Constitution du Canton d’Argovie de 1803

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CHAPITRE II.
Constitution du Canton d’Argovie.

TITRE PREMIER
Division du Territoire, et État politique des Citoyens.
Article I.er

LE canton d’Argovie est divisé en dix districts ; savoir, Zoffingen, Koulm, Arau, Brougg, Lentsbourg, Zurzach, Bremgarten, Mury, Baaden (à l’exception des villages de Dietikon, Schlieren, Oetwill et Hutikon qui font partie du canton de Zurich), Lauffenbourg et Rhinfelden ; ces deux derniers districts composant la totalité du Fricktal.

Arau est le chef-lieu du canton.

Les dix districts sont divisés en quarante-huit cercles. Les citoyens se réunissent, quand il y a lieu, en assemblées de commune et en assemblées de cercle.

II.

Pour exercer les droits de citoyen dans une assemblée de commune ou de cercle, il faut, 1.o être domicilié depuis un an dans le cercle ou dans la commune ; 2.o être âgé de vingt ans et marié ou l’avoir été, ou avoir trente ans si l’on n’a pas été marié ; 3.o être propriétaire ou usufruitier d’un immeuble de la valeur de 200 francs de Suisse, ou d’une créance de 300 francs hypothéquée sur un immeuble ; 4.o si l’on n’était pas ci-devant bourgeois de l’une des communes du canton, payer à la caisse des pauvres de son domicile une somme annuelle, qui sera réglée par la loi, selon la valeur des propriétés de la commune et dont le minimum sera de 6 francs et le maximum de 180 francs : néanmoins, pour la première élection, il suffira de payer trois pour cent du prix du dernier contrat d’acquisition de la bourgeoisie.

Sont exceptés de cette quatrième condition les ministres du culte et les chefs de famille nés en Suisse, pères de quatre enfans agés de plus de seize ans, inscrits dans les milices et ayant un métier ou un établissement.

III.

Moyennant la somme payée annuellement à la caisse des pauvres, ou le capital de cette somme, on devient copropriétaire des biens appartenant à la bourgeoisie, et on a droit aux secours assurés aux bourgeois de la commune.

Les étrangers ou les citoyens suisses d’un autre canton qui, après avoir rempli le temps de domicile et les diverses conditions fixées par la loi, veulent devenir citoyens du canton d’Argovie, peuvent être assujettis à payer le capital au denier-vingt de la somme annuelle à laquelle a été évaluée la copropriété des biens de la bourgeoisie de leur domicile ; ce qui est fixé par un acte particulier de la commune.

TITRE II.
Pouvoirs publics.
IV.

Il y a dans chaque commune une municipalité composée d’un syndic, de deux adjoints et d’un conseil municipal, de huit membres au moins, et de seize au plus. Les officiers municipaux demeurent en place six années ; ils sont renouvelés par tiers, et rééligibles.

La loi détermine les attributions de chaque municipalité, concernant 1.o la police locale ; 2.o la répartition et la perception de l’impôt ; 3.o l’administration particulière des biens de la commune et de la caisse des pauvres, et les détails d’administration générale dont elle peut être chargée.

Elle détermine, de plus, les fonctions particulières aux syndics, aux adjoints et aux conseils municipaux.

V.

Il y a dans chaque cercle un juge de paix : il surveille et dirige les administrations des communes de son arrondissement.

Il préside les assemblées du cercle, et il en a la police.

Il est conciliateur des différens entre les citoyens, officier de police judiciaire chargé de l’enquête préliminaire en cas de délit ; et il juge, avec des assesseurs, les affaires civiles de peu de valeur. La loi détermine chacune de ses attributions.

VI.

Un grand conseil, composé de cent cinquante députés, nommés pour cinq ans, ou à vie dans les cas déterminés par l’article XIV, exerce le pouvoir souverain : il s’assemble le premier lundi de mai dans la ville d’Arau ; et sa session ordinaire est d’un mois, à moins que le petit conseil n’en prolonge la durée.

Le grand conseil, 1.o accepte ou rejette les projets de loi qui lui sont présentés par le petit conseil ;

2.o Il se fait rendre compte de l’exécution des lois, ordonnances et réglemens ;

3.o Il reçoit et arrête les comptes de finances que lui présente le petit conseil ;

4.o Il fixe les indemnités des fonctionnaires publics ;

5.o Il approuve l’aliénation des domaines du canton ;

6.o Il délibère les demandes de diètes extraordinaires, nomme les députés aux diètes et leur donne des instructions ;

7.o Il vote au nom du canton.
VII.

Un petit conseil, composé de neuf membres du grand conseil, lesquels continuent à en faire partie, et sont toujours rééligibles, a l’initiative des projets de loi et d’impôt ;

Il est chargé de l’exécution des lois et ordonnances : à cet effet, il prend les arrêtés nécessaires ; il dirige et surveille les autorités inférieures et nomme ses agens ;

Il rend compte au grand conseil de toutes les parties de l’administration, et il se retire lorsqu’on délibère sur sa gestion et sur ses comptes ;

Il dispose de la force armée pour le maintien de l’ordre public ;

Il peut prolonger la durée des sessions ordinaires du grand conseil, et en convoquer d’extraordinaires.

VIII.

En matière civile et criminelle, il y a des tribunaux de première instance, dont les membres sont indemnisés par les plaideurs. La loi détermine le nombre de ces tribunaux, leur organisation et leur compétence.

IX.

Un tribunal d’appel, composé de treize membres, prononce en dernier ressort.

Il ne peut juger en matière criminelle qu’au nombre de neuf ; et, s’il s’agit d’un délit emportant une peine capitale, qu’au nombre de treize : il appelle des hommes de loi au besoin.

La loi détermine la forme de procéder, et la durée des fonctions des juges.

X.

Un tribunal, composé d’un membre du petit conseil et de quatre membres du tribunal d’appel, prononce sur le contentieux de l’administration.

TITRE III.
Mode d’Élection, et Conditions d’Éligibilité.

Les officiers municipaux sont nommés par l’assemblée de la commune, entre les citoyens âgés de trente ans, et propriétaires ou usufruitiers d’un immeuble de la valeur de 500 francs, ou d’une créance de la même somme hypothéquée sur un immeuble.

XII.

Les juges de paix sont nommés par le petit conseil, entre les citoyens ayant une propriété ou une créance de 1000 francs dans la même nature de biens.

XIII.

Les places au grand conseil sont données par l’élection immédiate, ou par l’élection et le sort, de la manière suivante :

Les citoyens qui habitent dans l’étendue d’un cercle, forment une assemblée qui ne peut avoir lieu qu’en vertu d’une convocation ordonnée quinze jours d’avance par le juge de paix, et publiée sept jours d’avance par chaque municipalité,

L’assemblée de chaque cercle fait trois nominations : 1.o Elle nomme dans l’arrondissement de son district un député qui entre au grand conseil sans l’intervention du sort. L’âge de trente ans est la seule condition d’éligibilité pour cette première nomination. Le juge de paix président de l’assemblée ne peut être nommé dans son cercle.

2.o Elle nomme trois candidats hors de son territoire, parmi les citoyens propriétaires ou usufruitiers d’un immeuble de plus de 20 000 francs, ou d’une créance de la même valeur hypothéquée sur des immeubles ; et pour cette seconde nomination il suffit d’être âgé de 25 ans.

3.o Elle nomme deux candidats hors de son territoire, parmi les citoyens âgés de plus de cinquante ans ; et pour cette dernière nomination il suffit d’avoir une propriété, un usufruit ou une créance hypothécaire de 4 000 francs en immeubles.

Les deux cent quarante candidats sont réduits par le sort à cent deux, qui réunis aux quarante-huit députés nommé immédiatement par les cercles, forment les cent cinquante membres du grand conseil.

XIV.

Les membres du grand conseil de la seconde et de la troisième nomination n’appartiennent à aucun cercle.

Ceux de la seconde nomination sont à vie, s’ils ont été, dans la même année, présentés par quinze cercles.

Ceux de la troisième sont également à vie, si trente cercles les ont présentés dans la même année.

XV.

Les membres du grand conseil de la première nomination peuvent être indemnisés par leurs cercles ; les fonctions des autres sont gratuites.

XVI.

Pour les places de deuxième et troisième nomination qui viennent à vaquer au grand conseil dans l’intervalle de cinq années, le sort désigne, entre les candidats qui sont restés sur la liste, laquelle se renouvelle tous les cinq ans.

XVII.

Si, à l’époque du renouvellement périodique, il se trouve au grand conseil plus de cinquante membres à vie, le surplus est ajouté au nombre de cent cinquante ; de manière qu’à chacune des élections générales il entre au grand conseil, au moins, cinquante-deux citoyens de la classe des propriétaires fonciers de vingt mille francs, ou de l’âge de plus de cinquante ans.

XVII.

Le président du grand conseil est choisi, à chaque session, parmi les membres du petit conseil : il ne vote point lorsqu’il s’agit des comptes et de la gestion de ce conseil.

Il n’assiste pas aux délibérations du petit conseil durant sa présidence.

XIX.

Les membres du petit conseil sont nommés par le grand conseil pour six ans ; ils sont renouvelés par tiers : le premier acte de nomination désignera ceux qui sortiront à la fin de la seconde et de la quatrième année.

Pour être éligible, il faut être propriétaire, usufruitier ou créancier hypothécaire de la valeur de neuf mille fr. en immeubles.

Le petit conseil élit son président tous les mois.

XX.

Les membres des tribunaux de district sont nommés par le petit conseil sur une liste triple présentée par le tribunal d’appel. On ne peut les choisir que parmi les propriétaires, usufruitiers ou créanciers hypothécaires de la valeur de trois mille francs en immeubles.

XXI.

Ceux du tribunal d’appel sont nommés par le grand conseil ; et, outre la condition de propriété exigée pour le petit conseil, il faut qu’ils aient exercé, pendant cinq ans, des fonctions judiciaires, ou qu’ils aient été membres des autorités supérieures.

TITRE IV.
Dispositions générales, et Garanties.
XXII.

Tout Suisse habitant du canton d’Argovie est soldat.

XXIII.

Les assemblées de cercle ne peuvent, dans aucun cas, correspondre, soit entre elles, soit avec un individu ou une corporation hors du canton.

XXIV.

La liberté pleine et entière du culte catholique et du culte protestant, est garantie.

Est pareillement garantie la faculté de racheter les dîmes et cens à leur juste valeur.