Contes populaires d’Afrique (Basset)/28

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E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 75-77).
IX. — KOUNAMA[1].

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LA SOURIS ET LA GRENOUILLE[2].


La souris et la grenouille vivaient ensemble et étaient voisines. Un jour la seconde dit à l’autre :

— On m’a invitée à une noce ; garde ma provision de mil pendant mon absence.

— Non, répondit la souris ; je ne garderai pas ton grain.

— Ne suis-je donc pas ton amie ? demanda la grenouille ; n’es-tu pas ma voisine ? tu dois veiller sur ma provision.

— Bon, dit la souris ; je garderai tes graines.

La grenouille se mit en route.

Un lézard vivait dans la provision de mil. Un jour que la souris était sortie pour voler, elle le remarqua et lui dit :

— Ne dis pas que je viens prendre du mil, et je t’épouserai en récompense.

— Bien, dit le lézard ; la souris vola du grain et s’en alla.

Quelques jours après, la grenouille revint de la noce et, en inspectant son logis, elle ne trouva plus son grain.

— Comment as-tu gardé ma provision. dit-elle à la souris ; n’est-ce pas toi qui l’as volée ?

— Je n’ai rien volé ; le lézard est mon témoin.

— Bon, allons le voir.

— C’est cela, dit la souris, allons voir le lézard.

En arrivant, la grenouille demanda :

— Lézard, sais-tu ou ne sais-tu pas si la souris a emporté mon grain ?

La souris dit à son tour :

— Mon cher voisin et ami, as-tu vu ou as-tu appris que j’aie volé le grain de la grenouille ? Parle.

— Je n’ai ni vu ni appris que la souris ait volé le grain de la grenouille, dit le lézard, et il fit un serment.

La souris avait un témoin, la grenouille n’en avait pas : elle perdit. Elles revinrent ensemble toutes les deux.

Le lézard, qui croyait à la promesse de la souris, se prépara à l’épouser : il prit une belle lance, un beau bouclier, une belle épée, un beau poignard, de beaux habits et se présenta.

— Qui est là ? demanda la souris.

— Moi, le lézard.

— Que viens-tu faire ici ?

— Je suis venu t’épouser.

— Toi, fils de sot, tu viens m’épouser ! répliqua la souris. Va-t’en épouser la fille d’un imbécile comme toi.

— Sotte, fille de sot ! quand tu m’en donnerais à plein panier, cela ne signifierait rien ; rends le grain de la grenouille, répondit le lézard ; puis il s’en alla.



  1. Le Kounama est parlé au nord-ouest et à l’ouest de l’Abyssinie.
  2. Reinisch, Die Kunama Sprache, fasc. I, Vienne, 1881, in-8, Tempsky, p. 87-90.