Contes populaires d’Afrique (Basset)/112

La bibliothèque libre.
E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 286-289).

LXII. — NYASSA[1]

112

HISTOIRE DE L’HOMME QUI ÉTAIT UN TROMPEUR[2]


Un homme arriva à un certain village et rencontra plusieurs jeunes filles à qui il demanda :

— Où allez-vous ?

— Nous allons à un mariage ; voulez-vous nous accompagner ?

L’homme accepta d’aller avec elles, et ils partirent tous ensemble.

Quand ils arrivèrent au village où ils allaient, ils entrèrent tous dans le parc à bétail, se mirent a danser et, à la fin du jour, ils se séparèrent pour aller dormir dans diverses huttes.

Il arriva que le lendemain matin, tous allèrent dans les roseaux et y restèrent. Les chefs du village préparèrent la fête du mariage en tuant plusieurs bêtes. Les filles furent alors rappelées et, de nouveau, se mirent à danser jusqu’à ce que la viande fût partagée.

Lorsque chaque groupe eut reçu sa part de viande, on la porta dans la hutte des filles. Alors celles-ci demandèrent à l’homme qui était arrivé avec elles de venir faire cuire leur part. Il obéit et la fit cuire dans deux pots hors de la hutte. Pendant ce temps, toutes les jeunes femmes et les filles étaient dans la hutte.

Alors l’homme fit semblant d’être malade et se coucha. Une des jeunes filles sortit et, le voyant couché, lui demanda :

— Qu’y a-t-il ?

Il répondit :

J’ai très mal à la tête.

La jeune fille rentra dans la hutte où étaient les autres. L’homme se leva, découvrit les pots dans lesquels cuisait la viande et la mangea toute, en sorte que les os restèrent seuls. Puis il se recoucha.

Ensuite trois des filles sortirent et lui demandèrent :

— Est-ce que la viande est prête, maintenant ?

— Je ne sais pas, dit-il : je n’ai pas vu.

Elles allèrent découvrir les pots qui contenaient la viande et voici qu’on n’y voyait plus que les os. Toutes furent très étonnées et s’écrièrent :

— On a mangé la viande ; il ne reste plus que les os.

Là-dessus, elles demandèrent à l’homme :

— Où est la viande ?

— Je n’en sais rien : j’étais couché et je me suis endormi.

Les jeunes filles s’en allèrent et dirent aux autres qui étaient dans la hutte :

— Sortez ; on a mangé toute la viande.

Elles sortirent et firent leurs adieux aux hommes, aux femmes et aux jeunes gens du village :

— Portez-vous bien, dirent-elles : on a mangé toute notre viande.

Les gens furent très étonnés et répliquèrent :

— Adieu, bon voyage. Saluez vos gens chez vous.

Alors les jeunes filles sortirent du village et reprirent la route de leur demeure en chantant en chemin. L’homme partit aussi avec elles.

Elles poursuivirent leur route et traversèrent une rivière. L’homme se détourna et dit :

— Je vais suivre cette route, adieu.

Quand elles l’eurent quitté, il s’arrêta et les appela :

— Écoutez.

— Écoutons, dirent les jeunes filles : l’homme crie après nous.

Il continua :

— J’ai mangé votre viande.

— Oh ! dirent-elles, nous avions fait notre compagnie d’un méchant homme. Il a mangé toute notre viande.

Elles arrivèrent à leur demeure et saluèrent leurs gens.

C’est fini.



  1. Le Nyassa est parlé sur les bords du grand lac de ce nom.
  2. Elmslie, Folklore tales of Central-Afrika, Folk-lore, t. III. Londres, D. Nutt, 1892, in-8, p. 97-99.