Aller au contenu

Code de procédure civile 1806/Partie I, Livre IV

La bibliothèque libre.
France
Partie I, Livre IV : Des Voies extraordinaires pour attaquer les Jugemens.
(p. 85-92).

Livre IV.
Des Voies extraordinaires pour attaquer les jugemens.


Titre Premier.
De la tierce Opposition.

ART. 474

UNE partie peut former tierce opposition à un jugement qui préjudicie à ses droits, et lors duquel, ni elle, ni ceux qu’elle représente, n’ont été appelés.

475. La tierce opposition, formée par action principale, sera portée au tribunal qui aura rendu le jugement attaqué.

La tierce opposition incidente à une contestation dont un tribunal est saisi, sera formée par requête à ce tribunal, s’il est égal ou supérieur à celui qui a rendu le jugement.

476. S’il n’est égal ou supérieur, la tierce opposition incidente sera portée, par action principale, au tribunal qui aura rendu le jugement.

477. Le tribunal devant lequel le jugement attaqué aura été produit, pourra, suivant les circonstances, passer outre ou surseoir.

478. Les jugemens passés en force de chose jugée, portant condamnation à délaisser la possession d’un héritage, seront exécutés contre les parties condamnées, nonobstant la tierce opposition et sans y préjudicier.

Dans les autres cas, les juges pourront, suivant les circonstances, suspendre l’exécution du jugement.

479. La partie dont la tierce opposition sera rejetée, sera condamnée à une amende qui ne pourra être moindre de cinquante francs, sans préjudice des dommages et intérêts de la partie s’il y a lieu.

Titre II.
De la Requête civile.

480. Les jugemens contradictoires, rendus en dernier ressort par les tribunaux de première instance et d’appel, et les jugemens par défaut rendus aussi en dernier ressort, et qui ne sont plus susceptibles d’opposition, pourront être rétractés sur la requête de ceux qui y auront été parties ou dûment appelés, pour les causes ci-après:

1.° S’il y a eu dol personnel;

2.° Si les formes prescrites à peine de nullité ont été violées, soit avant, soit lors des jugemens, pourvu que la nullité n’ait pas été couverte par les parties;

3.° S’il a été prononcé sur choses non demandées;

4.° S’il a été adjugé plus qu’il n’a été demandé;

5.° S’il a été omis de prononcer sur l’un des chefs de demande;

6.° S’il y a contrariété de jugemens en dernier ressort, entre les mêmes parties, et sur les mêmes moyens, dans les mêmes cours ou tribunaux;

7.° Si, dans un même jugement, il y a des dispositions contraires;

8.° Si, dans les cas où la loi exige la communication au ministère public, cette communication n’a pas eu lieu, et que le jugement ait été rendu contre celui pour qui elle était ordonnée;

9.° Si l’on a jugé sur pièces reconnues ou déclarées fausses depuis le jugement;

10.° Si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives, et qui avaient été retenues par le fait de la partie.

481. L’Etat, les communes, les établissemens publics et les mineurs, seront encore reçus à se pourvoir, s’ils n’ont été défendus, ou s’ils ne l’ont été valablement.

482. S’il n’y a ouverture que contre un chef de jugement, il sera seul rétracté, à moins que les autres n’en soient dépendans.

483. La requête civile sera signifiée avec assignation, dans les trois mois, à l’égard des majeurs, du jour de la signification à personne ou domicile, du jugement attaqué.

484. Le délai de trois mois ne courra contre les mineurs que du jour de la signification du jugement, faite, depuis leur majorité, à personne ou domicile.

485. Lorsque le demandeur sera absent du territoire européen de l’Empire pour un service de terre ou de mer, ou employé dans les négociations extérieures pour le service de l’Etat, il y aura, outre le délai ordinaire de trois mois, depuis la signification du jugement, le délai d’une année.

486. Ceux qui demeurent hors de la France continentale, auront, outre le délai de trois mois, depuis la signification du jugement, les délais des ajournemens réglés par l'art. 73 ci-dessus.

487. Si la partie condamnée est décédée dans les délais ci-dessus fixés pour se pourvoir, ce qui en restera à courir ne commencera, contre la succession, que dans les délais et de la manière prescrite en l’art. 447 ci-dessus.

488. Lorsque les ouvertures de requête civile seront le faux, le dol ou la découverte de pièces nouvelles, les délais ne courront que du jour où le faux aura été reconnu, le dol ou les pièces découvertes; pourvu que, dans ces deux derniers cas, il y ait preuve par écrit du jour, et non autrement.

489. S’il y a contrariété de jugemens, le délai courra du jour de la signification du dernier jugement.

490. La requête civile sera portée au même tribunal où le jugement attaqué aura été rendu; il pourra y être statué par les mêmes juges.

491. Si une partie veut attaquer par la requête civile un jugement produit dans une cause pendante en un tribunal autre que celui qui l’a rendu, elle se pourvoira devant le tribunal qui a rendu le jugement attaqué; et le tribunal saisi de la cause dans laquelle il est produit, pourra, suivant les circonstances, passer outre ou surseoir.

492. La requête civile sera formée par assignation au domicile de l’avoué de la partie qui a obtenu le jugement attaqué, si elle est formée dans les six mois de la date du jugement; après ce délai, l’assignation sera donnée au domicile de la partie.

493. Si la requête civile est formée incidemment devant un tribunal compétent pour en connaître, elle le sera par requête d’avoué à avoué; mais si elle est incidente à une contestation portée dans un autre tribunal que celui qui a rendu le jugement, elle sera formée par assignation devant les juges qui ont rendu le jugement.

494. La requête civile d’aucune partie autre que celles qui stipulent les intérêts de l’Etat, ne sera reçue, si, avant que cette requête ait été présentée, il n’a été consigné une somme de trois cents francs pour amende, et cent cinquante francs pour les dommages et intérêts de la partie, sans préjudice de plus amples dommages et intérêts, s’il y a lieu; la consignation sera de moitié si le jugement est par défaut ou par forclusion, et du quart s’il s’agit de jugemens rendus par les tribunaux de première instance.

495. La quittance du receveur sera signifiée en tête de la demande, ainsi qu’une consultation de trois avocats exerçant depuis dix ans au moins près un des tribunaux du ressort de la cour d’appel dans lequel le jugement a été rendu.

La consultation contiendra déclaration qu’ils sont d’avis de la requête civile, et elle en énoncera aussi les ouvertures; sinon la requête ne sera pas reçue.

496. Si la requête civile est signifiée dans les six mois de la date du jugement, l’avoué de la partie qui a obtenu le jugement, sera constitué de droit sans nouveau pouvoir.

497. La requête civile n’empêchera pas l’exécution du jugement attaqué; nulles défenses ne pourront être accordées; celui qui aura été condamné à délaisser un héritage, ne sera reçu à plaider sur la requête civile qu’en rapportant la preuve de l’exécution du jugement au principal.

498. Toute requête civile sera communiquée au ministère public.

499. Aucun moyen autre que les ouvertures de requête civile énoncées en la consultation, ne sera discuté à l’audience ni par écrit.

500. Le jugement qui rejetera la requête civile, condamnera le demandeur à l'amende et aux dommages-intérêts ci-dessus fixés, sans préjudice de plus amples dommages-intérêts, s’il y a lieu.

501. Si la requête civile est admise, le jugement sera rétracté, et les parties seront remises au même état où elles étaient avant ce jugement; les sommes consignées seront rendues, et les objets des condamnations qui auront été perçus en vertu du jugement rétracté, seront restitués.

Lorsque la requêté civile aura été entérinée pour raison de contrariété de jugemens, le jugement qui entérinera la requête civile, ordonnera que le premier jugement sera exécuté selon sa forme et teneur.

502. Le fond de la contestation sur laquelle le jugement rétracté aura été rendu, sera porté au même tribunal qui aura statué sur la requête civile.

503. Ancune partie ne pourra se pourvoir en requête civile, soit contre le jugement déjà attaqué par cette voie, soit contre le jugement qui l’aura rejeté, soit contre celui rendu sur le rescisoire, à peine de nullité et de dommages-intérêts, même contre l’avoué qui, ayant occupé sur la première demande, occuperait sur la seconde.

504. La contrariété de jugemens rendus en dernier ressort entre les mêmes parties et sur les mêmes moyens en différens tribunaux, donne ouverture à cassation; et l’instance est formée et jugée conformément aux lois qui sont particulières à la cour de cassation.

Titre III.
De la Prise à partie.

505. Les juges peuvent être pris à partie dans les cas suivans:

1.° S’il y a dol, fraude ou concussion, qu’on prétendrait avoir été commis, soit dans le cours de l’instruction, soit lors des jugemens;

2.° Si la prise à partie est expressément prononcée par la loi;

3.° Si la loi déclare les juges responsables, à peine de dommages et intérêts;

4.° S’il y a déni de justice.

506. Il y a déni de justice, lorsque les juges refusent de répondre les requêtes, ou négligent de juger les affaires en état et en tour d’être jugées.

507. Le déni de justice sera constaté par deux réquisitions aux juges, en la personne des greffiers, et signifiées de trois en trois jours au moins pour les juges de paix et de commerce, et de huitaine en huitaine au moins pour les autres juges: tout huissier requis sera tenu de faire ces réquisitions, à peine d'interdiction.

508. Après les deux réquisitions, le juge pourra être pris à partie.

509. La prise à partie contre les juges de paix, contre les tribunaux de commerce ou de première instance, ou contre quelqu'un de leurs membres, la prise à partie contre un juge d'appel ou contre un juge de la cour criminelle, seront portées à la cour d'appel du ressort.

La prise à partie contre les cours criminelles, contre les cour d'appel ou l'une de leurs sections, sera portée à la haute-cour impériale, conformément à l'article 101 de l'acte des constitutions de l'Empire, du 28 floréal an 12.

510. Néanmoins aucun juge ne pourra être pris à partie, sans permission préalable du tribunal devant lequel la prise à partie sera portée.

511. Il sera présenté, à cet effet, une requête signée de la partie, ou de son fondé de procuration authentique et spéciale, laquelle procuration sera annexée à la requête, ainsi que les pièces justificatives, s’il y en a, à peine de nullité.

512. Il ne pourra être employé aucun terme injurieux contre les juges, à peine, contre la partie, de telle amende, et contre son avoué, de telle injonction ou suspension qu’il appartiendra.

513. Si la requête est rejetée, la partie sera condamnée à une amende qui ne pourra être moindre de trois cents francs, sans préjudice des dommages et intérêts envers les parties, s’il y a lieu.

514. Si la requête est admise, elle sera signifiée dans trois jours au juge pris à partie, qui sera tenu de fournir ses défenses dans la huitaine.

Il s’abstiendra de la connaissance du différent; il s’abstiendra même, jusqu’au jugement définitif de la prise à partie, de toutes les causes que la partie, ou ses parens en ligne directe, ou son conjoint, pourront avoir dans son tribunal, à peine de nullité des jugemens.

515. La prise à partie sera portée à l’audience sur un simple acte, et sera jugée par une autre section que celle qui l’aura admise: si la cour d’appel n'est composée que d’une section, le jugement de la prise à partie sera renvoyé à la cour d’appel la plus voisine par la cour de cassation.

516. Si le demandeur est débouté, il sera condamné à une amende qui ne pourra être moindre de trois cents francs, sans préjudice des dommages-intérêts envers les parties, s’il y a lieu.