Correspondance choisie de Gœthe et Schiller/1/Lettre 10

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10.

Réponse de Gœthe à la lettre précédente.

Vous m’avez fait grand bien par le bon témoignage que vous me rendez du premier livre de mon roman. Après l’étrange destinée qu’à eue cette production, à tous points de vue, il n’y aurait rien d’étonnant à ce que je fusse dans la plus complète incertitude. J’ai fini par m’en tenir purement et simplement à mes idées ; je serai bien heureux si elles me conduisent au terme de ce labyrinthe.

Gardez le premier livre aussi longtemps que vous le voudrez; pendant ce temps vous recevrez le second, et vous lirez le troisième en manuscrit. De cette manière vous trouverez plus de points d’appui pour votre jugement. Je souhaite que votre plaisir, loin de diminuer, aille en grandissant avec les livres suivants. Puisque j’ai le suffrage de M. Humboldt en même temps que le vôtre, ce sera une raison de continuer mon œuvre avec d’autant plus d’ardeur et de courage.

La suppression, à la suite des articles, des noms qui ont paru dans l’annonce, augmente certainement l’intérêt; seulement il faut que les articles soient intéressants.

L’histoire de Mlle Clairon ne me préoccupe plus; ne m’en dites plus rien jusqu’à la publication de notre œuvre.

Portez-vous bien. J’espère que je serai assez heureux pour commencer la nouvelle année avec vous.

Gœthe.
Weimar, le 10 décembre 1794.