Contes secrets Russes/Le soldat et le diable

La bibliothèque libre.
Contes secrets Russes (Rousskiia Zavetnia Skazki)
Isidore Liseux (p. 207).

LXVII

LE SOLDAT ET LE DIABLE


Un soldat retournait chez lui en congé définitif. Il était fort triste, car il ne lui restait plus rien de son maigre quibus : tout avait été dépensé de côté et d’autre. « Allons, » se dit-il, « pour me consoler, je vais faire ribote, je vendrai mon havresac et je me paierai une orgie. » Là-dessus, le soldat entra dans un cabaret et céda son havresac au patron en échange d’une bouteille d’eau-de-vie. Quand il se remit en route, il était tellement ivre qu’il ne tarda pas à s’étaler par terre. Passe un diable qui l’aperçoit couché à plat ventre sur le chemin. « Qu’est-ce que tu fais, militaire ? » demanda-t-il. — « Tu le vois bien : je φους. — Et pourquoi donc ton υιτ est-il à découvert ? — Sois tranquille, je ne le perdrai pas. Mais que φους-tu là ? — Je φους qui tu voudras. » Le diable vit que le soldat n’était pas manchot, et il leur en faut de pareils ; il le prit avec lui. À présent, le soldat vit dans l’opulence, il se pocharde tous les jours, fume de la makhorka[1] et mange du raifort sur son eau-de-vie.


  1. Sorte de tabac de qualité inférieure.