Correspondance 1812-1876, 6/1873/CMIII
CMIII
À M. HENRI AMIC, À PARIS
Oui, j’ai lu votre lettre, monsieur, et je l’ai trouvée bonne et vraie. Je vous en remercie donc, et, malgré une main encore malade, je veux y répondre. Vous me posez une question toute résolue dans mon expérience : restez pur et mariez-vous jeune, avec une femme que vous aimerez ; vous aurez de beaux enfants sains et viables, c’est le but de la vie. La moitié de ces chers êtres languit ou périt par la faute du père !
Et si, du fait physique, nous passons au fait moral, quelle richesse accumulée dans l’âme qui a su attendre et se gouverner ! quelle santé, quelle force et quelle puissance dans cette âme-là ! puissance transmissible comme l’autre. Réfléchissez aux progrès qu’eût fait l’espèce, à quels désastres elle eût échappé, sans l’intervention du vice, qui a tué toutes les énergies de père en fils et de mère en fille.
Soyez donc du petit nombre des hommes qui veulent remonter l’échelle descendue par les autres, nombre infiniment petit, mais à qui l’avenir appartient, tandis que tout le reste est condamné.
Adieu, monsieur. Ayez la volonté de faire remonter la substance, esprit et matière, vers sa plus haute et sa plus nécessaire expression, qui est ce que nous appelons Dieu.
À vous de cœur.