Correspondance 1812-1876, 6/1872/DCCCLXI
DCCCLXI
À MADEMOISELLE BLANCHE BARRETTA, À PARIS
Je regrette beaucoup, ma chère enfant, après toutes les belles espérances que vous m’aviez fait concevoir du bon vouloir de M. Perrin, et surtout après les éloges que je lui ai entendu faire de vous, qu’il n’ait plus jugé à propos de vous attacher à la Comédie-Française. Cela, sans doute, est pénible, mais il ne faut pourtant pas vous décourager. Vous êtes jeune, vous êtes intelligente, vous êtes travailleuse, et l’avenir est à vous. Soyez sûre que les commencements trop faciles ont souvent de grands inconvénients, et que le talent se fortifie et se développe presque toujours en raison des obstacles qu’on lui oppose. M. Duquesnel me paraît avoir été mieux avisé que M. Perrin, et j’espère que les rôles qu’il va vous donner vont mettre en lumière les qualités réelles dont vous ont douée tout à la fois et la nature et votre travail.
M. Plouvier, l’auteur de la Salamandre, est mon ami ; c’est un homme de mérite, et surtout un excellent homme. Je suis convaincue que vous n’aurez qu’à vous louer de ses procédés, et je ne saurais trop vous engager à bien écouter ses conseils. Mon regret est très vif de ne pouvoir être auprès de vous pour vous encourager à votre première épreuve ; mais, chez vous, le fond est solide, la nature est assouplie, et je suis sûre que vous saurez exécuter par vous-même tout ce que l’auteur pourra vous demander. Dès que je serai de retour ne manquez pas de venir me voir, et, si pour ce rôle, comme pour tout autre, vous avez besoin de mon aide, comptez, ma chère enfant, qu’il vous est assuré.
Présentez, je vous prie, mes respectueux compliments à madame votre mère, et croyez-moi, ma chère Blanche, votre bien affectionnée.