Contes populaires d’Afrique (Basset)/8

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E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 23-24).
II. — Djerba

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CE QUE DEVIENNENT LES VIEILLES LUNES[1]


Un jour Iah’med Ou Sliman n Imiladen suivrait un chemin quand il rencontra un berger qui faisait paître des brebis. Voyant qu’il avait une outre de lait aigre sur ses épaules, il s’approcha de lui.

— Es tu taleb ou non ? lui demanda le berger.

Il répondit que oui parce qu’il avait soif et voulait boire du lait.

— Eh bien, lui dit le berger, je vais t’interroger sur une question. Si tu me réponds, je te donnerai un agneau ; si tu ne me réponds pas, je te tuerai avec ce bâton comme ces gens que tu vois qui sont déjà morts.

— Parle-moi, répliqua Iah’med, je te répondrai.

Le berger lui dit :

— Dis-moi comment il se fait que la lune, la première nuit, apparaît comme un cheveu, puis augmente chaque nuit jusqu’à devenir grande comme une grosse meule de moulin, puis diminue, et, après être redevenue telle qu’elle était, s’enfuit loin de nous, si bien que nous ne la voyons plus jusqu’à ce qu’il en vienne une autre. Où va cette ancienne lune ?

Lorsque Iah’med entendit les paroles du berger, il lui dit :

— Ô ignorant ! tu ne sais donc pas qu’on la pile en petits morceaux pour en faire des étoiles !

— Bien parlé, répliqua le berger : et il lui donna ce qu’il lui avait promis : un agneau et du lait aigre.



  1. A. de Motylinski, Dialogue et textes en dialecte de Djerba. Paris, 1898, in-8, p. 24-27.