Coran Savary/027

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Traduction par Claude-Étienne Savary Voir et modifier les données sur Wikidata.
G. Dufour (2p. 126-136).





LA FOURMI.


donné à la mecque, composé de 95 versets
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Au nom de Dieu clément et miséricordieux.


T. S. [1] Ces caractères sont les signes du livre du Coran, qui enseigne la vraie doctrine.

Il est la lumière des croyans et le gage de leur félicité.

Il la promet à ceux qui font la prière et l’aumône, et qui croient fermement à la vie future.

Nous avons laissé aux incrédules les plaisirs brillans de la vie. Ils marchent au sein des erreurs.

Nous leur ferons sentir nos châtimens dans ce monde et dans l’autre. La réprobation sera leur partage.

Celui qui possède la sagesse et la science t’a envoyé le Coran.

J’ai aperçu du feu, dit Moïse à sa famille : J’y cours : Peut-être vous apporterai-je du bois enflammé pour vous chauffer.

Lorsqu’il s’en fut approché, une voix fit entendre ces mots : Béni soit celui qui est dans ce feu, et qui l’environne ! Louange à Dieu souverain des mondes !

O Moïse ! Je suis le Dieu puissant et sage.

Jette ton bâton. L’ayant vu tout à coup transformé en serpent, et ramper sur la terre, il s’enfuit à pas précipités. O Moïse ! calme ta frayeur. Mes envoyés n’ont rien à craindre en ma présence.

Celui qui s’est égaré, et qui abandonnant le vice retournera à la vertu, éprouvera les effets de ma miséricorde.

Porte ta main dans ton sein, et tu la retireras blanche sans aucun mal ; ce prodige sera du nombre des sept merveilles que tu feras éclater aux yeux de Pharaon et de son peuple. Ils sont prévaricateurs.

Les Égyptiens attribuèrent nos miracles aux effets de la magie.

Ils les nièrent, quoiqu’ils en connussent la vérité. L’iniquité et l’orgueil présidaient à leurs jugemens ; mais considère quelle fut la fin des impies.

David et Salomon favorisés du don des sciences, publièrent les louanges du Très-Haut, qui les avait élevés au-dessus de beaucoup de nos serviteurs.

Salomon fut l’héritier de David. Mortels, dit-il, j’entends le chant des oiseaux[2] ; je possède toutes les connaissances ; j’ai été élevé à ce degré sublime.

Un jour il rassembla ses armées de démons, d’hommes et d’oiseaux, rangées séparément.

Lorsqu’il fut arrivé à la vallée des fourmis, une d’elles dit à ses compagnes : Rentrons dans nos demeures, de peur que Salomon et ses soldats ne nous foulent aux pieds ; car ils ne feront pas attention à nous.

Salomon entendit le discours de la fourmi, et éclata de rire. Seigneur, dit-il, rends-moi reconnaissant des grâces que tu as versées sur ma famille, et sur moi ; fais que j’opère le bien que tu aimes. Que ta miséricorde me mette au nombre de tes serviteurs vertueux.

Il parcourt de l’œil l’armée des oiseaux, et leur dit : Pourquoi la huppe n’est-elle pas ici ? Est-elle absente ?

Je la punirai sévèrement ; elle n’évitera pas la mort, si elle ne me donne une excuse légitime.

La huppe étant venue se poser près du roi, lui dit : J’ai parcouru un pays que tu n’as point vu ; je t’apporte des nouvelles du royaume de Saba.

Une femme[3] le gouverne. Elle possède mille avantages. Elle s’asseoit sur un trône magnifique.

Elle et son peuple adorent le soleil. Satan leur a rendu ce culte agréable. Il les a détournés du vrai chemin, et ils sont dans les ténèbres.

Il les empêche d’adorer le Dieu qui dévoile ce qui est caché dans les cieux et sur la terre, et qui connaît ce que le cœur recèle, comme ce qu’il produit au grand jour.

Il n’y a qu’un Dieu. Il est le souverain du trône sublime.

Je saurai, reprit Salomon, si ton rapport est conforme à la vérité, ou au mensonge.

Vole vers le peuple de Saba, et lorsque tu auras remis cette lettre[4], écarte-toi, et attends la réponse.

Seigneurs, dit la reine à ses courtisans, je viens de recevoir une lettre honorable.

Salomon me l’envoie. Elle contient ces paroles : Au nom de Dieu clément et miséricordieux,

Ne vous élevez pas contre moi. Venez me trouver, et croyez.

Seigneurs, conseillez-moi dans cette affaire, je ne déciderai rien sans votre approbation.

Nous avons du courage et des soldats, répondirent les grands ; mais vous êtes notre reine ; princesse, qu’ordonnez-vous ?

Lorsque les souverains entrent dans une ville, dit la reine, ils la dévastent et plongent dans l’humiliation les principaux habitans. C’est ainsi qu’ils agissent.

J’enverrai des présens[5], et j’attendrai la réponse.

Lorsque l’ambassadeur fut arrivé, Salomon lui dit : Pouvez-vous augmenter mes trésors ? Dieu m’a accordé des biens plus précieux que les vôtres. Gardez vos présens.

Retournez vers le peuple qui vous envoie. Nous irons l’attaquer avec une armée à laquelle il n’aura rien à opposer. Nous le chasserons de son pays, et les grands humiliés seront obligés de se soumettre.

Salomon adressant la parole aux chefs de ses troupes, leur dit : Qui de vous m’apportera le trône[6] de la reine avant que son peuple vienne se jeter à mes genoux ?

Ce sera moi, répondit Afrit, un des démons : Je t’en rendrai possesseur avant que tu te sois levé de ta place. Cette entreprise n’est point au-dessus de mes forces.

Je veux t’en rendre maître, dans un clin d’œil, ajouta un autre démon qui avait la science du livre. Lorsque le roi vit le trône à ses pieds, il s’écria : voilà une faveur de Dieu. Il veut éprouver si mon cœur sera reconnaissant ou ingrat ! La reconnaissance est une jouissance, et l’ingratitude n’ôte rien à Dieu de ses richesses.

Il ajouta : Transformez le trône de la reine, afin que nous sachions si elle est éclairée, ou dans les ténèbres.

Lorsque la reine fut arrivée, on lui demanda, est-ce là votre trône ? Il lui ressemble parfaitement, répondit-elle. Nous reçûmes avant elle la science qui nous rendit musulmans.

Le culte des faux dieux l’avait égarée. Elle était née au milieu d’un peuple idolâtre.

On lui dit : Entrez dans ce palais.[7] Elle crut que c’était de l’eau entassée, et se découvrit les jambes. C’est un édifice solide, fait de verre, lui dit Salomon.

Seigneur, s’écria la reine, j’étais dans l’aveuglement. Je crois avec Salomon au Dieu souverain des mondes.

Nous envoyâmes Saleh prêcher l’unité de Dieu aux Thémudéens ses frères, et ils se divisèrent en deux sectes.

Peuples, répétait le prophète, pourquoi vous hâtez-vous d’attirer sur vos têtes la vengeance du ciel, plutôt que ses faveurs ? N’implorerez-vous point la miséricorde divine ?

Nous augurons mal de toi et de ceux qui ont ta croyance, répondirent les Thémudéens. Votre présage, ajouta Saleh, est dans les mains de Dieu. Il vous éprouve.

Il se trouvait dans la ville neuf scélérats incapables du bien, et livrés à tous les excès.

Ils jurèrent, par le nom de Dieu, de tuer pendant la nuit Saleh et ses disciples, et de dire aux vengeurs de leur sang : Nous n’avons point assisté à leur mort ; notre témoignage est véritable.

Tandis qu’ils formaient ce complot, nous marquions l’instant de leur perte, et ils ne le savaient pas.

Quel fut le succès de leur dessein criminel ? Ils périrent tous, et le peuple fut enveloppé dans leur ruine.

Leurs maisons restèrent désertes, à cause de leurs crimes : exemple sensible pour ceux qui sont éclairés !

Nous sauvâmes les croyans qui avaient la crainte du Seigneur.

Vous abandonnerez-vous à un crime dont vous connaissez l’infamie, criait Loth à ses concitoyens ?

Aurez-vous commerce avec des hommes débauchés, au mépris de vos femmes ? Vous êtes dans l’égarement.

Chassons Loth et sa famille de la ville, puisqu’ils conservent leur pureté : telle fut la réponse des habitans de Sodôme.

Nous sauvâmes Loth et sa famille. Sa femme seule fut ensevelie dans le malheur général.

La punition suivit nos avertissemens. Nous fîmes tomber sur les coupables une pluie fatale.

Dis : Louange à Dieu ! La paix soit avec ses élus. Lesquels de Dieu ou des idoles méritent la préférence ?

Quel est celui qui a créé les cieux, la terre, et qui verse sur vos campagnes la pluie qui sert à la croissance des plantes, et à l’embellissement de vos jardins ? Pourriez-vous produire un seul arbre ? Dieu a-t-il un égal ? Cependant ils associent des divinités à son culte.

Quel est celui qui a affermi la terre, qui a mis dans son sein la source des fleuves, qui a élevé sur sa surface les montagnes, qui a posé entre deux mers une barrière insurmontable ? Dieu a-t-il un égal ? La plupart sont plongés dans l’ignorance.

Quel est celui qui exauce les vœux de l’opprimé qui l’implore, qui le décharge de son fardeau, qui vous a fait remplacer les générations éteintes ? Dieu a-t-il un égal ? Combien peu réfléchissent !

Quel est celui qui vous conduit pendant les ténèbres, sur la terre et les mers, qui envoie les nuages avant-coureurs des faveurs du ciel ? Dieu a-t-il un égal ? Louange au Très-Haut ! Anathème aux idoles !

Quel est celui qui a créé l’homme, et qui le ressuscitera, qui le nourrit des biens célestes et terrestres ? Dieu a-t-il un égal ? Apportez vos preuves, si la vérité est votre guide.

Dis : Nul autre que Dieu, au ciel et sur la terre, ne connaît ce qui est voilé des ombres du mystère.

Les hommes ignorent quand ils ressusciteront.

La vie future est parvenue à leur connaissance ; mais ils en doutent, et ferment les yeux.

Les infidèles disent : Lorsque le tombeau aura réuni nos cendres à celles de nos pères, est-il possible que nous soyons ranimés de nouveau ?

Cette promesse dont on nous flatte, dont on berça nos pères, n’est qu’une fable de l’antiquité.

Dis-leur : Parcourez la terre, et voyez quelle a été la fin des impies.

Ne t’afflige point de leur sort, et ne t’alarme point de leurs complots.

Quand s’accompliront vos promesses, demandent-ils ? Parlez, si la vérité vous éclaire.

Dis-leur : Peut-être qu’une partie des peines dont vous voulez hâter l’accomplissement, est prête à fondre sur vous.

Dieu comble les humains de ses faveurs, et le plus grand nombre ne l’en remercient pas.

Il sait ce que recèle leur cœur, et ce que leur bouche profère.

Les mystères des cieux et de la terre sont écrits dans le livre de l’évidence.

Le Coran explique aux enfans d’Israël les principaux objets de leurs disputes.

Il est la lumière des fidèles, et le gage des grâces divines.

Le jugement de Dieu terminera leurs différens. Il est le savant, le dominateur.

Mets ta confiance dans le Seigneur. La vérité est ton appui.

Tu ne saurais faire entendre les morts, ni les sourds qui s’éloignent de toi.

Tu ne saurais conduire les aveugles, ni les retirer de leurs ténèbres. Tu ne peux faire entendre que ceux qui croient, et qui sont fidèles.

Lorsque l’arrêt de leur perte sera prononcé, nous ferons sortir de la terre un monstre[8] qui criera : Les hommes n’ont point cru l’islamisme.

Nous rassemblerons un jour ceux qui ont traité nos oracles d’imposture, et nous les mettrons dans un lieu séparé ;

Jusqu’à ce qu’ils paraissent devant le tribunal de Dieu qui leur dira : Avez-vous nié ma religion ? Ne l’avez-vous pas comprise ? Quelles sont vos œuvres ?

L’arrêt de leur réprobation sera prononcé, parce qu’ils ont été impies, et ils ne répondront point.

Ne voyaient-ils pas que nous avons établi la nuit pour reposer, et le jour pour agir ? Ce sont des signes pour les croyans.

Lorsque le son de la trompette retentira, tout ce qui est dans les cieux et sur la terre sera saisi d’effroi, excepté les élus du Seigneur. Tous les hommes paraîtront devant lui, humblement prosternés.

Vous verrez les montagnes semblables à l’eau congelée, disparaître comme un nuage à la voix de Dieu qui a sagement disposé toutes choses, et qui connaît les actions des mortels.

Ceux qui se présenteront avec de bonnes œuvres, recevront un prix glorieux, et seront exempts des frayeurs du grand jour.

Ceux qui n’apporteront que des crimes seront précipités dans le feu, le visage prosterné. Seriez-vous traités autrement que vous aurez agi ?

Le Dieu de ce pays que sa bonté a consacré, le Dieu à qui tout appartient, m’a commandé de me dévouer à son culte, et d’embrasser l’islamisme.

Il m’a chargé de lire le Coran. Ceux qui recevront la lumière, jouiront de cet avantage précieux, et je dirai à ceux qui persisteront dans l’erreur : Ma mission se borne à vous prêcher.

Dis : Louange à l’Éternel ! Bientôt il vous donnera des marques de sa puissance, et vous ne pourrez les nier. Il a l’œil ouvert sur vos actions.


  1. T. S. Tous ces caractères sont mystérieux, et l’on ne peut en donner d’explication raisonnable.
  2. Salomon entendait ce qu’un oiseau faisait comprendre à un autre par ses cris et ses chants. Zamchascar.
  3. Cette femme, suivant les auteurs arabes, est Balcaise, reine de l’Arabie heureuse.
  4. La lettre de Salomon était conçue en ces termes : Salomon serviteur de Dieu et fils de David, à Balcaise, reine de Saba. La paix soit avec celui qui suit la lumière. Ne vous révoltez pas contre moi. Venez me trouver et croyez. Il parfuma la lettre avec du musc ; il la scella de son sceau, et commanda à la Huppe de la porter. Gelaleddin
  5. Balcaise envoya à Salomon mille esclaves, cinq cents de chaque sexe, un grand nombre de plats d’or enrichis de pierres précieuses, du musc et de l’ambre. Gelaleddin.
  6. Gelaleddin nous fait une description pompeuse de ce trône fabuleux. Si l’on en croit cet auteur, il avait quatre-vingts coudées de long, quarante de large, et trente de haut. Il était composé d’or et d’argent. Une couronne de rubis et d’émeraudes régnait à l’entour. Les colonnes qui le soutenaient étaient faites des mêmes pierres précieuses. Il contenait sept appartemens où l’on entrait par sept portes.
  7. Le palais était construit de verre transparent. Un ruisseau où l’on voyait nager les poissons coulait sous ce merveilleux édifice. Lorsque la reine y entra elle releva ses habits croyant passer un torrent. Gelaleddin.
  8. Ce monstre que les commentateurs du Coran ont peint chacun à leur manière, aura cinquante coudées de long. Il courra d’une vitesse extraordinaire, et aura des crins, des plumes et deux ailes.
      Ebn Jarih le décrit avec la tête d’un taureau, les yeux d’un porc, les oreilles d’un éléphant, les cornes d’un cerf, le cou d’une autruche, la poitrine d’un lion, la couleur d’un ours, le milieu du corps d’un chat, la queue d’un belier, et le pied d’un chameau. Il sortira de la grande mosquée de la Mecque, et épouvantera la terre de sa voix. Il prononcera ces mots : Les hommes n’ont point cru l’islamisme. Zamchascar.