Contes populaires d’Afrique (Basset)/74
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LE LIÈVRE ET LES MOINEAUX[1].
e lièvre, le plus malin des animaux, alla
un jour demander à Dieu de le rendre
plus fin. Pour le congédier, Dieu lui dit
d’abord d’aller remplir de moineaux une gourde
et de revenir. Le lièvre se rendit près d’une fontaine
et y passa sa journée en méditation. Quand
le soir fut venu, les oiseaux, que la chaleur du
jour avait forcés de se cacher, sortirent pour se
rafraîchir ; les moineaux, spécialement, vinrent
voltiger, gazouiller près de la source et s’y désaltérer. Le lièvre se dit tout bas :
— Voilà l’occasion de les attraper !
Il saute, et, faisant semblant de discuter :
— Non, non, dit-il : oui, oui ; pardonnez-moi, jamais, ça n’aura pas lieu ; c’est impossible ; pourquoi pas ?
Les moineaux, surpris, lui demandèrent le sujet de sa discussion ; il répondit qu’il voulait savoir si sa gourde était assez grande pour les contenir tous :
— Nous y tiendrions sans être gênés, répliquèrent les moineaux : nous sommes si petits.
Aussitôt l’un d’eux entra, un second suivit, puis un troisième ; enfin, tous y trouvèrent place.
Le lièvre, sans perdre de temps, ferma sa gourde et alla trouver l’Être suprême ; mais Dieu, le frappant sur la tête, le renvoya en disant :
— Halte-là ! si j’augmentais ton esprit, tu bouleverserais le monde.
La morale de cette fable est qu’il faut se contenter de sa condition et que l’ambition cause la ruine d’un grand nombre d’hommes.
- ↑ Boilat, Grammaire de la langue woloffe, p. 402-404.