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Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1 Clitandre Acte I

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Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1 Clitandre Acte I
Œuvres de P. Corneille, Texte établi par Ch. Marty-LaveauxHachettetome I (p. 275-294).
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ACTE I.



Scène première.

CALISTE[1].

N’en doute plus, mon cœur, un amant hypocrite[2].
Feignant de m’adorer, brûle pour Hippolyte :
Dorise m’en a dit le secret rendez-vous
Où leur naissante ardeur se cache aux yeux de tous ;
5Et pour les y surprendre elle m’y doit conduire,
Sitôt que le soleil commencera de luire.

Mais qu’elle est paresseuse à me venir trouver[3] !
La dormeuse m’oublie, et ne se peut lever.
Toutefois sans raison j’accuse sa paresse :
10La nuit, qui dure encor, fait que rien ne la presse ;
Ma jalouse fureur, mon dépit, mon amour,
Ont troublé mon repos avant le point du jour ;
Mais elle, qui n’en fait aucune expérience,
Étant sans intérêt, est sans impatience.
15Toi qui fais ma douleur, et qui fis mon souci[4],
Ne tarde plus, volage, à te montrer ici ;
Viens en hâte affermir ton indigne victoire ;
Viens t’assurer l’éclat de cette infâme gloire ;
Viens signaler ton nom par ton manque de foi ;
20Le jour s’en va paroître ; affronteur, hâte-toi.
Mais, hélas ! cher ingrat, adorable parjure,
Ma timide voix tremble à te dire une injure ;
Si j’écoute l’amour, il devient si puissant
Qu’en dépit de Dorise il te fait innocent :
25Je ne sais lequel croire, et j’aime tant ce doute,
Que j’ai peur d’en sortir entrant dans cette route.
Je crains ce que je cherche, et je ne connois pas
De plus grand heur pour moi que d’y perdre mes pas.
Ah, mes yeux ! si jamais vos fonctions propices[5]
30À mon cœur amoureux firent de bons services,

Apprenez aujourd’hui quel est votre devoir :
Le moyen de me plaire est de me décevoir ;
Si vous ne m’abusez, si vous n’êtes faussaires,
Vous êtes de mon heur les cruels adversaires[6].
35Et toi, soleil, qui vas, en ramenant le jour,
Dissiper une erreur si chère à mon amour,
Puisqu’il faut qu’avec toi ce que je crains éclate,
Souffre qu’encore un peu l’ignorance me flatte.
Mais je te parle en vain, et l’aube de ses rais[7]
40A déjà reblanchi le haut de ces forêts.
Si je puis me fier à sa lumière sombre[8],
Dont l’éclat brille à peine et dispute avec l’ombre[9],
J’entrevois le sujet de mon jaloux ennui,
Et quelqu’un de ses gens qui conteste avec lui[10].
45Rentre, pauvre abusée, et cache-toi de sorte[11]
Que tu puisses l’entendre à travers cette porte.


Scène II.

ROSIDOR, LYSARQUE[12].
ROSIDOR.

Ce devoir, ou plutôt cette importunité,
Au lieu de m’assurer de ta fidélité,
Marque trop clairement ton peu d’obéissance[13].
50Laisse-moi seul, Lysarque, une heure en ma puissance ;
Que retiré du monde et du bruit de la cour,
Je puisse dans ces bois consulter mon amour[14] ;
Que là Caliste seule occupe mes pensées,
Et par le souvenir de ses faveurs passées
55Assure mon espoir de celles que j’attends ;
Qu’un entretien rêveur durant ce peu de temps
M’instruise des moyens de plaire à cette belle,
Allume dans mon cœur de nouveaux feux pour elle :
Enfin, sans persister dans l’obstination,
60Laisse-moi suivre ici mon inclination.

LYSARQUE.

Cette inclination, qui jusqu’ici vous mène[15]
À me la déguiser vous donne trop de peine.
Il ne faut point. Monsieur, beaucoup l’examiner :
L’heure et le lieu suspects font assez deviner
65Qu’en même temps que vous s’échappe quelque dame…
Vous m’entendez assez.

ROSIDOR.

Vous m’entendez assez.Juge mieux de ma flamme,
Et ne présume point que je manque de foi[16]

À celle que j’adore, et qui brûle pour moi
J’aime mieux contenter ton humeur curieuse,
70Qui par ces faux soupçons m’est trop injurieuse.
Tant s’en faut que le change ait pour moi des appas[17],
Tant s’en faut qu’en ces bois il attire mes pas :
J’y vais… Mais pourrois-tu le savoir et le taire ?

LYSARQUE.

Qu’ai-je fait qui vous porte à craindre le contraire[18] ?

ROSIDOR.

75Tu vas apprendre tout ; mais aussi, l’ayant su,
Avise à ta retraite. Hier un cartel reçu[19]
De la part d’un rival…

LYSARQUE.

De la part d’un rival…Vous le nommez ?

ROSIDOR.

De la part d’un rival…Vous le nommez ?Clitandre.
Au pied du grand rocher il me doit seul attendre[20] ;
Et là, l’épée au poing, nous verrons qui des deux
80Mérite d’embraser Caliste de ses feux.

LYSARQUE.

De sorte qu’un second…

ROSIDOR.

De sorte qu’un second…Sans me faire une offense,
Ne peut se présenter à prendre ma défense :
Nous devons seul à seul vider notre débat.

LYSARQUE.

Ne pensez pas sans moi terminer ce combat :
85L’écuyer de Clitandre est homme de courage ;
Il sera trop heureux que mon défi l’engage
À s’acquitter vers lui d’un semblable devoir,
Et je vais de ce pas y faire mon pouvoir.

ROSIDOR.

Ta volonté suffit ; va-t’en donc et désiste
90De plus m’offrir une aide à mériter Caliste[21].

LYSARQUE, est seul[22].

Vous obéir ici me coùteroit trop cher,
Et je serois honteux qu’on me pût reprocher
D’avoir su le sujet d’une telle sortie,
Sans trouver les moyens d’être de la partie[23].


Scène III.

CALISTE[24]

95Qu’il s’en est bien défait ! qu’avec dextérité
Le fourbe se prévaut de son autorité[25] !
Qu’il trouve un beau prétexte en ses flammes éteintes[26] !
Et que mon nom lui sert à colorer ses feintes !
Il y va cependant, le perfide qu’il est ;
100Hippolyte le charme, Hippolyte lui plaît ;
Et ses lâches désirs l’emportent où l’appelle[27]
Le cartel amoureux de sa flamme nouvelle.


Scène IV.

CALISTE, DORISE.
CALISTE.

Je n’en puis plus douter, mon feu désabusé[28]
Ne tient plus le parti de ce cœur déguisé.
105Allons, ma chère sœur, allons à la vengeance ;
Allons de ses douceurs tirer quelque allégeance ;
Allons, et sans te mettre en peine de m’aider,
Ne prends aucun souci que de me regarder.
Pour en venir à bout, il suffit de ma rage ;
110D’elle j’aurai la force ainsi que le courage ;
Et déjà dépouillant tout naturel humain,
Je laisse à ses transports à gouverner ma main.
Vois-tu comme suivant de si furieux guides
Elle cherche déjà les yeux de ces perfides,
115Et comme de fureur tous mes sens animés
Menacent les appas qui les avoient charmés ?

DORISE.

Modère ces bouillons d’une âme colérée,
Ils sont trop violents pour être de durée ;
Pour faire quelque mal, c’est frapper de trop loin.
120Réserve ton courroux tout entier au besoin ;
Sa plus forte chaleur se dissipe en paroles,
Ses résolutions en deviennent plus molles :
En lui donnant de l’air, son ardeur s’alentit.

CALISTE.

Ce n’est que faute d’air que le feu s’amortit[29].
125Allons, et tu verras qu’ainsi le mien s’allume,
Que ma douleur aigrie en a plus d’amertume[30],

Et qu’ainsi mon esprit ne fait que s’exciter
À ce que ma colère a droit d’exécuter[31].

DORISE, seule[32].

Si ma ruse est enfin de son effet suivie,
130Cette aveugle chaleur te va coûter la vie[33] :
Un fer caché me donne en ces lieux écartés
La vengeance des maux que me font tes beautés.
Tu m’ôtes Rosidor, tu possèdes son âme :
Il n’a d’yeux que pour toi, que mépris pour ma flamme ;
135Mais puisque tous mes soins ne le peuvent gagner,
J’en punirai l’objet qui m’en fait dédaigner[34].


Scène V.

PYMANTE, GÉRONTE, sortants d’une grotte[35], déguisés en paysans.
GÉRONTE.

En ce déguisement on ne peut nous connoître,
Et sans doute bientôt le jour qui vient de naître
Conduira Rosidor, séduit d’un faux cartel[36],

Aux lieux où cette main lui garde un coup mortel.
Vos vœux si mal reçus de l’ingrate Dorise,
Qui l’idolâtre autant comme elle vous méprise[37],
Ne rencontreront plus aucun empêchement.
Mais je m’étonne fort de son aveuglement,
145Et je ne comprends point cet orgueilleux caprice[38]
Qui fait qu’elle vous traite avec tant d’injustice.
Vos rares qualités…

PYMANTE.

Vos rares qualités…Au lieu de me flatter,
Vovons si le projet ne sauroit avorter,
Si la supercherie…

GÉRONTE.

Si la supercherie…Elle est si bien tissue,
150Qu’il faut manquer de sens pour douter de l’issue.
Clitandre aime Caliste, et comme son rival
Il a trop de sujet de lui vouloir du mal.
Moi que depuis dix ans il tient à son service,
D’écrire comme lui j’ai trouvé l’artifice[39] ;
155Si bien que ce cartel, quoique tout de ma main[40],
À son dépit jaloux s’imputera soudain.

PYMANTE.

Que ton subtil esprit a de grands avantages !
Mais le nom du porteur ?

GÉRONTE.

Mais le nom du porteur ?Lycaste, un de ses pages.

PYMANTE.

Celui qui fait le guet auprès du rendez-vous ?

GÉRONTE.

160Lui-même, et le voici qui s’avance vers nous :
À force de courir il s’est mis hors d’haleine.


Scène VI.

PYMANTE, GÉRONTE, LYCASTE, aussi déguisé en paysan.[41]
PYMANTE.

Eh bien, est-il venu ?

LYCASTE.

Eh bien, est-il venu ?N’en soyez plus en peine ;
Il est où vous savez, et tout bouffi d’orgueil
Il n’y pense à rien moins qu’à son proche cercueil[42].

PYMANTE.

165Ne perdons point de temps. Nos masques, nos épées[43] !

(Lycaste les va quérir dans la grotte d’où ils sont sortis[44].)

Qu’il me tarde déjà que, dans son sang trempées,
Elles ne me font voir à mes pieds étendu
Le seul qui sert d obstacle au bonheur qui m’est dû !
Ah ! qu’il va bien trouver d’autres gens que Clitandre[45] !
170Mais pourquoi ces habits ? qui te les fait reprendre[46] ?

LYCASTE, leur présente à chacun un masque et une épée,
et porte leurs habits[47].

Pour notre sûreté, portons-les avec nous,
De peur que, cependant que nous serons aux coups,
Quelque maraud, conduit par sa bonne aventure,
Ne nous laisse tous trois en mauvaise posture[48].
175Quand il faudra donner, sans les perdre des yeux,
Au pied du premier arbre ils seront beaucoup mieux.

PYMANTE.

Prends-en donc même soin après la chose faite.

LYCASTE.

Ne craignez pas sans eux que je fasse retraite[49].

PYMANTE.

Sus donc ! chacun déjà devroit être masqué.
180Allons, qu’il tombe mort aussitôt qu’attaqué[50].


Scène VII.

CLÉON, LYSARQUE.
CLÉON.

Réserve à d’autres temps cette ardeur de courage[51]
Qui rend de ta valeur un si grand témoignage.
Ce duel que tu dis ne se peut concevoir.
Tu parles de Clitandre, et je viens de le voir[52]
185Que notre jeune prince enlevoit à la chasse.

LYSARQUE.

Tu les as vus passer ?

CLÉON.

Tu les as vus passer ?Par cette même place[53].
Sans doute que ton maître a quelque occasion
Qui le fait t’éblouir par cette illusion[54].

LYSARQUE.

Non, il parloit du cœur ; je connois sa franchise.

CLÉON.

190S’il est ainsi, je crains que par quelque surprise
Ce généreux guerrier, sous le nombre abattu[55],
Ne cède aux envieux que lui fait sa vertu.

LYSARQUE.

À présent il n’a point d’ennemis que je sache[56] ;

Mais quelque événement que le destin nous cache,
195Si tu veux m’obliger, viens de grâce avec moi,
Que nous donnions ensemble avis de tout au Roi[57].


Scène VIII.

CALISTE, DORISE.
CALISTE, cependant que Dorise s’arrête à chercher
derrière un buisson[58].

Ma sœur, l’heure s’avance, et nous serons à peine,
Si nous ne retournons, au lever de la Reine.
Je ne vois point mon traître, Hippolyte non plus.

DORISE, tirant une épée de derrière ce buisson,
et saisissant Caliste par le bras[59].

200Voici qui va trancher tes soucis superflus[60] ;
Voici dont je vais rendre, aux dépens de ta vie,
Et ma flamme vengée, et ma haine assouvie.

CALISTE.

Tout beau, tout beau, ma sœur, tu veux m’épouvanter ;
Mais je te connois trop pour m’en inquiéter[61].
205Laisse la feinte à part, et mettons, je te prie[62],
À les trouver bientôt toute notre industrie.

DORISE.

Va, va, ne songe plus à leurs fausses amours,

Dont le récit n’étoit qu’une embûche à tes jours[63] :
Rosidor t’est fidèle, et cette feinte amante
210Brûle aussi peu pour lui que je fais pour Pymante.

CALISTE.

Déloyale, ainsi donc ton courage inhumain…

DORISE.

Ces injures en l’air n’arrêtent point ma main.

CALISTE.

Le reproche honteux d’une action si noire[64]

DORISE.

Qui se venge en secret, en secret en fait gloire.

CALISTE.

215T’ai-je donc pu, ma sœur, déplaire en quelque point ?

DORISE.

Oui, puisque Rosidor t’aime et ne m’aime point ;
C’est assez m’offenser que d’être ma rivale.


Scène IX.

ROSIDOR, PYMANTE, GÉRONTE, LYCASTE, CALISTE, DORISE.
Comme Dorise est prête de tuer Caliste, un bruit entendu lui fait relever son épée, et Rosidor paroît tout en sang, poursuivi par ces trois assassins masqués. En entrant, il tue Lycaste ; et retirant son épée, elle se rompt contre la branche d’un arbre. En cette extrémité, il voit celle[65] que tient Dorise ; et sans la reconnoître, il s’en saisit, et passe tout d’un temps le tronçon qui lui restoit de la sienne en la main gauche, et se défend ainsi contre Pymante et Géronte, dont il tue le dernier et met l’autre en fuite.
ROSIDOR.

Meurs, brigand. Ah ! malheur ! cette branche fatale

A rompu mon épée. Assassins… Toutefois,
220J’ai de quoi me défendre une seconde fois.

DORISE, s’enfuyant[66].

N’est-ce pas Rosidor qui m’arrache les armes ?
Ah ! qu’il me va causer de périls et de larmes[67] !
Fuis, Dorise, et fuyant laisse-toi reprocher
Que tu fuis aujourd’hui ce qui t’est le plus cher.

CALISTE.

225C’est lui-même de vrai. Rosidor, ah ! je pâme !
Et la peur de sa mort ne me laisse point d’âme.
Adieu, mon cher espoir.

ROSIDOR, après avoir tué Géronte.

Adieu, mon cher espoir.Cettui-ci dépêché,
C’est de toi maintenant que j’aurai bon marché.
Nous sommes seul à seul. Quoi ! ton peu d’assurance[68]
230Ne met plus qu’en tes pieds sa dernière espérance ?
Marche, sans emprunter d’ailes de ton effroi :
Je ne cours point après des lâches comme toi[69].
Il suffit de ces deux. Mais qui pourroient-ils être ?
Ah ciel ! le masque ôté me les fait trop connoître[70].
235Le seul Clitandre arma contre moi ces voleurs ;
Cettui-ci fut toujours vêtu de ses couleurs[71] ;
Voilà son écuyer, dont la pâleur exprime
Moins de traits de la mort que d’horreurs de son crime[72] ;
Et ces deux reconnus, je douterois en vain[73]

240De celui que sa fuite a sauvé de ma main.
Trop indigne rival, crois-tu que ton absence
Donne à tes lâchetés quelque ombre d’innocence,
Et qu’après avoir vu renverser ton dessein,
Un désaveu démente et tes gens et ton seing ?
245Ne le présume pas ; sans autre conjecture,
Je te rends convaincu de ta seule écriture,
Sitôt que j’aurai pu faire ma plainte au Roi.
Mais quel piteux objet se vient offrir à moi[74] ?
Traîtres, auriez-vous fait sur un si beau visage,
250Attendant Rosidor, l’essai de votre rage ?
C’est Caliste elle-même ! Ah Dieux, injustes Dieux[75] !
Ainsi donc, pour montrer ce spectacle à mes yeux,
Votre faveur barbare a conservé ma vie[76] !
Je n’en veux point chercher d’auteurs que votre envie :
255La nature, qui perd ce qu’elle a de parfait,
Sur tout autre que vous eût vengé ce forfait.
Et vous eût accablés, si vous n’étiez ses maîtres.
Vous m’envovez en vain ce fer contre des traîtres[77] ;

Je ne veux point devoir mes déplorables jours
260À l’affreuse rigueur d’un si fatal secours.
Ô vous qui me restez d’une troupe ennemie
Pour marques de ma gloire et de son infamie,
Blessures, hâtez-vous d’élargir vos canaux[78].
Par où mon sang emporte et ma vie et mes maux !
265Ah ! pour l’être trop peu, blessures trop cruelles,
De peur de m’obliger vous n’êtes pas mortelles.
Eh quoi, ce bel objet, mon aimable vainqueur,
Avoit-il seul le droit de me blesser au cœur ?
Et d’où vient que la mort, à qui tout fait hommage,
270L’ayant si mal traité, respecte son image ?
Noires divinités, qui tournez mon fuseau,
Vous faut-il tant prier pour un coup de ciseau ?
Insensé que je suis ! en ce malheur extrême,
Je demande la mort à d’autres qu’à moi-même ;
275Aveugle ! je m’arrête à supplier en vain,
Et pour me contenter j’ai de quoi dans la main.
Il faut rendre ma vie au fer qui l’a sauvée ;
C’est à lui qu’elle est due, il se l’est réservée ;
Et l’honneur, quel qu’il soit, de finir mes malheurs,
280C’est pour me le donner qu’il l’ôte à des voleurs.

Poussons donc hardiment. Mais, hélas ! cette épée[79],
Coulant entre mes doigts, laisse ma main trompée ;
Et sa lame, timide à procurer mon bien,
Au sang des assassins n’ose mêler le mien.
285Ma foiblesse importune à mon trépas s’oppose ;
En vain je m’y résous, en vain je m’y dispose ;
Mon reste de vigueur ne peut l’effectuer ;
J’en ai trop pour mourir, trop peu pour me tuer :
L’un me manque au besoin, et l’autre me résiste.
290Mais je vois s’entrouvrir les beaux yeux de Caliste[80],
Les roses de son teint n’ont plus tant de pâleur,
Et j’entends un soupir qui flatte ma douleur.
Voyez, Dieux inhumains, que malgré votre envie
L’amour lui sait donner la moitié de ma vie,
295Qu’une âme désormais suffit à deux amants.

CALISTE.

Hélas ! qui me rappelle à de nouveaux tourments ?
Si Rosidor n’est plus, pourquoi reviens-je au monde[81] ?

ROSIDOR.

Ô merveilleux effet d’une amour sans seconde[82] !

CALISTE.

Exécrable assassin, qui rougis de son sang[83],
300Dépêche comme à lui de me percer le flanc,
Prends de lui ce qui reste.

ROSIDOR.

Prends de lui ce qui reste.Adorable cruelle[84],
Est-ce ainsi qu’on reçoit un amant si fidèle ?

CALISTE.

Ne m’en fais point un crime : encor pleine d’effroi,
Je ne t’ai méconnu qu’en songeant trop à toi.
305J’avois si bien gravé là dedans ton image[85],
Qu’elle ne vouloit pas céder à ton visage.
Mon esprit, glorieux et jaloux de l’avoir,
Envioit à mes veux le bonheur de te voir[86].
Mais quel secours propice a trompé mes alarmes ?
310Contre tant d’assassins qui t’a prêté des armes ?

ROSIDOR.

Toi-même, qui t’a mise à telle heure en ces lieux,
Où je te vois mourir et revivre à mes yeux ?

CALISTE.

Quand l’amour une fois règne sur un courage…
Mais tâchons de gagner jusqu’au premier village,

315Où ces bouillons de sang se puissent arrêter ;
Là j’aurai tout loisir de te le raconter,
Aux charges qu’à[87] mon tour aussi l’on m entretienne.

ROSIDOR.

Allons ; ma volonté n’a de loi que la tienne ;
Et l’amour, par tes yeux devenu tout-puissant,
320Rend déjà la vigueur à mon corps languissant.

CALISTE.

Il donne en même temps une aide à ta foiblesse[88].
Puisqu’il fait que la mienne auprès de toi me laisse,
Et qu’en dépit du sort ta Caliste aujourd’hui[89]
À tes pas chancelants pourra servir d’appui.

FIN DU PREMIER ACTE.
  1. Var. CALISTE, regardant derrière elle. (1632)
  2. Var. Je ne suis point suivie, et sans être entendue.

    Mon pas lent et craintif en ces lieux m’a rendue.

    Tout le monde au château, plongé dans le sommeil,

    Loin de savoir ma fuite, ignore mon réveil ;

    Un silence profond mon dessein favorise.

    Heureuse entièrement si j’avois ma Dorise,

    Ma fidèle compagne, en qui seule aujourd’hui

    Mon amour affronté rencontre quelque appui (a).

    C’est d’elle que j’ai su qu’un amant hypocrite,

    [Feignant de m’adorer, brûle pour Hippolyte ;]

    D’elle j’ai su les lieux où l’amour qui les joint

    Ce matin doit passer jusques au dernier point.

    Et pour m’obliger mieux elle m’y doit conduire (b). (1632-57)

    (a). Mon amour qu’on trahit rencontre quelque appui. (1644-57)
    (b). [Et pour les y surprendre elle m’y doit conduire.] (1644-57)
  3. Var. Mais qu’elle est paresseuse à me venir treuver ! (1632)
  4. Var. Toi que l’œil qui te blesse attend pour te guérir,

    Éveille-toi, brigand, hâte-toi d’acquérir

    Sur l’honneur d’Hippolyte une infâme victoire,

    Et de m’avoir trompée une honteuse gloire ;

    Hâte-toi, déloyal, de me fausser ta foi. (1632-57)

    Var. Toi par qui ma rivale a de quoi me braver.

    Ne tarde plus, volage, à la venir trouver,

    Hâte-toi d’affermir ton indigne victoire.

    De s’assurer l’éclat de cette infâme gloire,

    De signaler ton nom par ton manque de foi. (1660)
  5. Var. Ah, mes yeux ! si jamais vos naturels offices. (1632)
  6. Var. [Vous êtes de mon heur les cruels adversaires.]
    Un infidèle encor régnant sur mon penser,
    Votre fidélité ne peut que m’offenser.
    Apprenez, apprenez par le traître que j’aime
    Qu’il vous faut me trahir pour être aimé de même.
    Et toi, père du jour, dont le flambeau naissant
    Va chasser mon erreur avecque le croissant,
    S’il est vrai que Thétis te reçoit dans sa couche,
    Prends, soleil, prends encor deux baisers sur sa bouche.
    Ton retour me va perdre, et retrancher ton bien :
    Prolonge, en l’arrêtant, mon bonheur et le tien.
    [Puisqu’il faut qu’avec toi ce que je crains éclate.] (1632-57)
  7. Var. Las ! il ne m’entend point, et l’aube de ses rais (a). (1632-57)
    (a). Rais, rayons. Voyez le Lexique.
  8. Var. Si je me peux fier à sa lumière sombre. (16632)
    Var. Si je me puis fier à sa lumière sombre. (1644-60)
  9. Var. Dont l’éclat impuissant dispute avecque l’ombre. (1632-57)
  10. En marge, dans l’édition de 1632 : Rosidor et Lysandre entrent.
  11. Var. Rentre, pauvre Caliste, et te cache de sorte. (1632-57)
  12. Var. lysarque, son écuyer. (1632)
  13. Var. Me prouve évidemment ta désobéissance. (1632-57)
  14. Var. Je puisse dans le bois consulter mon amour. (1632)
  15. Var. Cette inclination secrète qui vous mène. (1632-57)
  16. Var. On ne verra jamais que je manque de foi
    À celle que j’adore et qui n’aime que moi.
    lys. Bien que vous en ayez, une entière assurance.
    Vous pouvez vous lasser de vivre d’espérance,
    Et tandis que l’attente amuse vos désirs,
    Prendre ailleurs quelquefois de solides plaisirs.
    ros. Purge, purge d’erreur ton âme curieuse,
    [Qui par ces faux soupçons m’est trop injurieuse.] (1632-57)
  17. Voyez la note relative au vers 96 de Mélite.
  18. Var. Monsieur, pour en douter que vous ai-je pu faire ? (1632-57)
  19. Var. Avise à ta retraite. Hier le cartel reçu. (1657)
  20. Var. lys. Et ce cartel contient ? ros. Que seul il doit m’attendre
    Près du chêne sacré, pour voir qui de nous deux. (1632-57)
  21. Var. De plus m’offrir un aide à mériter Caliste. (1652-57)
  22. Var. lysargue, seul. (1632-60)
  23. Var. Sans treuver les moyens d’être de la partie. (1632)
  24. Dans l’édition de 1632, les scènes iii et iv n’en forment qu’une, qui porte en tête : caliste, dorise, et au-dessous : caliste, seule.
  25. Var. Sa fourbe se prévaut de son autorité. (1632)
  26. Var. Qu’il treuve un beau prétexte en ses flammes éteintes ! (1632-54)
  27. Var. Et ses traîtres désirs l’emportent où l’appelle
    Le cartel amoureux d’une beauté nouvelle. (1632-57)
  28. En marge, dans l’édition de 1632 : Dorise entre.
  29. Var. Mais c’est à faute d’air que le feu s’amortit. (1632-57)
  30. Var. Que par là ma douleur accroît son amertume. (1632-57)
  31. Var. Aux desseins enragés qu’il veut exécuter. (1632-57)
  32. Caliste va toujours devant, et Dorise demeure seule. (1632, en marge.)
  33. Var. Ces desseins enragés te vont coûter la vie :
    Un fer caché me donne en ces lieux sans secours
    La fin de mes malheurs dans celle de tes jours ;
    Et lors ce Rosidor qui possède mon âme,
    Cet ingrat qui t’adore et néglige ma flamme,
    Que mes affections n’ont encor su gagner,
    Toi morte, n’aura plus pour qui me dédaigner. (1632-57)
  34. En marge, dans l’édition de 1632 : Elle va rejoindre Caliste.
  35. Var. D’une caverne. (1644-60) — Ils sortent d’une grotte, déguisés en paysans. (1663, en marge.) — Dans l’édition de 1632, les scènes v et vi sont réunies en une seule, en tête de laquelle on lit : pymante, géronte, écuyer de Clitandre ; lycaste, page de Clitandre. À la marge, auprès des premiers vers de la scène : Pymante et Géronte sortent d’une caverne, seuls et déguisés en paysans.
  36. Var. Amène Rosidor, séduit d’un faux cartel. (1632-57)
  37. Var. Qui le caresse autant comme elle vous méprise. (1632)
  38. Var. Et ne puis deviner quelle raison l’oblige (a)
    À dédaigner vos feux pour un qui la néglige.
    Vous qui valez… pym. Géronte, au lieu de me flatter,
    Parlons du principal. Ne peut-il éventer
    Notre supercherie ? (1632-57)
    (a). Et ne puis deviner par quel charme surprise
    Elle fuit qui l’adore et suit qui la méprise.
    Vu que votre mérite… pym. Au lieu de me flatter. (1644-57)
  39. Var. J’ai contrefait son seing, et par cet artifice, (1632-57)
  40. Var. Ce faux cartel, encor que de ma main écrit,
    Est présumé de lui. pym. Que ton subtil esprit
    Sur tous ceux des mortels a de grands avantages !
    Mais qui fut le porteur ? (1632)
    Var. J’ai fait que ce cartel, par un des siens porté,
    À nul autre qu’à lui ne peut être imputé.
    [pym. Que ton subtil esprit a de grands avantages !] (1644-57)
  41. Cette indication manque, en tête de cette scène, dans les éditions de 1632 et de 1663. À la place, on lit en marge, dans l’édition de 1632, auprès des derniers vers de notre scène v : Lycaste arrive déguise comme eux ; et dans l’édition de 1663, auprès des premiers vers de la scène vi : Lycaste est déguisé comme eux en paysan.
  42. Var. Ne s’attend à rien moins qu’à son proche cercueil (a). (1632-54)
    (a). On lit propre cercueil, pour proche cercueil, dans les éditions de 1657 et de 1682 ; mais c’est très-vraisemblablement une faute d’impression. Toutes les autres éditions donnent proche.
  43. Var. N’usons plus de discours. Nos masques, nos épées ! (1632-60)
  44. Ces mots manquent dans les éditions de 1644-60 ; à la place, on lit en marge dans celle de 1632 : Lycaste les va quérir dans la caverne, ou tous trois s’étaient déjà déguisés.
  45. Var. Ah ! qu’il va bien treuver d’autres gens que Clitandre ! (1632-52)
  46. En marge, dans l’édition de 1632 : Lycaste revient, et avec leurs masques et leurs épées, rapporte encore leurs vrais habits.
  47. Var. lycaste, en leur baillant chacun un masque et une épée (1632). — Les éditions de 1644-57 ajoutent à ce jeu de scène de 1632 : et portant leurs habits. — En marge, dans l’édition de 1663 : Il leur présente a chacun, etc. La leçon de 1660 est : En leur présentant a chacun… et portant, etc.
  48. Var. Les prenant ne nous mette en mauvaise posture. (1632-57)
  49. Var. Je n’ai garde sans eux de faire ma retraite. (1632-57)
  50. En marge, dans l’édition de 1632 : Ils se masquent tous trois.
  51. Var. Réserve à d’autres fois cette ardeur de courage. (1632-57)
  52. Var. Tu parles de Clitandre, et je le viens de voir
    Que notre jeune prince amenoit à la chasse. (1632-57)
  53. Var. lys. En es-tu bien certain ? cléon. Je l’ai vu face à face,
    Sans doute qu’il en baille à ton maître à garder.
    lys. Il est trop généreux pour si mal procéder.
    cléon. Je sais bien que l’honneur tout autrement ordonne ;
    Mais qui le retiendroit ? Toutefois je soupçonne…
    lys. Quoi ? que soupçonnes-tu ? cléon. Que ton maître rusé
    Avec un faux cartel t’auroit bien abusé.
    lys. Non, il parloit du cœur ; je connois sa franchise.] (1632)
  54. Var. Qui le fait t’éblouir par quelque illusion. (1657)
  55. Var. Ce valeureux seigneur, sous le nombre abattu. (1632-57)
  56. Var. À présent il n’a point d’ennemi que je sache. (1657)
  57. Var. Qu’ensemble nous donnions avis de tout au Roi. (1632)
  58. Var. Dorise s’arrête a chercher, etc. (1663, en marge.)
  59. Var. Elle tire, etc. (1663, en marge.) — Les mots par le bras manquent dans les éditions de 1632-60.
  60. Var. Voici qui va trancher tels soucis superflus ;
    Voici dont je vais rendre, en te privant de vie,
    Ma flamme bien heureuse et ma haine assouvie. (1632-57)
  61. Var. dor. Dis que dedans ton sang je me veux contenter. (1632)
    Var. dor. Dis qu’avecque ta mort je me veux contenter. (1644-57)
  62. Var. cal. Laisse, laisse la feinte, et mettons, je te prie. (1632-57)
  63. Var. Dont le récit n’étoit qu’un embûche à tes jours. (1654 et 60)
  64. Var. Le reproche éternel d’une action si lâche…
    dor. Agréable toujours, n’aura rien qui me fâche. (1632-57)
  65. Var. Il voit l’épée. (1632)
  66. Var. Laissant Calise, et s’enfuyant. (1682) — Ce jeu de scène n’est point indiqué dans l’édition de 1663.
  67. Var. Las ! qu’il me va causer de périls et de larmes ! (1632-57)
  68. En marge, dans les éditions de 1632 et de 1663 : Pymante fuit.
  69. Var. Je ne cours point après de tels coquins que toi. (1632-57)
  70. En marge, dans l’édition de 1632 : Il les démasque.
  71. Var. Cettui-ci fut toujours couvert de ses couleurs, (1654)
  72. Var. Moins de traits de la mort que l’horreur de son crime. (1657)
  73. Var. Et j’ose présumer avec juste raison
    Que le tiers est sans doute encor de sa maison.
    Traître, traître rival, crois-tu que ton absence. (1632-57)
  74. En marge, dans l’édition de 1632 : Il voit Caliste pâmée et la croit morte.
  75. Var. C’est ma chère Caliste ! Ah ! Dieux, injustes Dieux ! (1632-57)
  76. Var. Votre faveur cruelle a conservé ma vie. (1632-57)
  77. Var. [Vous m’envoyez en vain ce fer contre des traîtres,]
    Sachez que Rosidor maudit votre secours :
    Vous ne méritez pas qu’il vous doive ses jours.
    Unique déité qu’à présent je réclame,
    Belle âme, viens aider à sortir à mon âme ;
    Reçois-la sur les bords de ce pâle coral ;
    Fais qu’en dépit des Dieux, qui nous traitent si mal
    Nos esprits, rassemblés hors de leur tyrannie,
    Goûtent là-bas un bien qu’ici l’on nous dénie.
    Tristes embrassements, baisers mal répondus,
    Pour la première fois donnés et non rendus,
    Hélas ! quand mes douleurs me l’ont presque ravie,
    Tous glacés et tous morts, vous me rendez la vie.
    Cruels, n’abusez plus de l’absolu pouvoir
    Que dessus tous mes sens l’amour vous fait avoir ;
    N’employez qu’à ma mort ce souverain empire.
    Ou bien, me refusant le trépas où j’aspire,
    Laissez faire à mes maux, ils me viennent l’offrir ;
    Ne me redonnez plus de force à les souffrir.
    Caliste, auprès de toi la mort m’est interdite (a) ;
    Si je te veux rejoindre, il faut que je te quitte :
    Adieu, pour un moment, consens à ce départ.
    Sus, ma douleur, achève, ici que de sa part
    Je n’ai plus de secours, ni toi plus de contraintes,
    Porte-moi dans le cœur tes plus vives atteintes,
    Et pour la bien punir de m’avoir ranimé,
    Déchire son portrait que j’y tiens enfermé ;
    Et vous, qui me restez d’une troupe ennemie. (1632-57)
    (a). En marge, dans l’édition de 1632 : Il se relève d’auprès d’elle, et y laisse cette garde d’épée rompue.
  78. Var. Blessures, dépêchez d’élargir vos canaux. (1632)
  79. En marge, dans l’édition de 1632 : Il tombe de foiblesse, et son épée tombe aussi de l’autre côté, et lui insensiblement se traîne auprès de Caliste.
  80. Var. Mais insensiblement je retrouve Caliste ;
    Ma langueur m’y reporte, et mes genoux tremblants
    Y conduisent l’erreur de mes pas chancelants.
    Adorable sujet de mes flammes pudiques,
    Dont je trouve en mourant les aimables reliques,
    Cesse de me prêter un secours inhumain,
    Ou ne donne du moins des forces qu’à ma main,
    Qui m’arrache aux tourments que ton malheur me livre ;
    Donne-m’en pour mourir comme tu fais pour vivre.
    Quel miracle succède à mes tristes clameurs (a) !
    Caliste se ranime autant que je me meurs (b).
    [Voyez, Dieux inhumains, que malgré votre envie.] (1632-57)
    (a). En marge, dans l’édition de 1632 : Elle revient de pâmoison.
    (b). Caliste se ranime à même que je meurs. (1644-57)
  81. Var. Rosidor n’étant plus, qu’ai-je à faire en ce monde ? (1632)
  82. On lit dans l’édition de 1657 : d’un amour, pour d’une amour ; mais la fin du vers : sans seconde, prouve que c’est une faute d’impression.
  83. En marge, dans l’édition de 1632 : Elle regarde Rosidor, et le prend pour un des assassins.
  84. Var. Prends de lui ce qui reste, achève. ros. Quoi ! ma belle,
    Contrefais-tu l’aveugle afin d’être truelle ?
    cal. (a) Pardonne-moi, mon cœur : encor pleine d’effroi. (1632-57)
    (a). En marge, dans l’édition de 1632 : Elle se jette à son col.
  85. Var. J’avois si bien logé là dedans ton image. (1632-57)
  86. Var. [Envioit à mes yeux le bonheur de te voir.]
    ros. Puisqu’un si doux appas se treuve en tes rudesses (b),
    Que feront tes faveurs, que feront tes caresses ?
    Tu me fais un outrage à force de m’aimer,
    Dont la douce rigueur ne sert qu’à m’enflammer.
    Mais si tu peux souffrir qu’avec toi, ma chère âme,
    Je tienne des discours autres que de ma flamme,
    Permets que, t’ayant vue en cette extrémité,
    Mon amour laisse agir ma curiosité,
    Pour savoir quel malheur te met en ce bocage.
    cal. Allons premièrement jusqu’au prochain village,
    Où ces bouillons de sang se puissent étancher,
    Et là je le promets de ne te rien cacher,
    [Aux charges qu’à mon tour aussi l’on m’entretienne.] (1632-57)
    (b). Puisqu’un si doux appas se trouve en tes rudesses. (1652-57)
  87. Aux charges que, à la charge que, à condition que.
  88. Var. Il forme tout d’un temps un aide à ta foiblesse. (1632-48)
    Var. Il forme tout d’un temps une aide à ta foiblesse. (1652-57)
  89. Var. Si bien que la bravant ta maîtresse aujourd’hui
    N’aura que trop de force à te servir d’appui. (1632-57)