Contes secrets Russes/L’anneau enchanté

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Contes secrets Russes (Rousskiia Zavetnia Skazki)
Isidore Liseux (p. 61-72).

XXXII

L’ANNEAU ENCHANTÉ


Dans un village vivaient trois frères qui, ne s’entendant plus, se décidèrent à faire cesser l’indivision. Le bien ne fut point partagé également entre eux : le sort favorisa les deux aînés et n’accorda presque rien au plus jeune. Tous trois étaient célibataires. Se trouvant ensemble dans la rue, ils exprimèrent l’avis qu’il était temps pour eux de se marier. « Vous l’avez belle, » dit le troisième frère à ses aînés, « vous êtes riches et vous vous marierez richement, mais moi que ferai-je ? Je suis pauvre, je n’ai d’autre richesse qu’un υιτ descendant jusqu’au genou. » En ce moment la fille d’un marchand passait à côté du groupe formé par les trois frères ; elle entendit cette conversation et se dit à part soi : « Ah ! si je pouvais épouser ce jeune homme ! Il a un υιτ qui lui descend jusqu’au genou ! » Les frères aînés se marièrent et le plus jeune resta garçon. Mais, rentrée chez elle, la fille du marchand ne songea plus qu’à l’épouser. Plusieurs commerçants la demandèrent en mariage, elle les refusa tous. « Je n’aurai, » dit-elle, « d’autre mari que tel jeune homme. » Ses parents se mirent à la sermonner : « À quoi penses-tu, sotte ? Sois raisonnable ! Comment peut-on épouser un pauvre paysan ? — Ne vous inquiétez pas de cela, » leur répondit-elle, « ce n’est pas vous qui devrez vivre avec lui. » Puis, elle s’aboucha avec une marieuse de profession et l’envoya dire à ce gars de venir demander sa main. S’étant rendue chez le paysan, la marieuse lui dit : « Écoute un peu, mon cher ! Pourquoi lambines-tu ainsi ? Va demander en mariage la fille de tel marchand ; elle t’aime depuis longtemps et sera heureuse de t’épouser. » À ces mots, le moujik mit un sarrau neuf, un bonnet neuf, et alla incontinent trouver le père de la jeune fille. Celle-ci n’eut pas plus tôt aperçu le visiteur, qu’elle reconnut en lui l’homme qui avait un υιτ descendant jusqu’au genou. À force d’instances, elle obtint de ses parents qu’ils consentissent à son union avec ce jeune homme.

La nuit des noces, la mariée constata que le υιτ de son époux n’était pas long comme le doigt. « Ah ! drôle, » vociféra-t-elle, « tu te vantais d’avoir un υιτ descendant jusqu’au genou, qu’est-ce que tu en as fait ? — Ah ! madame mon épouse, tu sais qu’avant notre mariage j’étais fort pauvre ; quand j’ai dû pourvoir aux frais de la noce, je n’avais ni argent ni rien sur quoi je pusse m’en faire prêter, force m’a donc été de mettre mon υιτ en gage. — Et pour quelle somme l’as-tu engagé ? — Pas pour une grosse somme, pour cinquante roubles. — Allons ! c’est bien ; demain j’irai trouver ma mère, je lui demanderai de l’argent et tu dégageras ton υιτ ; il le faut absolument ; sinon, ne remets pas les pieds ici ! » Le lendemain matin, la jeune femme courut dire à sa mère ; « Je t’en prie, matouchka, donne-moi cinquante roubles, j’en ai grand besoin ! — Pourquoi te les faut-il, dis-moi ? — Eh bien ! ma mère, voici pourquoi : mon mari avait un υιτ descendant jusqu’au genou, mais, à la veille de notre noce, le pauvre homme, faute de pouvoir se faire prêter de l’argent sur autre chose, l’a engagé pour cinquante roubles. À présent mon mari a un υιτ qui n’est pas long comme le doigt ; il faut absolument qu’il dégage l’ancien ! » La mère comprit cette nécessité, elle donna cinquante roubles à sa fille, qui alla aussitôt les porter à son mari en lui disant ; « Eh bien ! à présent, cours au plus vite dégager ton ancien υιτ : que d’autres n’en profitent pas ! »

Le jeune homme prit l’argent et partit tout soucieux. « Que vais-je devenir maintenant ? » se demandait-il ; « comment procurer à ma femme un pareil υιτ ? Je vais marcher tant que terre me portera. » Il marchait depuis un temps plus ou moins long quand il rencontra une vieille femme. « Bonjour, grand’mère ! — Bonjour, brave homme ! Où vas-tu comme cela ? — Ah ! grand’mère, si tu savais combien je suis malheureux ! Je ne sais où aller ! — Dis-moi ton malheur, mon cher, je pourrai peut-être y remédier. — Je n’oserais pas le dire ! — N’aie pas peur, ne sois pas honteux, et parle hardiment ! — Eh bien ! grand’mère, voici le fait : je me suis vanté d’avoir un υιτ descendant jusqu’au genou ; la fille d’un marchand a entendu ces paroles et m’a épousé ; mais dès la première nuit qu’elle a passée avec moi, elle s’est aperçue que mon υιτ n’était pas long comme le doigt. Alors elle s’est fâchée : « Qu’as-tu fait de ton grand υιτ ? » m’a-t-elle demandé. Je lui ai répondu que je l’avais engagé pour cinquante roubles. Là-dessus, elle m’a remis cette somme en me disant d’aller le dégager ou, sinon, de ne plus remettre le pied à la maison. Je ne sais pas ce que je vais devenir ! — Donne-moi ton argent, » reprit la vieille, « et je viendrai en aide à ton malheur. » Le paysan lui compta aussitôt les cinquante roubles et reçut en échange un anneau. « Tiens, » dit-elle, « prends cette bague et mets-la seulement à ton ongle. » Le gars obéit ; à l’instant même, son υιτ atteignit la longueur d’une coudée. « Eh bien ! » poursuivit la vieille, « sera-t-il assez long ? — Mais, grand’mère, il ne va pas encore jusqu’au genou. — Tu n’as qu’à faire descendre l’anneau, mon cher. » Il fit glisser la bague jusqu’au milieu de son doigt et il eut soudain un υιτ long de sept verstes. « Eh ! grand’mère, qu’est-ce que je vais en faire ? C’est une calamité qu’un membre de cette dimension-là ! — Remets la bague à ton ongle, ton υιτ n’aura plus qu’une coudée ; à présent, sans doute, tu trouves cette longueur suffisante ! Quand tu te serviras de l’anneau, fais attention à ne jamais dépasser l’ongle. »

Le jeune homme remercia la vieille et reprit le chemin de sa demeure, heureux de penser qu’il ne reparaîtrait pas les mains vides devant sa femme. Après avoir beaucoup marché, sentant le besoin de prendre quelque chose, il s’écarta un peu de la route, s’assit près d’un ruisseau, tira de sa besace quelques petits biscuits, les trempa dans l’eau et se mit à les manger. Ensuite, il se coucha sur le dos et se complut à admirer les effets de l’anneau : il le passa à son ongle ; son υιτ se dressa en l’air à la hauteur d’une coudée, il fit glisser l’anneau jusqu’au milieu du doigt ; son υιτ s’éleva à sept verstes de hauteur ; il retira l’anneau ; le membre recouvra les humbles proportions qu’il avait auparavant. Quand le jeune paysan se fut longuement amusé de la sorte, le sommeil s’empara de lui, mais, avant de s’endormir, il oublia de mettre l’anneau dans sa poche et le laissa sur sa poitrine. Un barine vint à passer en voiture avec sa femme. Apercevant non loin de la route un moujik endormi, sur la poitrine de qui brillait une bague, le gentilhomme fit arrêter et dit à son laquais : « Va prendre l’anneau de ce moujik et rapporte-le-moi. » Le domestique exécuta aussitôt l’ordre de son maître, puis l’équipage se remit en marche. Mais la beauté de l’anneau captiva l’attention du barine. « Regarde un peu, douchenka, comme cette bague est belle, » dit-il à sa femme ; « voyons si elle m’ira. » Et il se passa l’anneau au milieu du doigt : sur-le-champ son υιτ s’allongea, culbuta le cocher en bas de son siège, passa par-dessus l’attelage et s’étendit en avant de la voiture sur une longueur de sept verstes. À cette vue, la barinia consternée cria au laquais : « Retourne vite auprès du paysan, ramène-le ici ! » Le laquais courut éveiller le moujik et lui dit : « Va trouver mon maître, dépêche-toi ! » Pendant ce temps, le paysan cherchait son anneau : « Que le diable t’emporte ! Tu m’as pris mon anneau ? — Ne cherche pas après, » répliqua le laquais, rends-toi auprès de mon maître, c’est lui qui l’a ; ton anneau, mon ami, nous a attiré bien des embarras. » Le paysan ne fit qu’un saut jusqu’à la calèche. « Pardonne-moi, » commença le gentilhomme d’une voix suppliante, « aide-moi dans mon malheur ! — Qu’est-ce que tu me donneras, barine ? — Tiens, voici cent roubles. — Donne-m’en deux cents et je te viendrai en aide. » Le barine donna les deux cents roubles au moujik, qui lui retira l’anneau du doigt. Instantanément le υιτ du gentilhomme redevint ce qu’il était auparavant[1]. La voiture s’éloigna et le paysan retourna chez lui.

Sa femme, l’ayant aperçu par la fenêtre, courut à sa rencontre. « Eh bien ! » lui demanda-t-elle, « l’as-tu dégagé ? — Oui. — Allons, montre-le ! — Viens à la maison, je ne puis pas te le montrer dans la rue. » Dès qu’ils furent arrivés chez eux, la femme ne fit que répéter : « Montre-le ! montre-le ! » Il passa l’anneau à son ongle : son υιτ grandit d’une coudée ; il le sortit de son pantalon en disant : « Regarde, femme ! » Elle commença à l’embrasser : « N’est-ce pas, mon petit homme, qu’il vaut mieux avoir un pareil trésor chez nous que de le laisser à des étrangers ? Dépêchons-nous de dîner, ensuite nous nous coucherons et nous en ferons l’essai ! » Elle couvrit aussitôt la table de plats et de bouteilles. Les deux époux dînèrent, puis se mirent au lit. Après que la femme eut éprouvé la vigueur du membre dont son mari était pourvu, elle ne fit, durant les trois jours suivants, que regarder sous ses jupons : il lui semblait toujours le sentir entre ses jambes ! Elle alla voir sa mère, et pendant ce temps le moujik fut se coucher sous un pommier du jardin. « Eh bien ! » demanda la marchande à sa fille, « vous avez dégagé le υιτ ? — Oui, » répondit la jeune femme, et elle entra à ce sujet dans de longs détails.

En l’écoutant, la marchande n’eut plus qu’une idée : trouver le moyen de s’absenter, pendant la visite de sa fille, et aller chez son gendre pour expérimenter à son tour ce prodigieux engin. Elle réussit à s’esquiver et courut secrètement à la demeure du paysan, qu’elle aperçut dormant dans le jardin ; il avait l’anneau passé à l’ongle et son υιτ se dressait haut d’une coudée. « Je vais me jucher sur son υιτ, » se dit à cette vue la belle-mère. C’est ce qu’elle fit aussitôt. Malheureusement pour elle, l’anneau que le dormeur portait sur l’ongle descendit au milieu du doigt, et la marchande fut tout à coup élevée à sept verstes de hauteur par l’allongement soudain du υιτ. Cependant la fille, ayant remarqué l’absence de sa mère, en soupçonna la cause et revint précipitamment chez elle. Dans la maison, personne ; elle va au jardin, et quel spectacle s’offre à ses regards ? Son mari dormant, le υιτ dressé en l’air, et tout au bout, à peine visible, la marchande qui, dans cette position, tourne au gré du vent comme une girouette. Que faire ? Comment arracher sa mère au danger d’une pareille situation ? Un rassemblement se forme en cet endroit ; c’est à qui trouvera un moyen de salut, chacun donne son avis. « Il n’y a qu’une chose à faire, » disent les uns : « prendre une hache et couper le υιτ. — Non, » répondent les autres, « il ne faut pas faire cela, ce serait tuer deux personnes. Si nous coupons le υιτ, la femme tombera par terre et se brisera tous les membres. Mieux vaut prier Dieu tous ensemble, il fera peut-être un miracle pour sauver la vieille. » Sur ces entrefaites, le dormeur s’éveilla, il s’aperçut qu’il avait l’anneau au milieu du doigt et que son υιτ dressé perpendiculairement sur une longueur de sept verstes le tenait lui-même si fortement pressé contre le sol qu’il n’aurait pas pu seulement se mettre sur l’autre côté. Tout doucement il retira l’anneau ; son υιτ se rapetissa peu à peu, et quand il ne fut plus que d’une coudée, le paysan remarqua que sa belle-mère était dessus. — « Par quel hasard es-tu là, matouchka ? » lui demanda-t-il. — « Pardonne-moi, mon cher gendre, je ne le ferai plus ! »[2].

Autre version

Il y avait un tailleur qui possédait un anneau magique : dès qu’il le mettait à son doigt, son υιτ acquérait un développement extraordinaire. Il lui arriva de travailler chez une dame ; or, c’était un homme très gai et très facétieux : quand il se couchait, il négligeait toujours de couvrir ses parties génitales. La dame remarqua qu’il avait un fort grand υιτ ; désireuse d’éprouver la puissance d’un pareil outil, elle appela le tailleur dans sa chambre[3]. « Écoute, » lui dit-elle, « consens à pécher une fois avec moi ! — Pourquoi pas, madame ? Seulement, c’est à une condition : défense de péter ! Si tu pètes, tu devras me donner trois cents roubles ! — Bien ! » répondit-elle. Ils se mirent au lit : la dame prit toutes les précautions possibles pour ne point péter pendant le coït : elle ordonna à sa femme de chambre d’aller chercher un gros oignon, de le lui fourrer dans le κυλ et de l’y maintenir à deux mains. Ces instructions furent exécutées de point en point, mais, au premier assaut que le tailleur livra à la dame, l’oignon fut violemment expulsé et alla frapper la femme de chambre avec une telle force qu’il la tua net ! La dame perdit les trois cents roubles. Le tailleur empocha cette somme et se mit en devoir de retourner chez lui.

Après avoir marché assez longtemps, il sentit le besoin de se reposer et se coucha dans un champ. Il passa l’anneau à son doigt et son υιτ devint long d’une verste. Pendant que le tailleur était ainsi couché, le sommeil le surprit, et, tandis qu’il dormait, survinrent sept loups affamés qui dévorèrent la plus grande partie de son υιτ. Il s’éveilla comme si de rien n’était, ôta l’anneau de son doigt, le mit dans sa poche et poursuivit son chemin.

Le soir venu, le tailleur entra chez un paysan pour y passer la nuit. Ce moujik était marié à une jeune femme qui aimait beaucoup les hommes bien membrés. Le voyageur alla se coucher dans la cour, et laissa son υιτ à découvert. L’ayant aperçu, la femme du paysan se sentit toute excitée : elle retroussa sa robe et s’accoupla au tailleur. « Très bien ! » se dit celui-ci ; puis il passa l’anneau à son doigt et son υιτ s’éleva peu à peu jusqu’à une verste de hauteur. Quand la femme se vit à une telle distance du sol, toute idée folâtre l’abandonna et elle se cramponna des deux mains à son étrange soutien dans l’espace. Témoins du danger que courait la malheureuse, ses voisins et ses connaissances pensaient déjà à faire célébrer à son intention un service religieux. Mais le tailleur retira tout doucement l’anneau de son doigt ; insensiblement les dimensions de son membre commencèrent à décroître, et, lorsque ce dernier n’atteignit plus qu’une faible hauteur, la femme sauta à terre. « Eh bien ! κον insatiable, » lui dit le tailleur, « ç’aurait été ta mort, si on m’avait coupé le υιτ. »


  1. Variante. — Le moujik, fatigué, se coucha et s’endormit, mais, pendant son sommeil, l’anneau qu’il avait gardé au doigt glissa de l’ongle jusqu’à la deuxième phalange ; instantanément le υιτ du dormeur atteignit la longueur de sept verstes ; étendu par terre, il ressemblait à un immense tronc de chêne. Soudain contre cet obstacle vient se heurter une voiture à trois chevaux qu’un jeune barine menait à toute vitesse. Crac ! l’essieu se brise ! Qu’est-ce que c’est que cela ? En suivant le υιτ, on arriva jusqu’au moujik. Le barine le réveilla. « Comment se fait-il, dis-moi, que tu aies un si grand υιτ ? » Le paysan raconta son histoire. « Vends-moi ton anneau. — Achète-le. — Combien coûte-t-il ? — Cent roubles. » Le gentilhomme déboursa les cent roubles et continua sa route. Chemin faisant, il mit l’anneau à son doigt et vit avec épouvante son membre prendre des proportions monstrueuses. Il revint trouver le moujik, qui, après s’être fait donner encore cent roubles, lui retira l’anneau du doigt.
  2. Variante. — Le gendre dormait couché dans l’izba, son υιτ se dressait haut d’une coudée ; la belle-mère se jucha dessus en montant sur un tas de foin ; l’anneau se déplaça, le υιτ s’éleva de plus en plus haut, passa à travers le plafond, perça le toit et reparut au niveau de la cheminée, portant toujours la belle-mère à son bout.
  3. Variante. — Il y avait un pauvre homme appelé Ivan, dont le υιτ était long d’une toise et demie. Il travaillait comme ouvrier chez un marchand. Un jour, pendant qu’il pissait, la fille de son patron eut occasion de remarquer la longueur de son υιτ et elle l’épousa. Ivan possédait un anneau enchanté. (Le récit se continue par l’histoire de la belle-mère).