Code d'instruction criminelle 1808/Livre II, Titre VI, Chapitre I

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France
Livre II, Titre VI, Chapitre Unique : De la Compétence, de la Composition des Cours spéciales, et de la Procédure.
(p. 127-134).

Titre Sixième.

Des cours spéciales.

Chapitre Unique.
De la Compétence, de la Composition des Cours spéciales, et de la Procédure.

Section première.
Compétence de la Cour spéciale.

553. Les crimes commis par des vagabonds, gens sans aveu, et par des condamnés à des peines afflictives ou infamantes, seront jugés, sans jurés, par les juges ci-après désignés, et dans les formes ci-après prescrites.

554. Le crime de rébellion armée à la force armée, celui de contrebande armée, le crime de fausse monnaie et les assassinats, s’ils ont été préparés par des attroupements armés, seront jugés par les mêmes juges et dans les mêmes formes.

555. Si, parmis les prévenus des crimes spécifiés en l’article 553, et qui sont, par la simple qualité des personnes, attribués à la cour spéciale, il s’en trouve qui ne soient point par ladite qualité justiciables de cette cour, le procès et les parties seront renvoyés devant les cours d’assises.

§. Ier.
Composition de la Cour spéciale.

556. La cour spéciale ne pourra juger qu'au nombre de huit juges; elle sera composée, I° du président de la cour d'assises, losqu'il sera sur les lieux: en son absence, ou en cas d'empêchement, d'un des membres de la cour impériale qui aurait été délégué à la cour d'assies; et, à leur défaut, du président du tribunal de première instance dans le ressort duquel la cour spéciale tiendra ses séances; 2° des quatre juges formant, aux termes des articles 253 et 254, avec le président, la cour d'assises; 3° de trois militaires ayant au moins le grade de capitaine.

Une loi particulière règlera l'organisation de la cour spéciale du département de la Seine.

557. Dans le département où siège la cour impériale, le procureur général, ou l’un de ses substituts, remplira, auprès de la cour spéciale, les fonctions du ministère public.

Le greffier de la cour, ou un de ses commis assermentés, y exercera ses fonctions.

558. Dans les autres départements, les fonctions du ministère public seront exercées par le procureur impérial criminel;

Et les fonctions de greffier seront remplies par le greffier du tribunal de première instance, ou par un de ses commis assermentés.

559. Les trois militaires seront âgés d’au moins trente ans, et nommés chaque année par SA MAJESTÉ. Ils auront trois suppléants du même grade, nommés également par SA MAJESTÉ.

§. II.
Epoques et Lieux des Sessions de la Cour spéciale.

560. La cour spéciale sera convoquée toutes les fois que l'instruction d'une affaire de sa compétence sera complétée.

560. Le jour et le lieu où la session devra s’ouvrir, seront fixés par la cour impériale.

La session ne sera terminée qu’après que toutes les affaires de sa compétence qui étaient en état lors de son ouverture, y auront été portées.

562. Les dispositions contenues aux articles 254, 255, 256, 257, 258, 261, 264 et 265, relatifs aux cours d’assises, reçoivent leur application pour les cours spéciales.

§. III.
Fonctions du Président.

563. Le président est chargé d’entendre l'accusé lors de son arrivée dans la maison de justice.

Il pourra déléguer ces fonctions à l’un des juges.

Il dirige l’instruction et les débats.

Il détermine l’ordre entre ceux qui demandent à parler.

Il a la police de l’audience.

564. Les dispositions contenues aux articles 268, 269 et 270, relatifs aux autres attributions du président de la cour d’assises, sont communes au président de la cour spéciale.

§. IV.
Fonctions du Procureur général impérial et du Procureur impérial criminel.

565. Le procureur général impérial et son substitut le procureur impérial criminel exercent respectivement, dans les cours spéciales, les fonctions qui leur sont attribuées pour la poursuite, l’instruction, le jugement, dans les affaires de la compétence des cours d’assises, et qui sont réglées par les articles 271, 272, 273, 274, 275, 276, 277, par la première disposition de l’article 278, par l’article 279 et suivants, jusques et compris l’article 290.

Section II.
Instruction et Procédure antérieure à l'ouverture des débats.

566. La poursuite des crimes qui sont de la compétence de la cour spéciale, sera faite suivant les formes établies pour la poursuite des crimes dont le jugement est de la compétence des tribunaux ordinaires.

567. L’arrêt de la cour impériale qui renvoie à la cour spéciale, et l’acte d’accusation, seront, dans les trois jours, signifiés à l’accusé.

568. Le procureur général impérial adressera, dans le même délai, expédition de l’arrêt au grand-juge ministre de la justice, pour être transmise à la cour de cassation.

569. La section criminelle de cette cour prendra connaissance de tous les arrêts de renvoi aux cours spéciales qui lui eurent été déférés, et y statuera, toutes affaires cessantes.

570. La cour de cassation, en prononçant sur la compétence, prononcera en même temps et par le même arrêt sur les nullités qui, d’après l’article 299, pourraient se trouver dans l’arrêt de renvoi.

571. Aussitôt que l’accusation aura été prononcée, et sans attendre l’arrêt de la cour de cassation, l’instruction sera continuée sans délai jusqu’à l'ouverture des débats exclusivement, et dans les formes ci-après.

572. Les dispositions contenues aux articles 291, 292, 293, 294, 295, au dernier paragraphe de l'article 296 et aux articles 302, 303, 304, 305, 307 et 308, relatifs à l’instruction des procès de la compétence des cours d’assises, sont applicables à l’instruction des procès de la compétence des cours spéciales.

Section III.
De l'Examen.

573. Dans les trois jours de la réception de l’arrêt de la cour de cassation, le ministère public près la cour impériale fera ses diligences pour la convocation la plus prompte de la cour spéciale.

574. Les dispositions contenues aux articles 310, 311, 313, 314, 315, 316, 317, 318, 319, 320, 321, 322, 323, 324, 325, 326 et 327, relatifs à l’examen et aux débats devant la cour d’assises, seront observées dans l’examen et les débats devant la cour spéciale.

Chaque témoin, après sa déposition, restera dans l’auditoire, si le président n’en a ordonné autrement, jusqu’à ce que la cour se soit retirée en la chambre du conseil pour y délibérer le jugement.

575. Pendant l’examen, le ministère public et les juges pourront prendre note de ce qui leur paraîtra important, soit dans les dépositions des témoins, soit dans la défense de l’accusé, pourvu que la discussion n’en soit pas interrompue.

576. Les dispositions contenues aux articles 329, 330, 331, 332, 333, 334 et 335, seront observées dans l’examen devant la cour spéciale.

Le ministère public donnera des conclusions motivées, et requerra, s’il y a lieu, l’application de la peine.

577. Le président fera retirer l’accusé de l’auditoire.

578. L’examen et les débats, une fois entamés, devront être continués sans interruption. Le président ne pourra les suspendre que pendant les intervalles nécessaires pour le repos des juges, des témoins et des accusés.

579. Les dispositions contenues aux articles 354, 355 et 356 seront exécutées.

Section IV.
Du Jugement.

580. La cour se retirera en la chambre du conseil, pour y délibérer.

581. Le président posera les questions, et recueillera les voix.

Les trois juges militaires opineront les premiers, en commençant par le plus jeune.

582. Le jugement de la cour se formera à la majorité.

583. En cas d’égalité de voix, l’avis favorable à l’accusé prévaudra.

584. L’arrêt qui acquittera l’accusé, statuera sur les dommages-intérêts respectivement prétendus, après que les parties auront proposé leurs fins de non-recevoir ou leurs défenses, et que le procureur général aura été entendu.

La cour pourra néanmoins, si elle le juge convenable, commettre l’un des juges pour entendre les parties, prendre connaissance des pièces, et faire son rapport à l’audience, où les parties pourront encore présenter leurs observations, et où le ministère public sera de nouveau entendu.

585. Les demandes en dommages-intérêts, formées, soit par l’accusé contre ses dénonciateurs ou la partie civile, soit par la partie civile contre l’accusé ou le condamné, seront portées à la cour spéciale.

La partie civile est tenue de former sa demande en dommages-intérêts avant le jugement; plus tard, elle sera non recevable.

Il en est de même de l’accusé, s’il a connu son dénonciateur.

Dans le cas où l’accusé n’aurait connu son dénonciateur que depuis le jugement, mais avant la fin de la session, il sera tenu, sous peine de déchéance, de porter sa demande à la cour spéciale. S’il ne l’a connu qu’après la clôture de la session, sa demande sera portée au tribunal civil.

A l’égard des tiers qui n’auraient pas été parties au procès, ils s’adresseront au tribunal civil.

586. Les articles 360 et 361 recevront leur exécution.

587. Si la cour déclare l’accusé convaincu du crime porté en l’accusation, son arrêt prononcera la peine établie par la loi, et statuera en même temps sur les dommages-intérêts prétendus par la partie civile.

588. La cour pourra dans les cas prévus par la loi, déclarer l’accusé excusable.

589. Si, par le résultat des débats, le fait dont l’accusé est convaincu était dépouillé des circonstances qui le rendaient justiciable de la cour spéciale, ou n’était pas de nature à entraîner peine afflictive ou infamante; au premier cas, la cour renverra, par un arrêt motivé, l’accusé et le procès devant la cour d’assises, qui prononcera, quel que soit ensuite le résultat des débats; au deuxième cas, la cour pourra appliquer, s’il y a lieu, les peines correctionnelles ou de police encourues par l'accusé.

590. L’article 367 sera exécuté.

591. L’arrêt sera prononcé à haute voix par le président, en présence du public et de l’accusé.

592. L’arrêt contiendra, sous les peines prononcées par l'article 369, le texte de la loi sur lequel il est fondé: ce texte sera lu à l'audience.

593. La minute de l'arrêt sera signée par les juges qui l’auront rendu, à peine de cent francs d’amende contre le greffier, et de prise à partie tant contre le greffier que contre les juges. Elle sera signée dans les vingt-quatre heures de la prononciation de l’arrêt.

594. Après avoir prononcé l’arrêt, le président pourra, selon les circonstances, exhorter l’accusé à la fermeté, à la résignation ou à réformer sa conduite.

595. La cour, après la prononciation de l’arrêt, pourra, pour des motifs graves, recommander l’accusé à la commisération de l’Empereur.

Cette recommandation ne sera point insérée dans l’arrêt, mais dans un procès-verbal séparé, secret et motivé, dressé en la chambre du conseil, le ministère public entendu, et signé comme la minute de l’arrêt de condamnation.

Expédition dudit procès-verbal, ensemble de l’arrêt de condamnation, sera adressée de suite par le procureur général impérial au grand-juge ministre de la justice.

596. Les dispositions contenues en l’article 372 seront applicables à la cour spéciale.

597. L'arrêt ne pourra être attaqué par voie de cassation.

Section V.
De l'Exécution de l'Arrêt.

598. L’arrêt sera exécuté dans les vingt-quatres heures, à moins que le tribunal n’eût usé de la faculté qui lui est accordée par l’article 595.

599. Les articles 376, 377, 378, 379 et 380 seront exécutés.