Contes populaires d’Afrique (Basset)/4

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E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 8-11).

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THÉODOSE ET DENYS[1]


Au temps de notre saint père, l’archevêque Apa Kyros, qui était comme un père sur Constantinople et à qui les rois étaient soumis, les grands de la ville se rassemblèrent dans le palais du roi avec notre père Apa Kyros. Ils s’entretinrent avec lui et lui dirent :

— Nous n’avons pas trouvé de roi qui nous garde ; nous sommes comme des brebis qui n’ont pas de pasteurs.

— Notre père Apa Kyros leur répondit : Demain matin, dimanche, nous nous rassemblerons tous dans l’église et nous prierons Dieu pour cette affaire.

Il y avait deux pauvres journaliers étrangers, du pays d’Égypte ; l’un se nommait Théodose et l’autre Denys. Le premier eut un songe et dit à son ami :

— Celui qui me l’expliquera, je travaillerai pour lui pendant une journée et je ferai, sans salaire, sa tâche de briquetier.

Je me suis vu en songe comme si j’étais dans un champ ; il y avait là une grande quantité de brebis, des animaux et du bétail. Je vis que les habitants de cet endroit, les animaux et le bétail venaient tous devant moi ; ils se prosternaient et m’adoraient. Je vis aussi un agneau à la mamelle qui m’oignait avec de l’huile. Il me revêtit d’un vêtement d’honneur et d’une stole de couleur d’or. Il me donna une arme dans la main gauche et un sceptre dans la main droite ; il me plaça sur un trône et tous les gens me célébraient. Un homme rayonnant vint à moi et me donna une foule de clefs. Je ne pouvais les tenir et je les remis dans tes mains, Denys.

Celui-ci lui répondit :

— D’après le songe que tu as eu, Dieu te fera peut-être roi et tu me donneras les clefs de tes greniers.

— Lève-toi, lui dit Théodose, que nous allions au travail, car nous sommes oisifs outre mesure.

Denys lui dit :

— Lève-toi, allons à l’église, voir le roi que l’on établit sur nous pour que tous les gens le révèrent.

Ils se levèrent, allèrent à l’église et se placèrent derrière la foule à cause de la misère où ils étaient.

Quand arriva le moment du Trisagios, voici qu’un aigle descendit du ciel, tenant dans ses serres une couronne de pierreries et de perles, avec un bâton d’or et d’ivoire sur lequel était l’emblème de la croix. L’aigle qui les portait était plus resplendissant qu’un soleil : on le nomme Raphaël, archange vénérable qui tient la trompe pleine de joie, il entraîna Théodose et le mit sur le trône. Tout le monde cria : Kyrie eleison ! Théodose est devenu roi !

Quand il fut roi, Théodose oublia Denys et ne pensa plus à lui à cause de la misère où il vivait. Lorsque deux ans furent passés, Denys prit les outils avec lesquels ils faisaient les briques, les attacha à une corde et les porta sur sa nuque. Il alla à la porte du palais, appela un eunuque du roi et lui dit :

— Porte ceci à Théodose, car c’est un souvenir des anciens rois.

L’autre les porta au prince. Celui-ci ouvrit le paquet et trouva les outils avec lesquels il travaillait et sur lesquels étaient son nom et celui de son ami.

Il se leva de son trône, alla vers Denys et lui dit :

— Pardonne-moi, saint père.

Il le fit entrer dans son palais et ils déjeunèrent ensemble.

Tous les religieux se réunirent, allèrent trouver Théodose et lui dirent :

— Crée-nous un évêque, car notre père Apa-Kyros est mort.

Il prit Denys par la main et fit de lui un archevêque qui devint le père de son église.



  1. Erman, Bruchstüke der koptischen folkslitteratur, Berlin, 1897, in-4, p. 26.