Comédie humaine - Répertoire/N

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N

Nanon, dite la grande Nanon, en raison de sa taille (1m,93) ; née vers 1769. — Elle garda, d’abord, les vaches dans une ferme qu’elle fut forcée de quitter après un incendie ; rebutée de partout, en raison de sa figure, qui était repoussante, elle entra, vers 1791, âgée de vingt-deux ans, chez Félix Grandet, de Saumur, et ne sortit plus de la maison. Elle se montra toujours reconnaissante envers son maître de l’avoir recueillie ; courageuse, dévouée et sobre, unique domestique de l’avare, elle ne recevait, comme gages, pour un très pénible service, que soixante francs par an. Cependant l’accumulation de sommes aussi misérables lui permit, vers 1819, un placement viager de quatre mille francs, chez maître Cruchot. Nanon eut encore, de madame de Bonfons, un viager de douze cents francs ; demeura près de la fille de son ancien maître, décédé, et, vers 1827, presque sexagénaire, épousa Antoine Cornoiller. Avec son mari, elle continua son œuvre de dévouement auprès d’Eugénie de Bonfons[1] (Eugénie Grandet).

Napolitas, en 1830, secrétaire de Bibi-Lupin, le chef de la police de sûreté. — « Mouton » à la Conciergerie, il jouait le rôle d’un fils de famille accusé de faux, afin d’observer Jacques Collin, qui se prétendait Carlos Herrera (La Dernière Incarnation de Vautrin).

Narzicof (Princesse), Russe ; avait, suivant Fritot, laissé à ce marchand, en payement de fournitures, la calèche dans laquelle mistress Noswell, affublée du châle dit Sélim, regagna l’hôtel Lawson (Gaudissart II).

Nathan (Raoul), fils d’un brocanteur juif, mort banqueroutier peu de temps après avoir épousé une catholique, fut pendant vingt-cinq ans (1820-1845) un des écrivains de Paris les plus remarqués. — Raoul Nathan aborda bien des genres : journal, roman, poésie, théâtre. En 1821, Dauriat publia de lui une œuvre d’imagination, que Lucien de Rubempré exalta et attaqua successivement ; la critique acerbe visait uniquement l’éditeur. Nathan fit aussi représenter alors un « imbroglio », joué sur la scène du Panorama-Dramatique, sous ce titre : l’Alcade dans l’embarras[2] ; il signa de son simple prénom de Raoul ; il avait un collaborateur, Cursy (M. du Bruel). La pièce réussit. Vers le même temps, il supplanta Lousteau, amant de Florine, l’une de ses principales interprètes. Raoul fréquentait, vers cette même époque, Émile Blondet, qui lui écrivait une lettre datée des Aigues (Bourgogne), dans laquelle il dépeignait les Montcornet et racontait leurs difficultés locales. Raoul Nathan, de toutes les compagnies joyeuses et dissipées, fut, avec Giroudeau, Finot et Bixiou, témoin de Philippe Bridau épousant madame J.-J. Rouget ; se montra chez Florentine Cabirolle, quand les Marest et Oscar Husson s’y produisirent, et apparut souvent, rue Saint-Georges, dans la maison d’Esther van Gobseck, fréquentée déjà par Blondet, Bixiou et Lousteau. Raoul, à cette époque, s’occupait beaucoup de presse et se piquait de royalisme. L’avènement de Louis-Philippe ne diminua pas le cercle étendu de ses relations. La marquise d’Espard l’accueillait. Ce fut chez elle qu’il entendit médire de Diane de Cadignan, au grand mécontentement de Daniel d’Arthez, également présent. Marie de Vandenesse, nouvellement mariée, remarqua Nathan, beau d’une laideur artiste, inculte et élégant avec irrégularité, en plein épanouissement de sa gloire littéraire ou galante. Raoul résolut d’exploiter la situation. Bien que devenu républicain, il caressa très volontiers l’idée de posséder une femme de l’aristocratie. La conquête de madame la comtesse de Vandenesse l’aurait vengé du mépris témoigné par lady Dudley ; mais, tombé entre les mains des usuriers, acoquiné avec Florine, domicilié d’une façon piteuse, dans un passage entre les rues Basse-du-Rempart et Neuve-des-Mathurins[3], retenu souvent rue Feydeau, dans les bureaux d’un journal qu’il avait fondé, Raoul échoua près de la comtesse, que Vandenesse parvint même à ramener à lui, en se servant fort habilement de Florine elle-même. Dans les premières années du règne de Louis-Philippe, Nathan donna un drame bruyant et brillant, dont les deux collaborateurs étaient M. et madame Marie Gaston, désignés seulement sur l’affiche par des étoiles. Il avait fait jouer, dans sa jeunesse, à l’Odéon, une pièce romantique genre Pinto[4], à une époque où le classique régnait en maître ; et le théâtre avait été si rudement agité pendant trois jours, que la pièce fut défendue. Plus tard, il donnait au Théâtre-Français, un grand drame qui tombait « avec tous les honneurs de la guerre, aux salves d’articles foudroyants ». En 1837-1838, Vanda de Mergi lut un nouveau roman de Nathan intitulé la Perle de Dol. Le souvenir de ses intrigues mondaines poursuivait encore Nathan, lorsqu’il rendit, si difficilement, à M. de Clagny, qui le lui réclamait, un billet imprimé, annonçant la naissance de Melchior de la Baudraye, en ces termes : « Madame la baronne de la Baudraye est heureusement accouchée d’un fils ; M. Étienne Lousteau a l’honneur de vous en faire part ». Nathan rechercha, du reste, la société de madame de la Baudraye, qui recueillit de lui, rue de Chartres-du-Roule, chez Béatrix de Rochefide, pour l’arranger en nouvelle, certain récit, plus ou moins conté à la manière de Sainte-Beuve, sur les bohèmes et leur prince, Rusticoli de la Palférine. Raoul cultiva également la société de la marquise de Rochefide, et, un soir d’octobre 1840, une avant-scène des Variétés réunit Canalis, Nathan, Béatrix. Partout reçu, familier du boudoir de Marguerite Turquet, Raoul entendit, au milieu d’un groupe formé par Bixiou, la Palférine et maître Cardot, narrer par maître Desroches comment Cérizet usa d’Antonia Chocardelle, afin de « refaire » Maxime de Trailles. Nathan se maria sur le tard avec Florine sa maîtresse, née réellement Sophie Grignault (Illusions perdues. — Splendeurs et Misères des Courtisanes. — Les Secrets de la Princesse de Cadignan. — Une Fille d’Ève. — Mémoires de Deux Jeunes Mariées. — L’Envers de l’Histoire contemporaine. — La Muse du Département. — Un Prince de la bohème. — Un Homme d’Affaires. — Les Comédiens sans le savoir).

Nathan (Madame Raoul), femme du précédent, née Sophie Grignault, en 1805, dans la Bretagne. Elle était d’une beauté parfaite ; son pied seul laissait à désirer. — Elle aborda, fort jeune, la double carrière de la galanterie et du théâtre, sous le nom, devenu célèbre, de Florine. Les premiers temps de cette existence restèrent obscurs. Madame Nathan, comparse de la Gaîté (1820), eut six amants, avant de prendre Étienne Lousteau, qu’on lui connut dans l’année 1821. Elle était liée alors avec Florentine Cabirolle, Claudine Chaffaroux, Coralie et Marie Godeschal. Elle possédait aussi un entreteneur, le droguiste Matifat, et logeait rue de Bondy, où, après un éclatant succès au Panorama-Dramatique[5], à côté de Coralie et de Bouffé, elle recevait magnifiquement des diplomates et Lucien de Rubempré, Camusot, etc. Florine changea bientôt, avec avantage, d’amoureux, de domicile, de théâtre, de protecteur : Nathan, qu’elle épousa plus tard, vers le milieu du règne de Louis-Philippe, remplaça Lousteau ; la rue Hauteville[6], la rue de Bondy ; le Gymnase, le Panorama. Engagée au théâtre du boulevard Bonne-Nouvelle, elle y retrouva son ancienne rivale, Coralie, contre qui elle organisa une cabale ; se distingua par le luxe de ses toilettes, et successivement s’attacha l’opulent Dudley, Désiré Minoret, M. des Grassins, banquier saumurois, M. du Rouvre ; elle ruina même les deux derniers. La fortune de Florine grandit encore pendant la monarchie de Juillet. Son association avec Nathan servit également leurs intérêts mutuels : le poète imposait l’actrice, qui savait, d’ailleurs, se rendre redoutable par son esprit d’intrigue et l’âpreté de ses saillies. Qui ne connut point son hôtel de la rue Pigalle ! En effet, madame Nathan fréquenta ou coudoya Coralie, Esther la Torpille, Claudine du Bruel, Euphrasie, Aquilina, madame Théodore Gaillard, Marie Godeschal ; admit ou fêta Émile Blondet, Andoche Finot, Étienne Lousteau, Félicien Vernou, Couture, Bixiou, Rastignac, Vignon, F. du Tillet, Nucingen, Conti. Les œuvres de Bixiou, F. Souchet, Joseph Bridau, H. Schinner ornaient son appartement — Marie de Vandenesse, vaguement éprise de Nathan, aurait détruit ces joies et cette splendeur, sans le dévouement de la maîtresse de l’écrivain, d’une part, et l’intervention de Vandenesse, de l’autre : Florine, ayant définitivement reconquis Nathan, ne tarda pas à l’épouser (La Muse du Département. — Illusions perdues. — Splendeurs et Misères des Courtisanes. — Les Employés. — La Rabouilleuse. — Ursule Mirouet. — Eugénie Grandet. — La Fausse Maîtresse. — Un Prince de la Bohème. — Une Fille d’Ève. — Les Comédiens sans le savoir).

Navarreins (Duc de), né vers 1767, gendre (en premières noces) du prince de Cadignan ; père d’Antoinette de Langeais ; parent de madame d’Espard ; cousin de Valentin ; accusé de « hauteur ». — Il protégea M. du Bruel (Cursy) débutant dans l’administration ; eut une affaire contre les hospices, confiée aux soins de maître Derville ; fit décorer et nommer receveur Polydore de la Baudraye, pour « avoir quitus » d’une dette contractée pendant l’émigration ; tint un conseil de famille en compagnie des Grandlieu et des Chaulieu, quand sa fille se compromit à la porte de Montriveau ; accueillit Victurnien d’Esgrignon ; posséda, près de la Ville-aux-Fayes, sous-préfecture de l’Auxerrois, des biens immenses, respectés des Gaubertin, Rigou, Soudry, Fourchon, Tonsard, ennemis de Montcornet ; accompagna madame d’Espard au bal de l’Opéra, lorsque Jacques Collin et Lucien de Rubempré « intriguèrent » la marquise ; vendit cinq cent mille francs aux Graslin ses terres et sa forêt de Montégnac, près de Limoges ; connut Fœdora par l’entremise de Valentin ; fréquenta la princesse de Cadignan, après la mort de leur beau-père commun, dont il avait eu peu à se louer, en particulier dans des règlements de comptes. Le duc de Navarreins avait, à Paris, son hôtel rue du Bac (La Rabouilleuse. — Le Colonel Chabert. — La Muse du Département. — Histoire des Treize : la Duchesse de Langeais. Le Cabinet des Antiques. — Les Paysans. — Splendeurs et Misères des Courtisanes. — Le Curé de Village. — La Peau de Chagrin. — Une Ténébreuse Affaire. — Les Secrets de la Princesse de Cadignan. — La Cousine Bette).

Nègrepelisse (De), famille remontant aux croisades, connue déjà du temps de Saint-Louis ; nom de la branche cadette de « l’illustre famille » d’Espard, porté, sous la Restauration, dans l’Angoumois, par le beau-père de M. de Bargeton, M. de Nègrepelisse, vieux gentilhomme campagnard, imposante figure, un des derniers représentants de l’ancienne noblesse française, maire de l’Escarbas, pair de France, commandeur de l’ordre de Saint-Louis. — Nègrepelisse survécut, de quelques années, à son gendre, qu’il accueillit, quand Anaïs de Bargeton se rendit à Paris dans l’été de 1821 (L’Interdiction. — Illusions perdues).

Nègrepelisse (Comte Clément de) né en 1812 ; petit-cousin du précédent, qui lui laissa son titre. — Il était l’aîné des deux fils légitimes du marquis d’Espard. Il fit ses études au collège Henri IV et habita Paris pendant la Restauration, ainsi que son frère, sous le toit paternel, rue de la Montagne-Sainte-Geneviève. Le comte de Nègrepelisse fréquenta peu sa mère, la marquise d’Espard, installée, seule, faubourg Saint-Honoré (L’Interdiction).

Negro (Marquis di), noble Génois, « frère hospitalier de tous les talents qui voyagent », était, dans l’année 1836, chez le consul général de France, à Gênes, quand Maurice de l’Hostal conta, devant Damaso Pareto[7], Claude Vignon, Léon de Lora et Félicité des Touches, la séparation, le rapprochement, l’histoire entière du couple Octave de Bauvan (Honorine).

Népomucène, enfant abandonné ; petit domestique de madame Vauthier, gérante-concierge de la maison du boulevard Montparnasse habitée par les familles Bourlac et Mergi. — Népomucène portait habituellement une blouse déguenillée, et, en guise de souliers, des chaussons ou des sabots. Il cumulait son service chez madame Vauthier avec un travail quotidien dans les chantiers de bois du voisinage, et, pendant l’été, les dimanches et les lundis, servait chez les marchands de vin de la barrière (L’Envers de l’Histoire contemporaine).

Néraud, l’un des médecins de Provins pendant la Restauration. — Il ruina sa femme, veuve de l’épicier Auffray, qui l’avait épousé par amour et à laquelle il survécut. Homme taré, compétiteur du docteur Martener, Néraud fut du parti de Gouraud et de Vinet, représentants de l’opinion libérale, et soutint peu contre les Rogron leur pupille Pierrette Lorrain, petite-fille d’Auffray (Pierrette).

Néraud (Madame), femme du précédent. — Mariée d’abord à l’épicier Auffray, âgé de soixante-cinq ans, elle n’en avait que trente-huit lorsqu’elle devint veuve ; presque aussitôt elle épousa le médecin Néraud. De son premier mariage, elle eut une fille qui fut la femme du major Lorrain et la mère de Pierrette. Madame Néraud mourut de chagrin, dans la misère, deux ans après son second mariage. Les Rogron, issus du premier lit du vieil Auffray, l’avaient presque entièrement dépouillée (Pierrette).

Nicolas. — V. Montauran (marquis de).

Nicolle, vieux domestique adjoint à Jacquotte, la servante du docteur Benassis (Le Médecin de Campagne).

Ninette, née en 1832, « rat » de l’Opéra de Paris, était connue de Léon de Lora et de J.-J. Bixiou, qui la montraient à Gazonal en 1845 (Les Comédiens sans le savoir).

Niolland (L’abbé), très bon élève de l’abbé Roze. Caché pendant la Révolution chez M. de Nègrepelisse, près de Barbezieux, il fit l’éducation de Marie-Louise-Anaïs (plus tard madame de Bargeton) et lui apprit la musique, l’italien, l’allemand. — Il mourut en 1802 (Illusions perdues).

Niseron, curé de Blangy (Bourgogne) avant la Révolution ; prédécesseur de l’abbé Brossette en cette cure ; oncle de Jean-François Niseron. — Il fut amené, par une espiègle et innocente indiscrétion de la fille de son neveu, comme par l’influence de dom Rigou, à déshériter les Niseron au profit de mesdemoiselles Pichard, gouvernantes-maîtresses installées auprès de lui (Les Paysans).

Niseron (Jean-François), bedeau, sacristain, chantre, sonneur et fossoyeur de la paroisse de Blangy (Bourgogne), sous la Restauration ; neveu et unique héritier du curé Niseron ; né en 1751. — Il acclama la Révolution ; fut le type idéal du républicain, une sorte de Michel Chrestien aux champs ; dédaigna froidement la famille Pichard, qui lui prit la succession à laquelle, seul, il avait droit ; eut une vie de pauvreté et d’abandon ; respecté, néanmoins, il était du parti de Montcornet représenté par Brossette ; leur adversaire, Grégoire Rigou, l’estimait, le craignait même. — Jean-François Niseron perdit successivement sa femme, ses deux enfants et ne garda, près de lui, sur ses vieux jours, que Geneviève, fille naturelle de son fils décédé, Auguste (Les Paysans).

Niseron (Auguste), fils du précédent ; soldat de la République et de l’Empire ; canonnier (1809), séduisit, près de Zahara, une Monténégrine, Zéna Kropoli, qui mourut, à Vincennes, au commencement de 1810, en lui donnant une fille. Il ne put ainsi réaliser son dessein de l’épouser. Il périt, lui-même, sous Montereau, pendant l’année 1814, tué d’un éclat d’obus (Les Paysans).

Niseron (Geneviève), fille naturelle du précédent et de la Monténégrine Zéna Kropoli ; née en 1810, appelée Geneviève ainsi qu’une tante paternelle ; orpheline dès l’âge de quatre ans, fut élevée dans la Bourgogne par son aïeul Jean-François Niseron. Elle avait la beauté de son père et l’étrangeté de sa mère. Ses protectrices, mesdames de Montcornet et Michaud, lui donnèrent le surnom de Péchina, et, pour la préserver des poursuites de Nicolas Tonsard, la placèrent dans un couvent d’Auxerre, où elle put apprendre la couture et oublier Justin Michaud, qu’elle aimait inconsciemment (Les Paysans).

Noël, greffier de Jean-Jules Popinot, à Paris, en 1828 ; époque où le juge interrogea le marquis d’Espard, dont la femme demandait l’interdiction (L’Interdiction).

Noswell (Mistress), Anglaise riche et excentrique, descendue à Paris, vers le milieu du règne de Louis-Philippe, à l’hôtel Lawson ; acheta chez Fritot, après bien des hésitations, le châle, dit Sélim, d’une vente prétendue « impossible » (Gaudissart II).

Nouastre (Baron de), émigré ; du plus pur sang noble. — Il revint, ruiné, en 1800, à Alençon, avec sa fille, âgée de vingt-deux ans, reçut asile chez le marquis d’Esgrignon, et mourut deux mois après, consumé par les chagrins. — Le marquis épousa l’orpheline, un peu plus tard (Le Cabinet des Antiques).

Nourrisson (Madame) fut d’abord, sous l’Empire, dans Paris, attachée au service du prince d’Ysembourg. — La vue des désordres d’une grande mondaine de l’époque décida de la profession lucrative de madame Nourrisson, qui se mit revendeuse à la toilette, rue Neuve-Saint-Marc ; on la connut, aussi, maîtresse de maisons de tolérance. D’étroites relations, prolongées pendant plus de vingt ans avec Jacqueline Collin, firent prospérer ce double commerce. Les deux matrones échangeaient volontiers, quelquefois, noms et enseignes, ressources et profits. Ce fut dans la boutique de « défroques » de la rue Neuve-Saint-Marc que Frédéric de Nucingen marchanda Esther van Gobseck. Vers la fin du règne de Charles X, l’un des établissements de madame Nourrisson, situé rue Sainte-Barbe, était géré par la Gonore ; du temps de Louis-Philippe, un autre, clandestin, existait près du « pâté dit des Italiens[8] » ; on y surprit Valérie Marneffe et Wenceslas Steinbock. Madame Nourrisson, première de nom, n’en conservait pas moins ses magasins de la rue Saint-Marc, puisque, pendant l’année 1845, elle y donnait des détails sur madame Mahuchet devant un auditoire composé du trio Bixiou, Lora, Gazonal, et leur contait sa propre histoire en leur livrant le secret de ses débuts déjà lointains (Splendeurs et Misères des Courtisanes. — Le Comte de Sallenauve. — La Cousine Bette. — Les Comédiens sans le savoir).

Nouvion (Comte de), gentilhomme revenu ruiné de l’émigration, chevalier de Saint-Louis, habitait Paris en 1828 et vivait alors de la charité délicatement déguisée de son ami le marquis d’Espard, qui, le faisant surveiller, 22, rue de la Montagne Sainte-Geneviève, la publication de l’Histoire pittoresque de la Chine, l’associait aux produits possibles de l’ouvrage (L’Interdiction).

Noverre, célèbre danseur, né à Paris (1727-1807), fut le client « peu sûr » du drapier Chevrel, patron de la Maison du Chat qui pelote, beau-père et prédécesseur de Guillaume (La Maison du Chat qui pelote).

Nucingen (Baron Frédéric de), né, probablement à Strasbourg, vers 1767. — Il y fut, d’abord, commis de M. d’Aldrigger, banquier alsacien. Plus avisé que son patron, il ne crut pas au succès de l’empereur en 1815 et spécula fort adroitement sur la bataille de Waterloo. Nucingen opérait déjà seul, pour son propre compte, dans Paris et ailleurs ; il préparait ainsi lentement la maison fameuse de la rue Saint-Lazare[9] et fondait les assises d’une fortune, qui, sous Louis-Philippe, atteignit presque dix-huit millions. À cette époque, il épousa l’une des deux filles d’un riche vermicellier, mademoiselle Delphine Goriot, dont il eut une fille, Augusta, mariée dans la suite à Eugène de Rastignac. Des premières années de la Restauration date sa réelle splendeur, fruit d’une association avec les Keller, Ferdinand du Tillet et Eugène de Rastignac pour « le coup » des mines de Wortschin, que suivirent d’opportunes liquidations, d’habiles banqueroutes. Ces diverses combinaisons ruinèrent les Ragon, les Aiglemont, les Aldrigger, les Beaudenord. Pendant cette période encore, Nucingen, quoique se disant bruyamment franc bourbonien, éconduisit, implorant du crédit, César Birotteau dont il connaissait pourtant le royalisme. Une époque exista dans la vie du baron, où il parut changer de nature ; ce fut, lorsque, cessant d’avoir sa danseuse attitrée, il s’amouracha follement d’Esther van Gobseck, inquiéta son docteur, Horace Bianchon, employa Corentin, Georges, Louchard, Peyrade, et devint surtout la proie de Jacques Collin. Après le suicide d’Esther, au mois de mai 1830, abandonnant « Cythère », ainsi que l’avait fait autrefois Chardin des Lupeaulx, Nucingen redevint l’homme du chiffre et fut comblé de faveurs, décorations, pairie, croix de grand-officier de la Légion d’honneur. Nucingen, respecté, considéré, malgré ses naïvetés et son accent germanique, protégea Beaudenord, fréquenta le ministre Cointet ; pénétra partout, écouta, chez mademoiselle des Touches, Marsay revenant sur de vieux souvenirs d’amour ; entendit, devant Daniel d’Arthez, tout le salon de madame d’Espard médire de Diane de Cadignan ; guida Maxime de Trailles entre les mains ou les griffes de Claparon-Cérizet ; invité de Josépha Mirah, se rendit rue de la Ville-l’Évêque. Lorsque Wenceslas Steinbock épousa Hortense Hulot, Nucingen fut, avec Cottin de Wissembourg, le témoin de la jeune fille. Leur père, Hector Hulot d’Ervy, lui emprunta, d’ailleurs, plus de cent mille francs. Le baron de Nucingen assista, comme parrain, Polydore de la Baudraye, promu pair de France. Ami de Ferdinand du Tillet, il était l’un des familiers du boudoir de Carabine, et, un certain soir de 1845, on l’y vit, ainsi que Jenny Cadine, Gazonal, Bixiou, Léon de Lora, Massol, Claude Vignon, Trailles, F. du Bruel, Vauvinet, Marguerite Turquet, les Gaillard de la rue Ménars (La Maison Nucingen. — Le Père Goriot. — Pierrette. — César Birotteau. — Illusions perdues. — Splendeurs et Misères des Courtisanes. — Autre Étude de femme. — Les Secrets de la Princesse de Cadignan. — Un Homme d’Affaires. — La Cousine Bette. — La Muse du Département. — Les Comédiens sans le savoir).

Nucingen (Baronne Delphine de), femme du précédent ; née en 1792, blonde, fille gâtée de l’opulent vermicellier Jean-Joachim Goriot ; par sa mère (morte jeune), petite-fille d’un fermier. — Elle fit, dans les dernières années de l’Empire, un mariage d’argent, comme elle le désirait vivement. Madame de Nucingen eut, d’abord pour amant Henri de Marsay, qui finit par l’abandonner brutalement. Réduite, sous Louis XVIII, à la société de la Chaussée-d’Antin, elle ambitionnait d’être admise dans le faubourg Saint-Germain, où pénétrait sa sœur aînée, madame de Restaud. Eugène de Rastignac lui ouvrit le salon de madame de Beauséant, sa cousine, rue de Grenelle, en 1819, et devint son amant, à la même époque. Leur liaison dura plus de quinze années. Un appartement de la rue d’Artois, installé par Jean-Joachim Goriot, abrita leurs premières amours. Ayant alors confié à Rastignac une certaine somme pour la jouer au Palais Royal, la baronne sut, avec le gain, se libérer d’une dette humiliante envers Marsay. Sur ces entrefaites, elle perdit son père ; l’équipage de Nucingen suivit le convoi, mais vide (Le Père Goriot). Madame de Nucingen reçut beaucoup, rue Saint-Lazare. — Auguste de Maulincour y vit Clémence Desmarets ; Adolphe des Grassins y rencontra Charles Grandet (Histoire des Treize : Ferragus, chef des Dévorants. — Eugénie Grandet). César Birotteau, venant implorer du crédit chez Nucingen, et Rodolphe Castanier, immédiatement après son faux, se trouvèrent aussi en présence de la baronne (César Birotteau. — Melmoth réconcilié). Durant cette période, madame de Nucingen prit la loge d’Opéra qu’avait occupée Antoinette de Langeais, croyant, sans doute, disait madame d’Espard, qu’elle en aurait les grâces, l’esprit et le succès (Illusions perdues. — L’Interdiction). D’après Diane de Cadignan, Delphine eut, en allant à Naples par mer, une affreuse traversée dont elle rapporta un souvenir des plus pénibles (La Dernière Incarnation de Vautrin). La baronne témoigna d’une indulgence hautaine et moqueuse, lorsque son mari s’éprit d’Esther van Gobseck (Splendeurs et Misères des Courtisanes). Oubliant ses origines, elle rêvait de voir sa fille Augusta devenir duchesse d’Hérouville ; mais les Hérouville, connaissant la source trouble des millions de Nucingen, refusèrent cette alliance (Modeste Mignon. — La Maison Nucingen). Peu de temps après 1830, invitée chez Félicité des Touches, la baronne y revit Marsay et l’écouta raconter une ancienne histoire d’amour (Autre Étude de femme). Delphine aida de quarante mille francs Marie de Vandenesse et Nathan, pendant leurs amours tourmentées : elle se souvenait, en effet, d’avoir subi des épreuves analogues (Une Fille d’Ève). Vers le milieu de la monarchie de Juillet, madame de Nucingen, belle-mère d’Eugène de Rastignac, fréquenta madame d’Espard et vit, faubourg Saint-Honoré, Maxime de Trailles et Ferdinand du Tillet (Le Député d’Arcis).

Nueil (De), propriétaire de l’ancien domaine des Manerville, qui, sans doute, revint à son fils cadet, Gaston (La Femme abandonnée).

Nueil (Madame de), femme du précédent, survécut à son mari et à l’aîné de ses fils, devint comtesse douairière de Nueil, eut plus tard le domaine de Manerville et s’y retira. Elle était le type de la mère de famille calculatrice, réglée, correctement mondaine. Elle maria Gaston et fut ainsi la cause involontaire de sa mort (La Femme abandonnée).

Nueil (De), fils aîné des précédents, mourut poitrinaire sous Louis XVIII, et laissa le titre du comte de Nueil à son cadet, le baron Gaston (La Femme abandonnée).

Nueil (Gaston de), fils et frère du précédent, né vers 1799, de bonne extraction et de convenable situation de fortune. — Il vint, en 1822, à Bayeux, où il avait des relations de famille, pour se refaire des fatigues parisiennes, eut la chance de forcer la porte condamnée de Claire de Beauséant, retirée dans les environs depuis le mariage de Miguel d’Ajuda-Pinto avec Berthe de Rochefide, l’aima, en fut aimé, et, pendant près de dix ans, vécut maritalement avec elle, soit en Normandie, soit en Suisse. Albert Savarus, dans la nouvelle autobiographique, l’Ambitieux par amour, les montra, vaguement, installés au bord du lac de Genève. Après la Révolution de 1830, Gaston de Nueil, déjà riche d’herbages normands qui rapportaient dix-huit mille francs de revenu, épousa mademoiselle Stéphanie de la Rodière. Lassé de son ménage, il voulut renouer avec madame de Beauséant. La hautaine résistance de son ancienne maîtresse exaspéra Nueil, qui se tua (La Femme abandonnée. — Albert Savarus).

Nueil (Madame Gaston de), née Stéphanie de la Rodière vers 1812, personne très insignifiante, épousa, dans le commencement du règne de Louis-Philippe, Gaston de Nueil, à qui elle apporta quarante mille francs de rente. — Elle fut enceinte après le premier mois de son mariage. Devenue comtesse de Nueil, par suite de la mort de son beau-frère, et abandonnée par Gaston, elle continua d’habiter la Normandie. Madame Gaston de Nueil survécut à son mari (La Femme abandonnée).


  1. Contrairement à la marche suivie, dans le Répertoire, pour l’ordre et la disposition des biographies, Nanon a été classée à cette place, en raison de son tardif mariage avec Cornoiller.
  2. Mélodrame comique.
  3. Certainement le passage Sandrié, qui commençait au numéro 38 de la rue Basse-du-Rempart, pour finir au numéro 5 de la rue Neuve-des-Mathurins.
  4. Drame de Népomucène Lemercier ; d’après Labitte, « la première œuvre du théâtre renouvelé ».
  5. Sur la scène du boulevard du Temple, madame Nathan (Florine) toucha désormais huit mille francs d’appointements.
  6. Aujourd’hui, rue Hauteville[sic].
  7. Ou, peut-être, Paceto (Damaso), à qui, dans tous les cas, est dédié le Message (histoire du couple Montpersan).
  8. Sans doute la place Boïeldieu actuelle.
  9. Cette maison devait être située dans la partie de la rue Saint-Lazare avoisinant la fin de la rue de Châteaudun actuelle.