Contes secrets Russes/La ménagère intelligente

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Contes secrets Russes (Rousskiia Zavetnia Skazki)
Isidore Liseux (p. 38-39).

XXII

LA MÉNAGÈRE INTELLIGENTE


Une vieille femme avait une fille qui était la négligence et la saleté même. Il se trouva un imbécile pour la demander en mariage et l’épouser. Après avoir vécu un an au plus avec elle, il en eut un fils. Un jour, elle alla faire visite à sa mère, qui se mit à la régaler. « Ah ! matouchka, que ton pain est bon ! » dit, tout en mangeant, la jeune femme ; « moi, c’est à peine si on peut manger le mien, il est vraiment comme de la brique. — Écoute, ma fille, » répondit la vieille, « assurément tu ne pétris pas bien la pâte, voilà pourquoi ton pain n’est pas bon ; essaie un peu de pétrir de telle sorte que tu aies le κυλ trempé, et tu réussiras ton pain. » La femme revint chez elle, ouvrit le pétrin et commença son travail. Après avoir longtemps pétri, elle retroussa sa robe et tâta si son κυλ était trempé ; puis elle se remit à la besogne. Pendant deux heures elle pétrit et se barbouilla le derrière, mais elle ne pouvait s’assurer, si, oui ou non, son κυλ était trempé. Finalement elle releva sa robe et dit à son petit garçon en lui présentant son postérieur : « Regarde un peu si mon κυλ est trempé ! » L’enfant regarda : — « Eh ! mère, » fit-il, « tu as deux trous à côté l’un de l’autre et ils sont tous les deux dans la pâte ! » La femme cessa de pétrir et fit avec cette pâte du pain si bon que, si on avait su comment il avait été pétri, personne n’y aurait touché.