Contes populaires d’Afrique (Basset)/3

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E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 4-8).
II. — COPTE

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GUÉRISON D’UN AVEUGLE PAR S. COLUTHUS[1].

(Le commencement manque).


Je t’accorderai, dit saint Coluthus, la guérison de tes yeux : tu ne seras pas inquiet qu’elle te manque pour te diriger.

— Je veux, dit l’homme, trouver une femme récemment accouchée pour accomplir l’œuvre qui m’a été ordonnée par saint Coluthus. La femme lui dit :

— Je remplirai tes yeux du lait de mes seins.

L’homme dont les yeux étaient malades reprit :

— Fais-moi cette charité ; tu vois mon tourment et mon affliction.

Le mari de cette femme lui dit, car il n’y croyait pas :

— N’agis pas ainsi, de peur qu’il ne manque pas de gens qui se moquent de toi.

— Ils se moqueraient de moi, reprit-elle, et pourquoi ? Par la foi de ma noblesse et par la doctrine de mes ancêtres, je crois que si je remplis ses yeux du lait de mes seins, il sera guéri par la vertu de saint Coluthus. Elle ajouta :

— Est-ce que jamais l’on a trouvé à railler chez moi ? Ai-je jamais été amie du plaisir ? A-t-on jamais dit en soi-même que quelqu’un en dehors de mon mari ait eu des rapports avec moi ? Aujourd’hui, je vous prends à témoins, vous tous qui m’entendez ! Je vous jure, par saint Coluthus, par l’offrande des chrétiens, par les tourments que le Christ a soufferts sur la croix, que je n’ai eu de commerce avec aucun homme depuis que je suis mariée et depuis que je suis sortie du sein de ma mère ; je suis venue à mon mari seulement. Si jamais je me suis unie dans ma chair avec un étranger, que le Seigneur ne m’exauce pas au temps de ma détresse !

Alors, ayant pris de son lait, elle en remplit les yeux de l’homme en disant :

— Au nom de la puissance de saint Coluthus, le véritable médecin !

Alors les yeux versèrent de l’eau en grande quantité.

Quand les yeux de l’aveugle furent nettoyés, il les ouvrit en disant :

— Je crois en toi, saint Coluthus et, au même moment, il cria à ses gens :

— Voici que j’ai recouvré la vue, si bien que j’y vois un peu !

La femme lui dit :

— Laisse-moi les remplir une autre fois.

L’homme, en la bénissant, lui répondit :

— Le Seigneurie te protégera tant que ses mains te toucheront.

Elle lui remplit une seconde fois les yeux qui rejetèrent une eau abondante. Il les ouvrit de nouveau, regarda çà et là et dit :

— Cette fois, en vérité, je vois bien.

Peu après, la femme lui dit encore :

— Laisse-moi les remplir une autre fois, je crois que tu guériras. Elle fit sur tout son corps et sur ses seins le signe de la croix, lui remplit les yeux de lait pour la troisième fois en disant :

— Au nom de Dieu et de saint Coluthus !

Elle ajouta :

— Ferme un peu tes yeux, et que la grâce de Dieu et de saint Coluthus soit avec toi !

Cette noble femme fut fortement confirmée dans sa foi, car elle vit la guérison progressive de cet homme. Bientôt il ouvrit les yeux qui répandirent une quantité de larmes et il vit parfaitement la lumière.

Il se leva, marcha avec une grande joie, lava ses yeux dans un bassin et s’écria à plusieurs reprises :

— Tu es grand ! Je te glorifie, ô Dieu de saint Coluthus ! Car j’ai été jugé digne d’obtenir de voir la lumière comme auparavant.

Tous ceux qui étaient entrés dans la chapelle du martyr, comme ceux qui étaient sortis accoururent et le virent se réjouir fort de voir la lumière.

Le mari, considérant l’injure qu’il avait faite à sa femme, la glorifia et confessa sa faute à saint Coluthus en disant :

— Je suis guéri en corps et en âme, car je suis devenu digne de venir en cet endroit qui est à toi.

Les parents de la femme, ses frères et ses sœurs arrivèrent en se réjouissant, la bénissant et la glorifiant :

— Bénie sois-tu entre les femmes ! dirent-ils, ô notre sœur, notre fille, car aujourd’hui tu as obtenu la gloire de beaucoup d’hommes : tu as confondu la multitude des gens et des femmes par ta noblesse. O notre fille, la foule avait pensé te prendre en faute à cause de la noblesse de ta race, de ta douceur, de ton doux langage. À ce moment saint Coluthus a manifesté la gloire de sa grandeur et de sa noblesse par l’étendue des guérisons qu’il a faites chez ceux qui étaient malades et qui ont cru en lui.

Ensuite, chacun s’en alla à sa demeure. Ils honorèrent la chapelle de saint Coluthus, mangèrent et burent en cet endroit et revinrent chez eux en glorifiant Dieu et saint Coluthus.



  1. Georgi, De Miraculis Sancti Coluthi, Rome, 1795, in-4o, p. 17.