Contes populaires d’Afrique (Basset)/18

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E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 53-55).

IV. — HAOUSSA

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HISTOIRE DE L’HOMME, DE SES DEUX FEMMES ET DE SES CHIENS[1].


Un homme dit à ses deux femmes :

— Je vais dans la forêt ; si j’attache mes deux chiens, que personne ne les lâche. Il ajouta :

— La femme qui déliera mes chiens à mon insu, je la répudierai à mon retour et elle reviendra chez les siens.

Il possédait de beaux chiens, grands et petits ; il les attacha dans sa maison. Il prit sa flûte, sa gibecière et sa hache et s’en alla dans la forêt. Il marcha, il marcha ; le dragon le vit et s’avança vers lui. L’homme s’enfuit et monta sur un arbre, un grand arbre ; il prit sa flûte et en joua. Les chiens qui étaient dans la maison, entendant le son de la flûte, bondirent et aboyèrent. Une des femmes dit en voyant cela :

— Qu’est-il arrivé à ces chiens pour bondir et aboyer ainsi ? Je vais les lâcher.

L’autre femme répondit :

— Non, ne les lâche pas ; tu lui as entendu dire : Que personne ne lâche mes chiens quand j’irai dans la forêt.

L’autre reprit :

— Je les détacherai.

La seconde ajouta :

— Si tu les lâches, il se fâchera contre toi quand il reviendra et tu t’en iras dans ta famille.

— Peu m’importe, je les détacherai.

— Va, dit la seconde, détache-les, je n’ai plus rien à te dire.

La femme alla lâcher tous les chiens qui partirent pour la forêt : ils arrivèrent sur le dragon qui arrachait les racines de l’arbre ; il les avait toutes enlevées excepté une qui maintenait l’arbre sur lequel était l’homme. En arrivant, le grand chien saisit le monstre par derrière et le terrassa ; les autres le tuèrent ; leur maître, rempli de joie, descendit de l’arbre. Il revint à la maison et dit :

— Qui a lâché mes chiens ?

La seconde femme dit :

— C’est elle qui les a détachés, bien que je l’eusse avertie de ne pas le faire.

Le mari reprit :

— Va-t’en ; je ne t’aime plus ; si elle n’avait pas détaché les chiens, je serais mort à présent. Va-t’en, je ne t’aime plus.

Il répudia celle qui n’avait pas délié les chiens et laissa l’autre rester dans la maison tandis qu’il renvoyait sa compagne. Il vécut avec une femme et ses chiens dans sa maison. C’est fini.



  1. Schœn, Magana Hausa, Londres, 1885, in-16, p. 151-152 ; R. Basset, Contes haoussas, Mélusine, t. III, 1886-1887, col. 225.