Confitou/Chapitre VIII

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VIII


Le lendemain, en passant devant le jeu de boules qui bordait un des côtés du petit Champ de Mars, Raucoux-Desmares songea à la bataille qui s’était livrée là, la veille, contre son fils…

Bien que le professeur eût toujours montré une grande affection pour Confitou, nous savons combien, au fond, il le connaissait peu.

Entre temps, Confitou lui avait paru de caractère assez réservé. Ce n’était pas de la sournoiserie, certes ! mais il lui eût souhaité souvent un peu plus d’abandon.

À la vérité, Confitou était un mystère pour tout le monde, excepté pour sa mère. Ils avaient toujours été très près l’un de l’autre ; et nous avons vu que c’était bien cela qui épouvantait, depuis la guerre, le professeur… La petite âme de Confitou était-elle avec nous ou avec les autres ?

Que la question pût seulement être posée, cela était une chose à déchirer le cœur d’un brave homme, et Raucoux-Desmares était ce brave homme-là.

Pour consoler son père désespéré de ce que son fils eût consenti à « faire le Boche », Confitou avait trouvé tout seul un mot très reluisant sur le courage du Français ; et Raucoux-Desmares, sur le coup de l’émotion qu’avait dégagé ce mot-là, avait embrassé l’enfant avec transport, mais depuis il avait réfléchi et il trouvait surtout Confitou très malin.

Certes, cet enfant aimait bien son père et sa mère, et il ne voulait faire de la peine ni à l’un ni à l’autre. Depuis la déclaration de guerre, et quand il se trouvait en face d’eux, ce devait être sa principale, peut-être son unique préoccupation. Il disait certaines choses à son père, sachant qu’il lui ferait plaisir, mais Raucoux-Desmares ignorait ce que Confitou racontait à sa mère quand il restait seul avec elle…

Le professeur se dirigeait vers la mairie où M. Clamart l’avait fait prier de passer « quand il aurait un moment ». Avant d’y atteindre, et en quittant le Champ-de-Mars, Raucoux-Desmares dut traverser une place ombragée de marronniers où se dressait le kiosque central pour la musique municipale, et un petit kiosque pour les journaux. Le kiosque des journaux se trouvait adossé à une haie et près de cette haie était un banc. Après avoir acheté les journaux du matin qui venaient d’arriver, Raucoux-Desmares s’assit un instant sur le banc pour jeter hâtivement un coup d’œil sur les dernières nouvelles. Tout à coup, il entendit ces mots, prononcés par Confitou :

— Et moi, je te dis que les Allemands ne sont pas plus méchants que les autres, c’est le kaiser qui est méchant et aussi le kronprinz, qui est une vraie teigne. Celui-là, maman dit qu’il est fou !

Raucoux-Desmares se retourna. À travers les branches, il vit son fils qui s’entretenait avec Gustave, le garçon du café de la Terrasse.

Ce garçon de café pouvait bien avoir treize ans. C’était le fils du bourrelier. Confitou avait fait sa connaissance lorsque Freda, pour la fête de son fils, avait acheté un petit âne et une petite voiture d’osier. On était allé chez le bourrelier, pour choisir des harnais. Mais dans ce temps-là, Gustave, mal habillé, les cheveux en désordre, pleins de suif, sentait le vieux cuir et la graisse, travaillait au fond d’une échoppe obscure et Confitou le plaignait. La guerre avait changé tout cela. Le père de Gustave était parti pour le front. La boutique et l’échoppe avaient été fermées et Gustave était devenu garçon de café. À lui tout seul, il remplaçait Auguste et Victor, l’équipe des garçons de la « Terrasse », qui, eux aussi, étaient partis pour la guerre. Maintenant Gustave était magnifique. D’abord on l’avait débarbouillé. Ensuite, sa grand’mère le frisait tous les matins au petit fer pour qu’il eût, sur le front, des boucles retombantes comme en ont, dans les grands cafés de province, les garçons de café. Enfin, comme disait Confitou il était « en habit » toute la journée.

Au fait, il n’était qu’en smoking, si l’on peut s’exprimer ainsi en parlant d’un veston de première communion. Le gilet ouvert laissait voir un plastron volant en pointe qui ne parvenait point à cacher tout à fait la chemise de flanelle grise. Ce plastron était fermé comme une vraie chemise par deux petits boutons en os ; Gustave avait une petite cravate noire très étroite nouée, en forme d’X, sous son menton. Jusque-là, il était habillé comme un homme du monde. À partir de la ceinture, il était vêtu comme un garçon de café, c’est-à-dire qu’il avait un long tablier blanc qui lui descendait sur les souliers, qui l’enveloppait sur les hanches, et qui se croisait sur son petit derrière.

Gustave avait toujours, sur le bras ou jetée négligemment sur l’épaule, une serviette. On ne pouvait pas être plus garçon de café que Gustave, surtout lorsque, ayant fini de servir un client, et ayant déposé sur la table de marbre les bouteilles et les consommations, il revenait sur le seuil de l’établissement, tapotant son genou avec le grand plateau vide et jetant sur la place des Marronniers un regard de grande personne qui sait ce que c’est que la vie et qui s’intéresse aux choses et aux gens qui passent.

Gustave regardait surtout s’il n’y avait pas là quelqu’un pour l’admirer. Ce matin-là, il y avait Confitou.

Ce ne sera pas un des moindres résultats de cette guerre que celui qui aura consisté à donner à des enfants l’occasion de se montrer des hommes avant l’âge, et le sentiment prématuré de leur responsabilité et de leur importance.

Gustave avait ce sentiment-là autant que quiconque, et il ne le cachait pas à Confitou qui l’écoutait généralement avec extase parler des difficultés du métier et des manies des clients. Gustave lui montrait aussi ses jetons en lui expliquant l’usage qu’il en faisait et le travail de la caisse. Gustave faisait aussi de l’œil à la caissière qui était une personne assez forte, avec une belle perruque acajou, mais il n’en disait rien à Confitou qui était encore trop jeune pour comprendre ces choses-là. Cependant il condescendait à causer avec lui sur la politique, quand l’occasion s’en présentait, ou à discuter les communiqués. C’était Gustave qui était chargé de coller sur la vitre la copie de la dépêche Havas et le mouvement de curiosité qui suivait toujours son geste n’avait pas peu contribué à lui donner une haute opinion de lui-même et des fonctions que la destinée, en ces heures héroïques, lui avait dévolues.

Les derniers communiqués faisaient allusion aux ravages que les troupes allemandes accomplissaient sur leur route sanglante ; d’où, évidemment, la discussion dont le professeur Raucoux-Desmares, par hasard, venait de percevoir quelques bribes. La phrase de son fils lui fut, du reste, douloureuse à entendre. En même temps, une grande curiosité s’empara de lui. Il allait enfin connaître l’opinion de Confitou ! Et ce que celui-ci ne lui avait jamais dit, Confitou allait certainement le confier à son ami Gustave.

Raucoux-Desmares, derrière la haie, et feignant toujours de lire son journal, se plaça de façon à ne rien perdre de la scène. Malheureusement elle fut interrompue par l’arrivée de M. Méringot, le gros marchand de blé et de farine (les moulins Méringot) qui pénétra dans le café désert, et demanda les journaux et un café crème.

— Un café crème, un ! cria Gustave en courant à l’office.

Il en revint presque aussitôt avec un grand plateau, une soucoupe et un verre ; de l’autre main, il tenait la grande cafetière, car Gustave était aussi « verseur ». Il posa le tout sur le buffet qui se trouvait auprès de la caisse et ouvrit le tiroir au sucre. Il compta trois morceaux qu’il disposa dans une petite sébile de métal sur le grand plateau, jeta un coup d’œil de côté à la caissière, moins, cette fois, pour la séduire que pour constater qu’elle ne le regardait pas, et fit disparaître subrepticement dans sa bouche un quatrième morceau, cependant que, de l’autre main, il refermait le tiroir d’une manière retentissante…

Après quoi, il fit, à la caisse, d’un geste dégagé, l’échange des jetons de cuivre, saisit son plateau et sa cafetière, trouva encore le moyen d’emporter avec lui la crème, servit le client « en cinq secs », et revint trouver Confitou.

Raucoux-Desmares avait suivi le manège et se félicita d’avoir attendu, car il pensait bien que la conversation allait reprendre. Ce fut encore Confitou qui exposa ses idées :

— Je les connais bien, moi, les Allemands ; je suis allé souvent en Allemagne, tu penses bien. J’y ai des parents qui ne sont pas plus méchants que ton oncle et ta tante. J’y ai un oncle aussi, l’oncle Moritz, qui me donne tout ce que je veux et la tante Lisé qui fait tout ce que je veux, et le cousin Fritz qui est rigolo comme tout, et qui passe son temps à manger des petits pains et des délicatesses, et à boire des moss dans les gross concerts, car il aime bien la musique aussi ! Il est, du reste, fabricant de musique à Dresde, et il a dans sa boutique toutes sortes d’instruments avec lesquels il voulait me faire peur, mais il n’est pas méchant ! L’oncle Moritz aussi me fait boire de la bière et la tante Lisé me donne des confitures plein une malle, chaque fois que je vais chez elle. C’est la guerre, mais je suis sûr qu’ils font comme maman : ils doivent pleurer !… et tout ça à cause de l’empereur et de ce sale kronprinz ! C’est de leur faute, aussi aux boches ; pourquoi qu’ils ne sont pas, comme nous, en République ?

Raucoux-Desmares s’étonnait de ce que Gustave laissât parler si longtemps Confitou sans l’interrompre, mais il en trouva bientôt la raison en regardant la joue que lui présentait le profil de Gustave. Cette joue avait une fluxion dont il n’était pas difficile de deviner la cause. Gustave n’osait remuer la bouche de peur que l’on ne s’aperçût de son larcin et, ne pouvant croquer le morceau de sucre, il le laissait fondre. Quand celui-ci fut fondu, il dit :

— Moi aussi j’en ai connu des Allemands et je n’ai pas eu besoin d’aller en Allemagne pour ça ! Il y en avait assez en France, Il y en avait une demi-douzaine à Saint-Rémy que tu as connus aussi bien que moi et qui sont partis quelques jours avant la guerre. On dit que c’étaient des espions. Tous les Allemands sont des espions !

— Non, pas tous ! dit Confitou.

— Tu dis ça parce que ta mère est Allemande.

— Ma mère déteste la guerre, c’est tout ce que je peux te dire, et je suis sûr que si elle tenait le kaiser et le kronprinz, elle leur arracherait les yeux. Ça serait bientôt fait, va !

— Eh bien ! moi, je mets tous les boches dans le même tonneau ! Tu n’as qu’à lire les journaux, mais tu es trop petit ! Tu verrais que c’est tous les Allemands qui ont voulu la guerre !

— Non, pas tous ! Bien sûr que je suis assez grand pour lire les journaux. Je les lis tous !… Maman dit que ça n’est pas vrai ! Elle dit comme ça que c’est le parti de la guerre qui a voulu la guerre. Oh ! elle m’a bien expliqué tout ça !… et le parti de la guerre, c’est l’empereur et le kronprinz !… Et encore, qu’elle m’a dit, c’est moins l’empereur que le kronprinz qui voudrait déjà être à la place de son père pour régner, et qui le pousse à la guerre pour le faire tuer, bien sûr !…

— Ça, c’est salaud ! dit Gustave ; du reste, c’est tous des salauds !

— Non, pas tous !… C’est ce que maman disait : « Ton oncle, ta tante, tes cousins, tu les connais, c’est des bonnes gens, et puis tu connais leurs amis, ça n’est pas des ogres ! Ils n’ont jamais voulu te manger ! » Vois-tu, Gustave, c’est les autres qui sont des salauds !… Il faut être juste !

— Si l’on était juste, dit Gustave, on guillotinerait les brigands qui mettent le feu dans les villages et assassinent les paysans sans défense… Du reste, c’est tous des brigands !…

— Non, pas tous ! pas tous ! se récria encore Confitou, têtu… Mais ça ne profitera pas aux autres, va ! car nous leur flanquerons une bonne pile, nous autres, les Français !…

À ce moment, trois clients arrivèrent, discutant chacun son plan qu’il voulait substituer à celui de l’État-Major.

Ils commandèrent un vermout-cassis, un amer curaçao, et un bitter à Veau de Seltz.

— Voilà l’heure de la « presse », fit Gustave. Je n’ai plus le temps de bavarder avec les enfants ! Au revoir, Confitou.

— Au revoir, Gustave ! Dis donc, tu n’as pas vu les Clamart et les Lançon ?

— Si, je les ai vus, ils ont passé ce matin pendant que j’arrosais la terrasse… On a même parlé de toi…

— Ah ! bien, dit Confitou. Ils t’ont dit qu’ils devaient jouer avec moi à la guerre. On a rendez-vous au jeu de boules…

— Oui, je sais… mais ne les attends pas ;… ils m’ont dit qu’ils ne voulaient plus jouer avec toi parce que tu n’étais pas Français !

Et il courut à l’appel du timbre que faisait nerveusement sonner Mlle Amélie, la belle caissière aux cheveux acajou.

Raucoux-Desmares, derrière son journal, n’avait pu retenir une sourde exclamation de colère contre « ces petits misérables » qui torturaient ainsi son fils et qui le faisaient souffrir si cruellement lui-même. Mais il contint son courroux et ne bougea pas, anxieux de ce qui allait se passer. Il lui était impossible de voir la figure de Confitou. L’enfant lui tournait le dos, immobilisé, semblait-il, par le coup que lui avait porté Gustave.

Enfin, comme Gustave ne reparaissait pas, Confitou se décida à quitter la Terrasse ; longeant les murs il prit tout de suite par de petites ruelles qui conduisaient aux champs. Il allait très lentement, les mains dans les poches, ses petites épaules courbées dans un geste qu’il avait vu souvent à son père, la tête basse, tout replié sur lui-même, morne, et sans doute, réfléchissant si profondément qu’il n’entendait pas, derrière lui, les pas de Raucoux-Desmares.

Chose curieuse, le professeur se félicitait maintenant de ce qui venait d’arriver. Il lui paraissait que jamais il n’avait été aussi près de son fils ; c’était la même douleur qu’ils traînaient tous deux dans l’ombre des murs, l’un derrière l’autre. Et puis, le hideux propos de Gustave, en bouleversant Confitou, pensait le professeur, avait révélé l’enfant à lui-même. Il lui fallait un coup pareil pour le faire sortir de sa coutumière façon de voir et de sentir, qui avait été si bien préparée par la mère et aussi (Raucoux-Desmares ne devait pas l’oublier) par le bel équilibre des conceptions paternelles d’avant la guerre.

Confitou allait enfin comprendre que, depuis quelques semaines, on vivait dans un temps nouveau où il fallait choisir. C’était terrible, car Confitou, très intelligent, comprenait certainement que choisir, pour lui, c’était choisir entre son père et sa mère, qu’il aimait tous deux (mais il avait, bien entendu, une tendresse toute particulière pour sa mère). Quoi qu’il en fût, Confitou, lui non plus, ne pouvait plus « rester neutre ».

Il venait de voir ce que ça lui valait de ne point détester les Allemands (en dehors du kaiser et du kronprinz que sa mère lui avait abandonnés) ; on lui disait : qu’il n’était pas Français.

Suprême injure et intolérable tourment ! espérait Raucoux-Desmares. Oui, sa souffrance suivait celle de son fils en souhaitant que, l’enfant fût déchiré. Il regardait ces petites épaules, lourdes du poids nouveau d’une douleur sacrée ; il crut percevoir — et avec quelle angoisse heureuse — qu’un sanglot les soulevait. Il s’était rapproché de l’enfant. Confitou devait entendre ses pas ! Pourquoi ne se retournait-il point ? Parce qu’il avait honte, sans doute, de montrer à un passant son petit visage inondé de larmes ! Raucoux-Desmares, étreint par une émotion qu’il ne pouvait plus contenir, ouvrit les bras pour y recevoir son fils et appela :

— Confitou !

Confitou se retourna, et dit :

— Tiens, papa !… qu’est-ce qu’il y a, papa ?

Confitou ne sanglotait pas. Confitou ne pleurait pas. Ses yeux étaient très secs et son petit visage très fermé. Raucoux-Desmares laissa retomber ses bras et dit :

— Rien ! Confitou… Il n’y a rien !… Seulement, je suis étonné qu’après ce que nous t’avons dit hier, ta mère et moi, tu sortes tout seul de la maison… tu sais que c’est défendu !

— Pourquoi ? demanda Confitou.

— Parce que nous ne voulons pas que tu nous reviennes en sang comme la dernière fois…

— En voilà une affaire ! déclara Confitou qui fronçait terriblement les sourcils.

— Et puis, entends-tu bien, Confitou ! je ne veux plus que tes petits camarades te reprochent d’avoir une mère allemande !…

— Ça, on ne peut pas les empêcher de parler, mais on n’a qu’à ne pas le dire à maman ; comme ça, ça ne lui fera pas de chagrin !…

— Et à toi, est-ce que ça te fait du chagrin, quand on te dit que ta mère est allemande ?

Confitou leva son petit front soucieux et jeta un rapide coup d’œil vers son père comme pour se rendre compte du sentiment dans lequel une question aussi insolite venait de lui être posée…

Il répondit lentement, posément :

— Pourquoi veux-tu que ça me fasse du chagrin, puisque c’est vrai ? Et puis, c’est pas un crime ! et c’est pas de sa faute !

— Et à toi, demanda Raucoux-Desmares, la voix légèrement tremblante, on ne t’a jamais dit que tu n’étais pas Français ?

Cette fois, Confitou tressaillit et répondit précipitamment…

— Ça, jamais ! Ils n’oseraient jamais !…

— Qu’est-ce que tu leur ferais !…

— Je te dis qu’ils n’oseraient pas !…

— Ah !…

Il y eut un court silence entre le père et le fils. Tous deux s’examinaient du coin de l’œil avec embarras. Mais l’embarras du père était plus grand que celui de Confitou. Confitou avait repris tout son sang-froid. Il le fallait. Jamais il n’en avait eu plus besoin. Toute son attitude disait : « attention ! c’est pas le moment de gaffer ! » Cependant, il y a des limites à la prudence, et Confitou oublia toute diplomatie dès que son père eut nommé ses petits camarades. Là, il laissa voir vraiment un morceau de son cœur.

— Tu attends peut-être les petits Lançon pour jouer ?

— Moi ! s’écria-t-il… Moi, je n’attends personne pour jouer ! et je n’ai besoin de personne pour jouer !… On s’amuse bien mieux tout seul !…

— Mais enfin, qu’est-ce que tu fais par ici ?…

— Je me promène !… je me promène !… puisque les Lançon se cachent !… Ils ont peur de jouer avec moi à la guerre !

— Tu aimes bien jouer à la guerre ?

— Oh ! oui ! mais les Lançon, je les déteste !

— Et les petits Clamart ?

— Je les déteste aussi !…

— Et les petits Dieudonné ?…

— Je les déteste ! Je les déteste tous ! fit Confitou en fermant ses petits poings…

— Et pourquoi ?

— Ah ! c’est comme ça ! c’est parce que je ne les aime pas !…

Son père ne put lui « tirer » autre chose. Il le renvoya à la maison et se dirigea vers la mairie où M. Clamart devait l’attendre. Raucoux-Desmares était consterné : « C’est bien simple, se disait-il, Confitou déteste tous les petits Français !… »

Il se promettait de recommander à la Génie Boulard de surveiller désormais les escapades de Confitou et de lui fermer toutes les portes. Mais Confitou, comme on dit, « pouvait sortir sans sa bonne ».