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Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1 Avertissement placés par Corneille en tête des divers recueils de ses pièces

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ŒUVRES
de

P. CORNEILLE.

AVERTISSEMENTS
PLACÉS PAR CORNEILLE EN TÊTE DES DIVERS RECUEILS DE SES PIÈCES.
I
AU LECTEUR[1].

C’est contre mon inclination que mes libraires vous font ce présent, et j'aurois été plus aise de la suppression entière de la plus grande partie de ces poëmes, que d’en voir renouveler la mémoire par ce recueil. Ce n’est pas qu’ils n’ayent tous eu des succès assez heureux pour ne me repentir point[2] de les avoir faits ; mais il y a une si notable différence d’eux a ceux qui les ont suivis, que je ne puis voir cette inégalité sans quelque sorte de confusion. Et certes, j’aurois laissé périr entiérement ceux-ci, si je n’eusse reconnu que le bruit qu’ont fait les derniers obligeait déjà quelques curieux à la recherche des autres, et pourroit être cause qu’un imprimeur, faisant sans mon aveu ce que je ne voulois pas consentir, ajouteroit mille fautes aux miennes. J’ai donc cru qu’il valoit mieux, et pour votre contentement et pour ma réputation, y jeter un coup d’œil, non pas pour les corriger exactement (il eût été besoin de les refaire presque entiers), mais du moins pour en ôter ce qu’il y a[3] de plus insupportable. Je vous les donne dans l’ordre que je les ai composés, et vous avouerai franchement que pour les vers, outre la foiblesse d’un homme qui commençoit à en faire, il est malaisé qu’ils ne sentent la province où je suis né. Comme Dieu m’a fait naître mauvais courtisan, j’ai trouvé dans la cour plus de louanges que de bienfaits, et plus d’estime que d’établissement. Ainsi étant demeuré provincial, ce n’est pas merveille si mon élocution en conserve quelquefois le caractère. Pour la conduite, je me dédirois de peu de chose si j’avois à les refaire. Je ne m’étendrai point à vous spécifier quelles règles j’y ai observées : ceux qui s’y connoissent s’en apercevront aisément, et de pareils discours ne font qu’importuner les savants, embarrasser les foibles, et étourdir les ignorants.


II
AU LECTEUR[4]

Voici une seconde partie de pièces de théâtre un peu plus supportables que celles de la première. Elles sont toutes assez régulières, avec cette différence toutefois, que les règles sont observées avec plus de sévérité dans les unes que dans les autres ; car il y en a qu’on peut élargir et resserrer, selon que les incidents du poëme le peuvent souffrir. Telle est celle de l’unité de jour, ou des vingt et quatre heures. Je crois que nous devons toujours faire notre possible en sa faveur, jusqu’à forcer un peu les événements que nous traitons, pour les y accommoder ; mais si je n’en pouvois venir à bout, je la négligerois même sans scrupule, et ne voudrois pas perdre un beau sujet pour ne l’y pouvoir réduire. Telle est encore celle de l’unité du lieu, qu’on doit arrêter, s’il se peut, dans la salle d’un palais, ou dans quelque espace qui ne soit pas de beaucoup plus grand que le théâtre, mais qu’on peut étendre jusqu’à toute une ville, et se servir même, s’il en est besoin, d’un peu des environs. Je dirois la même chose de la liaison des scènes, si j’osois la nommer une règle ; mais comme je n’en vois rien dans Aristote ; que notre Horace n’en dit que ce petit mot : Neu quid hiet[5], dont la signification peut être douteuse ; que les anciens ne l’ont pas toujours observée, quoiqu’il leur fût assez aisé, ne mettant qu’une scène ou deux à chaque acte ; que le miracle de l’Italie, le Pastor Fido[6], l’a entièrement négligée : j’aime mieux l’appeler un embellissement qu’une règle ; mais un embellissement qui fait grand effet, comme il est aisé de le remarquer par les exemples du Cid et de l’Horace. Sabine ne contribue non plus aux incidents de la tragédie dans ce dernier que l’Infante dans l’autre, étant toutes deux des personnages épisodiques qui s’émeuvent de tout ce qui arrive selon la passion qu’elles en ressentent, mais qu’on pourroit retrancher sans rien ôter de l’action principale. Néanmoins l’une a été condamnée presque de tout le monde comme inutile, et de l’autre personne n’en a murmuré, cette inégalité ne provenant que de la liaison des scènes qui attache Sabine au reste des personnages et qui n’étant pas observée dans le Cid, y laisse l’Infante tenir sa cour à part.

Au reste, comme les tragédies de cette seconde partie sont prises de l’histoire, j’ai cru qu’il ne serait pas hors de propos de vous donner au-devant de chacune le texte ou l’abrégé des auteurs dont je les ai tirées, afin qu’on puisse voir par là ce que j’y ai ajouté du mien et jusques où je me suis persuadé que peut aller la licence poétique en traitant des sujets véritables.


III
AU LECTEUR[7].

Ces quatre Volumes contiennent trente deux Pièces de Théatre. Ils sont réglez & huit chacun[8]. Vous pourrez trouver quelque chose d’étrange aux innovations en l’orthographe que j’ay hasardées icy, et je veux bien vous en rendre raison. L’usage de nostre Langue est à present si épandu par toute l’Europe, principalement vers le Nord, qu’on y voit peu d’Estats où elle ne soit connuë ; c’est ce qui m’a fait croire qu’il ne seroit pas mal a propos d’en faciliter la prononciation aux Estrangers, qui s’y trouvent souvent embarrassez par les divers sons qu’elle donne quelquefois aux mesmes lettres. Les Hollandois m’ont frayé le chemin, et donné ouverture à y mettre distinction par de différents Caractéres, que jusqu’icy nos Imprimeurs ont employé indifféremment. Ils ont separé les i et les u consones d’avec les i et les u voyelles, en se servant tousiours de l’j et de l’v, pour les premiéres, et laissant l’i et l’u pour les autres, qui jusqu’à ces derniers temps avoient esté confondus[9]. Ainsi la prononciation de ces deux lettres ne peut estre douteuse, dans les impressions où l’on garde le mesme ordre, comme en celle-cy. Leur exemple m’a enhardy à passer plus avant. J’ay veu quatre prononciations differentes dans nos s, et trois dans nos e, et j’ay cherché les moyens d’en oster toutes ambiguitez, ou par des caractéres differens, ou par des régles generales, avec quelques exceptions. Je ne sçay si j’y auray reüssi, mais si cette ébauche ne déplaist pas, elle pourra donner jour à faire un travail plus achevé sur cette matiere, et peut-estre que ce ne sera pas rendre un petit service à nostre Langue et au Public.

Nous prononçons l’s de quatre diverses manieres : tantost nous l’aspirons, comme en ces mots, peste, chaste ; tantost elle allonge la syllabe, comme en ceux-cy, paste, teste ; tantost elle ne fait aucun son, comme à esbloüir, esbranler, il estoit ; et tantost elle se prononce comme un z, comme à présider, presumer. Nous n’avons que deux differens caracteres, f, et s, pour ces quatre differentes prononciations ; il faut donc establir quelques maximes générales pour faire les distinctions entieres. Cette lettre se rencontre au commencement des mots, ou au milieu, ou à la fin. Au commencement elle aspire toujours : soy, sien, sauver, suborner ; à la fin, elle n’a presque point le son, et ne fait qu’allonger tant soit peu la syllabe, quand le mot qui suit se commence par une consone ; et quand il commence par une voyelle, elle se détache de celuy qu’elle finit pour se joindre avec elle, et se prononce toujours comme un z, soit qu’elle soit précedée par une consone, ou par une voyelle.

Dans le milieu du mot, elle est, ou entre deux voyelles, ou aprés une consone, ou avant une consone. Entre deux voyelles elle passe tousiours pour z, et aprés une consone elle aspire tousiours, et cette difference se remarque entre les verbes composez qui viennent de la mesme racine. On prononce prezumer, rezister, mais on ne prononce pas conzumer, ny perzister. Ces régles n’ont aucune exception, et j’ay abandonné en ces rencontres le choix des caracteres à l’Imprimeur, pour se servir du grand ou du petit, selon qu’ils se sont le mieux accommodez avec les lettres qui les joignent. Mais je n’en ay pas fait de mesme, quand l’s est avant une consone dans le milieu du mot, et je n’ay pû souffrir que ces trois mots, reste, tempeste, vous estes, fussent escrits l’un comme l’autre, ayant des prononciations si differentes. J’ay reservé la petite s pour celle où la syllabe est aspirée, la grande pour celle où elle est simplement allongée, et l’ay supprimée entierement au troisiéme mot où elle ne fait point de son, la marquant seulement par un accent sur la lettre qui la précede. J’ay donc fait ortographer ainsi les mots suivants et leurs semblables, peste, funeste, chaste, resiste, espoir ; tempeste, haste, teste ; vous étes, il étoit, ébloüir, écouter, épargner, arréter. Ce dernier verbe ne laisse pas d’avoir quelques temps dans sa conjugaison, où il faut luy rendre l’s, parce qu’elle allonge la syllabe ; comme à l’imperatif arreste, qui rime bien avec teste ; mais à l’infinitif et en quelques autres où elle ne fait pas cet effet, il est bon de la supprimer et escrire, j’arrétois, j’ay arrété, j’arréteray, nous arrétons, etc[10].

Quant à l’e, nous en avons de trois sortes. L’e feminin, qui se rencontre tousiours, ou seul, ou en diphtongue, dans toutes les derniéres syllabes de nos mots qui ont la terminaison féminine, et qui fait si peu de son, que cette syllabe n’est jamais contée[11] à rien à la fin de nos vers féminins, qui en ont tousiours une plus que les autres. L’e masculin, qui se prononce comme dans la langue Latine, et un troisiéme e qui ne va jamais sans l’s, qui luy donne un son eslevé qui se prononce à bouche ouverte, en ces mots : succes, acces, expres. Or comme ce seroit une grande confusion, que ces trois e, en ces trois mots, aspres, verite, et apres, qui ont une prononciation si differente, eussent un caractére pareil, il est aisé d’y remédier, par ces trois sortes d’e que nous donne l’Imprimerie, e, é, è, qu’on peut nommer l’e simple, l’e aigu, et l’e grave. Le premier servira pour nos terminaisons feminines, le second pour les Latines, et le troisiéme pour les eslevées, et nous escrirons ainsi ces trois mots et leurs pareils, aspres, verité, après, ce que nous estendrons à succès, excès, procès, qu’on avoit jusqu’icy escrits avec l’e aigu, comme les terminaisons Latines, quoi que le son en soit fort différent. Il est vray que les Imprimeurs y avoient mis quelque différence, en ce que cette terminaison n’estant jamais sans s, quand il s’en rencontroit une après un é Latin, ils la changeoient en z, et ne la faisoient préceder que par un e simple. Ils impriment veritez, Deïtez, dignitez, et non pas verités, Deïtés, dignités ; et j’ay conservé cette Orthographe : mais pour éviter toute sorte de confusion entre le son des mots qui ont l’e Latin sans s, comme verité, et ceux qui ont la prononciation élevée, comme succès, j’ay cru à propos de nous servir de différents caractéres, puisque nous en avons, et donner l’è grave à ceux de cette dernière espece. Nos deux articles pluriels, les et des, ont le mesme son, quoy qu’écrits avec l’e simple : il est si mal-aisé de les prononcer autrement, que je n’ay pas crû qu’il fust besoin d’y rien changer. Je dy la mesme chose de l’e devant deux ll, qui prend le son aussi eslevé en ces mots, belle, fidelle, rebelle, etc., qu’en ceux-cy, succès, excès ; mais comme cela arrive toujours quand il se rencontre avant ces deux ll, il suffit d’en faire cette remarque sans changement de caractére. Le mesme arrive devant la simple l, à la fin du mot, mortel, appel, criminel, et non pas au milieu, comme en ces mots, celer, chanceler, où l’e avant cette l garde le son de l’e feminin.

Il est bon aussi de remarquer qu’on ne se sert d’ordinaire de l’é aigu, qu’à la fin du mot, ou quand on supprime l’s qui le suit ; comme à établir, étonner : cependant il se rencontre souvent au milieu des mots avec le mesme son, bien qu’on ne l’écrive qu’avec un e simple ; comme en ce mot severité, qu’il faudroit escrire sévérité, pour le faire prononcer exactement, et je l’ay fait observer dans cette impression[12], bien que je n’aye pas gardé le mesme ordre dans celle qui s’est faite in folio[13].

La double ll dont je viens de parler à l’occasion de l’e, a aussi deux prononciations en nostre Langue, l’une seche et simple, qui suit l’Ortographe, l’autre molle, qui semble y joindre une h. Nous n’avons point de différents caractéres à les distinguer ; mais on en peut donner cette régle infaillible. Toutes les fois qu’il n’y a point d’i avant les deux ll, la prononciation ne prend point cette mollesse. En voicy des exemples dans les quatre autres voyelles : baller, rebeller, coller, annuller. Toutes les fois qu’il y a un i avant les deux ll, soit seul, soit en diphtongue, la prononciation y adjouste une h. On escrit bailler, éveiller, briller, chatoüiller, cueillir, et on prononce baillher, éveillher, brillher, chatouillher, cueillhir. Il faut excepter de cette Régle tous les mots qui viennent du Latin, et qui ont deux ll dans cette Langue, comme ville, mille, tranquille, imbecille, distille, illustre, illegitime, illicite, etc. Je dis qui ont deux ll en Latin, parce que les mots de fille et famille en viennent, et se prononcent avec cette mollesse des autres qui ont l’i devant les deux ll, et n’en viennent pas ; mais ce qui fait cette différence, c’est qu’ils ne tiennent pas les deux ll des mots Latins, filia et familia, qui n’en ont qu’une, mais purement de nostre Langue. Cette régle et cette exception sont générales et asseurées. Quelques Modernes, pour oster toute l’ambiguité de cette prononciation, ont escrit les mots qui se prononcent sans la mollesse de l’h, avec une l simple, en cette maniere, tranquile, imbecile, distile, et cette Ortographe pourroit s’accommoder dans les trois voyelles a, o, u, pour escrire simplement baler, affoler, annuler, mais elle ne s’accommoderoit point du tout avec l’e, et on auroit de la peine à prononcer fidelle et belle, si on escrivoit fidele et bele ; l’i mesme sur lequel ils ont pris ce droit, ne le pourroit pas souffrir tousiours, et particulierement en ces mots ville, mille, dont le premier, si on le reduisoit à une l simple, se confondroit avec vile, qui a une signification toute autre.

Il y auroit encor quantité de remarques à faire sur les différentes manieres que nous avons de prononcer quelques lettres en nostre Langue : mais je n’entreprens pas de faire un Traité entier de l’Ortographe et de la prononciation, et me contente de vous avoir donné ce mot d’avis touchant ce que j’ay innové icy ; comme les Imprimeurs ont eu de la peine à s’y accoustumer, ils n’auront pas suivy ce nouvel ordre si ponctüellement, qu’il ne s’y soit coulé bien des fautes, vous me ferez la grace d’y suppléer.


  1. Cet avis est tiré du recueil intitulé Œuvres de Corneille, première partie (contenant : Mélite, Clitandre, la Veuve, la Galerie du Palais, la Suivante, la Place Royale, Médée et l’Illusion comique). Rouen et Paris, 1644, petit in-12. Il a été reproduit en tête des réimpressions de la première partie, de 1648 à 1657 inclusivement.
  2. Var. (édit. de 1648-1657) : pour ne me repentir pas.
  3. Var. (édit. de 1648) : ce qu’il y avoit.
  4. Ce second avis est en tête du recueil intitulé Œuvres de Corneille, seconde partie (contenant : le Cid, Horace, Cinna, Polyeucte, Pompée, le Menteur et la Suite du Menteur). Rouen et Paris, 1648, petit in-12. Cette seconde partie est destinée à compléter la première partie de 1644 et la réimpression qui en a été faite en 1648. L’avis au lecteur a été reproduit dans les éditions de la seconde partie, jusqu’en 1657.
  5. Ce petit mot, que Corneille cite de mémoire, n’est pas d’Horace. I] y a dans la xvie idylle d’Ausone, de Viro bono, un vers qui commence par Ne quid hiet, mais où il s’agit de tout autre chose que de la liaison des scènes ; et dans l’Art poétique d’Horace (v. 194), on lit un précepte ainsi concu : Neu quid medios intercinat actus, ete., précepte relatif au chant du chœur entre les actes. Corneille aurait-il confondu ces deux passages ?
  6. Cette tragi-comédie pastorale de Guarini, représentée pour la première fois à Turin en 1585, eut du vivant de son auteur quarante éditions. Il en paru deux en 1590 : l’une à Venise, in-4° ; l’autre à Ferrare, in-12. On ignore laquelle est la première.
  7. Ce troisième avis, pour lequel nous avons suivi le texte de l’édition de 1682, avait paru d’abord dans celles de 1663 (in-folio), de 1664 et de 1668 (in-8°), avec quelques différences que nous indiquerons. L’édition de 1660 n’est précédée d’aucun avertissement. Comme ce morceau est un exposé du système d’orthographe que Corneille avait adopté, nous avons tenu a en donner une sorte de fac-simile : c’était le seul moyen de faire comprendre les règles qu’établit l’auteur et les détails où il entre. Les fautes et les inconséquences que l’on remarquera çà et là, montrent combien il était fondé à dire, à la fin de cet avis, que les imprimeurs avaient eu de la peine à suivre ses instructions. Dans les éditions de 1663, 1664, 1668, ils n’avaient même pas fait la distinction, dont notre poëte parle en commençant, de l’i et du j, de l’u et du v.
  8. Dans l’édition de 1663, avis commence ainsi :
    « Ces deux Volumes contiennent autant de Pieces de Theatre que les trois que vous auez veus cy-deuant imprimez in Octavo*. Ils sont réglez a douze chacun, et les autres a huit. Sertorius et Sophonisbe ne_s’y joindront point**, qu’il n’y en aye assez pour faire vn troisiéme de cette Impression, ou vn quatriéme de l’autre. Cependant comme il ne peut entrer en celle-cy que deux des trois Discours qui ont seruy de Prefaces à la précedente, et que dans ces trois Discours j’ay tasché d’expliquer ma pensée touchant les plus curieuses et les plus importantes questions de l’Art Poëtique, cet Ouurage de mes reflexions demeureroit imparfait si j’en retranchois le troisiéme. Et c'est ce qui me fait vous le donner en suite du second Volume, attendant qu’on le puisse reporter au deuant de celuy qui le suiura, si-tost qu’il pourra estre complet.

    « Vous trouuerez quelque chose d’étrange, etc. »


    Le début de l’avis de l’édition de 1664, in-8°, est beaucoup plus court :


    « Ces trois volumes contiennent autant de Pieces de Theatre que les deux nouvellement imprimez in folio. Ils sont reglez a huit chacun, et les autres à douze. Sertorius, Sophonisbe et Othon*** ne s’y joindront point, qu’il n’y en aye assez pour en faire vn quatriéme.


    « Cependant vous pourrez trouuer quelque chose d’étrange, etc. »


    Dans l’édition de 1668, l’avis commence de même que dans celle de 1664; mais les mots : « Vous pourrez trouver, etc., » viennent immédiatement après les derniers mots de la seconde phrase : « les autres a douze ; » et la phrase intermédiaire est omise.


    *. Il s’agit ici de l’édition de 1660. Les deux premiers volumes contiennent huit pièces chacun, comme le dit Corneille, mais le troisième n’en renferme que sept : Rodogune, Heraclius, Andromède, Don Sanche d’Arragon, Nicomède, Pertharite et Œdipe.


    **. Ces deux pièces avaient été représentées en 1662 et en 1663.


    ***. Cette dernière pièce a été représentée a Fontainebleau à la fin de juillet 1664, et l’achevé d’imprimer du 1er volume de l’édition de 1664 porte la date du 15 août.

  9. On a prétendu, mais à tort, que Ramus avait proposé le premier de distinguer dans impression l’i du j et l’u du v. Il faut remonter au moins jusqu’à Meigret, qui a dite n 1550 dans le Tretté de la grammere francoeze : « Rest’encores j consonante a lagell ie done double proporcion de celle qi et voyelle, e lui rens sa puissanc’ en mon écritture. » (Folio 14 recto.) « Ao regard de l’u consonante, ell’aoroet bien bezoin d’etre diuersifiée, attendu qe qant deus uu s’entresuyuet aveg gelq’aotre voyelle nou’ pouuons prononcer l’un pour l’aotre. » (Folio 12 verso.) On voit, du reste, que Meigret, qui pourtant ne manquait pas de hardiesse, se borne a proposer cette distinction sans la mettre lui-même en pratique.

    Les imprimeurs hollandais furent les premiers à l’établir. Elle est déja très-nettement observée dans l’Argenis de Barclay imprimée en 1630 par les Elzévirs ; les majuscules seule font exception. Quelques imprimeurs des confins de la France ne tardèrent pas à suivre cet exemple. Les Zetzner, de Strasbourg, introduisirent l’U rond et le J consonne dans les lettres capitales. On trouve déjà ces caractères dans le volume intitulé : Clavis artis Lulliane… opera et studio Johannis Henrici Alstedl, Argentorati, sumptibus heredum Lazari Zetzneri, 1633. Cependant il faut convenir que dans le texte courant on rencontre de temps à autre quelques infractions à la règle.

  10. Ce projet a failli étre officiellement adopté. On trouve des renseignements à ce sujet dans les Observations de l’Académie francoise touchant l’orthographe, conservées au département des manuscrits de la Bibliotheque impériale, dont j’ai donné l’analyse dans l’Ami de la religion du 31 mai 1860.
    Ces Observations, rédigées par Mézeray, furent soumises en 1673 a examen de plusieurs académiciens, dont la liste se trouve en tête du volume. Corneille y figure, toutefois on ne rencontre dans ce manuscrit aucune note de lui ; mais, dans son travail préparatoire, Mézeray avait rappelé en ces termes l’innovation introduite par l’illustre poëte : « Mr. de Corneille a proposé que pour faire connoistre quand l’S est muette dans les mots où qu’elle sifle, il seroit bon de mettre une S ronde aux endroits ot elle sifle, comme à chaste, triste, reste, et une s longue aux endroits où elle est muette, soit qu’elle fasse longue la voyelle qui la précéde, comme en tempefte, fefte, tefte, etc., soit qu’elle ne la fasse pas, comme en efcu, efpine, defdire, efpurer, etc. »
    « L’usage en seroit bon, objecte Segrais, mais linnovation en est dangereuse. »
    « Je n’y trouve point d’inconvenient, sur tout dans l’impression, réplique Doujat, et ce n’est plus une nouveauté puisque Mr. de Corneille l’a pratiqué depuis plus de dix ou douze ans. »
    « Où est l’inconuenient ? dit Bossuet ; ie le suiurois ainsi dans le dictionnaire et i’en ferois une remarque expresse où i’alleguerois l’exemple de Mr. Corneille. Les Hollandois ont bien introduit u et v pour u voyelle et u consone, et de mesme i sans queüe ou avec queüe. Personne ne s’en est formalisé ; peu a peu les yeux s’y accoustument et la main les suit. »
  11. Contée, comptée. Voyez le Lexique.
  12. On lit ici dans l’édition de 1663 : « Et peut-estre le feray-je observer en la première impression qui se pourra faire de ces Recueils. »
  13. Il s’agit de l’édition datée de 1663, dont nous venons de parler.