseignemens convenables, vérifiera, 1.o si toutes les conditions de la loi sont remplies ; 2.o si la personne qui se propose d’adopter, jouit d’une bonne réputation.

356.

Après avoir entendu le commissaire du Gouvernement, et sans aucune autre forme de procédure, le tribunal prononcera, sans énoncer de motifs, en ces termes : Il y a lieu, ou Il n’y a pas lieu à l’adoption.

357.

Dans le mois qui suivra le jugement du tribunal de première instance, ce jugement sera, sur les poursuites de la partie la plus diligente, soumis au tribunal d’appel, qui instruira dans les mêmes formes que le tribunal de première instance, et prononcera, sans énoncer de motifs : Le jugement est confirmé ou Le jugement est réformé ; en conséquence, il y a lieu, ou il n’y a pas lieu à l’adoption.

358.

Tout jugement du tribunal d’appel qui admettra une adoption, sera prononcé à l’audience, et affiché en tels lieux et en tel nombre d’exemplaires que le tribunal jugera convenables.

359.

Dans les trois mois qui suivront ce jugement, l’adoption sera inscrite, à la réquisition de l’une ou de l’autre des parties, sur le registre de l’état civil du lieu où l’adoptant sera domicilié.

Cette inscription n’aura lieu que sur le vu d’une expédition, en forme, du jugement du tribunal d’appel ; et l’adoption restera sans effet si elle n’a été inscrite dans ce délai.

360.

Si l’adoptant venait à mourir après que l’acte constatant la volonté de former le contrat d’adoption a été reçu par le juge de paix et porté devant les tribunaux, et avant que ceux-ci eussent définitivement prononcé, l’instruction sera continuée et l’adoption admise, s’il y a lieu.

Les héritiers de l’adoptant pourront, s’ils croient l’adoption inadmissible, remettre au commissaire du Gouvernement tous mémoires et observations à ce sujet.


Chapitre II.
de la tutelle officieuse.

361.

Tout individu âgé de plus de cinquante ans, et sans enfans ni descendans légitimes, qui voudra, durant la minorité d’un individu, se l’attacher par un titre légal, pourra devenir son tuteur officieux, en obtenant le consentement des père et mère de l’enfant, ou du survivant d’entre eux, ou, à leur défaut, d’un conseil de famille, ou enfin, si l’enfant n’a point de parens connus, en obtenant le consentement des administrateurs de l’hospice où il aura été recueilli, ou de la municipalité du lieu de sa résidence.

362.

Un époux ne peut devenir tuteur officieux qu’avec le consentement de l’autre conjoint.

363.

Le juge de paix du domicile de l’enfant dressera procès-verbal des demandes et consentemens relatifs à la tutelle officieuse.

364.

Cette tutelle ne pourra avoir lieu qu’au profit d’enfans âgés de moins de quinze ans.

Elle emportera avec soi, sans préjudice de toutes stipulations particulières, l’obligation de nourrir le pupille, de l’élever, de le mettre en état de gagner sa vie.

365.

Si le pupille a quelque bien, et s’il était antérieurement en tutelle, l’administration de ses biens, comme celle de sa personne, passera au tuteur officieux, qui ne pourra néanmoins imputer les dépenses de l’éducation sur les revenus du pupille.

366.

Si le tuteur officieux, après cinq ans révolus depuis la tutelle, et dans la prévoyance de son décès avant la majorité du pupille, lui confère l’adoption par acte testamentaire, cette disposition sera valable, pourvu que le tuteur officieux ne laisse point d’enfans légitimes.

367.

Dans le cas où le tuteur officieux mourrait soit avant les cinq ans, soit après ce temps, sans avoir adopté son pupille, il sera fourni à celui-ci, durant sa minorité, des moyens de subsister, dont la quotité et l’espèce, s’il n’y a été antérieurement pourvu par une convention formelle, seront réglées soit amiablement entre les représentans respectifs du tuteur et du pupille, soit judiciairement en cas de contestation.

368.

Si, à la majorité du pupille, son tuteur officieux veut l’adopter, et que le premier y consente, il sera procédé à l’adoption selon les formes prescrites au chapitre précédent, et les effets en seront, en tous points, les mêmes.

369.

Si, dans les trois mois qui suivront la majorité du pupille, les réquisitions par lui faites à son tuteur officieux, à fin d’adoption, sont restées sans effet, et que le pupille ne se trouve point en état de gagner sa vie, le tuteur officieux pourra être condamné à indemniser le pupille de l’incapacité où celui-ci pourrait se trouver de pourvoir à sa subsistance.

Cette indemnité se résoudra en secours propres à lui procurer un métier ; le tout sans préjudice des stipulations qui auraient pu avoir lieu dans la prévoyance de ce cas.

370.

Le tuteur officieux qui aurait eu l’administration de quelques biens pupillaires, en devra rendre compte dans tous les cas.