Correspondance d’Orient, 1830-1831/032

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Correspondance d’Orient, 1830-1831
Ducollet (p. 129-142).

LETTRE XXXII.

ROUTE D’ARTAKI À CONSTANTINOPLE.

21 Août 1830.

Il était cinq heures du soir lorsque nous sommes sortis d’Artaki ; nous avons pris dans notre caïque un caloyer qui fesait la quête pour le grand monastère, c’est-à-dire pour le mont Athos. L’ignorance des caloyers est égale à celle de la plupart des prêtres grecs. Exorciser les vers à soie, écarter les effets du mauvais œil par des cérémonies religieuses, guérir les malades par des paroles mystiques, se condamner à des abstinences qui peuvent altérer la santé et menacer la vie, voila en quoi consiste principalement la dévotion des caloyers comme des papas. Plusieurs voyageurs ont remarqué que, dans le clergé grec, on ne trouvait guère de gens instruits que parmi les évêques. Je ne vous répéterai point tout ce que nous a débité le cénobite du mont Athos. Nos marins grecs croyaient tout ce qu’il disait comme parole d’évangile, et montraient un grand respect pour sa personne. D’un autre côté, ils se moquaient beaucoup du prêtre arménien que nous avions pris aux Dardanelles : ils reprochaient surtout à ce dernier de faire le signe de la croix en portant d’abord la main à l’épaule droite, ce qui était à leurs yeux une grande marque d’hérésie. Ils riaient surtout, et j’avoue que j’en riais avec eux, des terreurs continuelles de notre pauvre compagnon de route, que la moindre vague faisait trembler de tous ses membres. « Il a bien plus peur de l’eau que du feu éternel, disaient-ils ; la crainte du naufrage l’emporte de beaucoup chez lui sur la crainte des jugemens de Dieu. » Comme les matelots grecs observaient très sévèrement leur carême, ils voyaient avec scandale et peut-être aussi avec un peu de jalousie, qu’on mangeât devant eux, à toute heure, sans s’informer si on était dans un temps de jeûne et de mortification. En effet, le prêtre arménien, qui avait assez jeûné dans son exil, s’en dédommageait amplement avec nous ; et toutes les fois qu’on déployait devant lui l’appareil d’un dîner ou d’un déjeuner, sa figure ronde s’épanouissait, et il ne se faisait pas prier pour prendre place au festin. Du reste, il se moquait de tout ce qu’on disait autour de lui ; il, parlait fort peu ; et lorsque la mer nous laissait quelques momens de repos, il tricotait des bas bleus dans un coin du calque, ou disait ses prières dans un livre arménien, sans que rien pût troubler la sécurité de son esprit.

Nous avons débarqué à Rhoda, petit village grec, situé à trois ou quatre lieues d’Artaki. En nous promenant sur le rivage, nous avons remarqué quelques beaux marbres qui ont appartenu à une église ; comme la tramontane recommençait à souffler violemment, nous avons passé la nuit à terre, et nous n’avons remis à la voile que le lendemain après le lever du soleil. La côte de Cisyque, que nous ne perdions point de vue, est presque partout couverte de bois, et n’offre des terres cultivées que sur les rives de la mer. Nous sommes arrivés avec peine jusqu’à la pointe de la presqu’île, où se trouve un assez gros village, qui porte le nom de Karaki. Je vous ai dit que M. Poujoulat avait pris la fièvre dans les souterrains de Cisyque ; comme nous avions fait un trajet pénible, et que les vagues de la mer avaient trempé nos vêtemens, chacun de nous sentait le besoin de se reposer à terre, et mon compagnon malade ne pouvait supporter plus long-temps toutes les incommodités de notre embarcation. D’un autre côté, notre caloyer du mont Athos avait l’espoir de faire une bonne quête à Karaki, habité par des Grecs. Nos mariniers nous ont débarqués. Nous aurions eu besoin d’un logement commode, mais nous n’avons trouvé qu’une maison en ruines qu’on nous a permis d’occuper. Notre malade, dont la fièvre avait redouble, a été obligé de se coucher sur une natte dans une chambre ouverte à tous les vents. Quelques uns de nous se sont couchés auprès de lui, les autres sur l’escalier, dont il ne reste plus que quelques marches. La tramontane ébranlait les toits, et nous craignions à tout moment d’être écrasés sous les débris de l’édifice chancelant. La maison n’avait point de porte qu’on put fermer ; nous avons fait bonne garde pendant la huit, ce qui n’a pas empêché qu’on ait pris dans la poche de M. Poujoulat une bourse remplie de médailles ramassées au cap Sigée. Le voleur, qui croyait avoir mis sans doute la main sur des pièces d’or, n’aura pu se féliciter de cet exploit nocturne, car les médailles n’étaient ni en argent ni en or, et ne pouvaient enrichir personne, pas même un savant. Nous nous sommes facilement consolés de cette perte.

La population de Karaki est misérable, et la plupart des habitations n’y sont guère mieux bâties que celle où nous avons passé la nuit. Cependant, notre caloyeer a fait merveille dans cette pauvre bourgade ; c’était à qui lui apporterait des plus beaux raisins, les plus belles figues du pays, en échange de ses bénédictions. Il a fait aussi une assez bonne moisson de piastres, car, en pareille occasion, il n’y a rien de plus généreux que la misère. Les Grecs, du village que nous avons vus, se plaignent beaucoup des agas qui les ruinent : il faut qu’ils livrent aux agens du fisc tout ce qu’ils recueillent ; ils ne peuvent ni vendre à leur gré ni garder pour eux-mêmes ce qui n’est pas jugé nécessaire à leurs besoins. Un des principaux habitans venait de recevoir la bastonnade pour s’être réservé une demi-livre, de, la soie qu’il avait récoltée.

Tous ces pauvres Grecs sont sans cesse dans l’attente d’un secours qui doit leur arriver d’Europe ; peu s’en faut qu’on ne nous ait pris pour l’avant-garde d’une armée de libérateurs. Les hommes n’osaient pas trop nous parler ; ils nous envoyaient leurs femmes. — Quand viendra-t-on nous délivrer ? disaient-elles. — Prenez patience. — Il y a si long-temps que nous souffrons. — Parmi les jours qui sont encore derrière la montagne, il y en a un qui est marque pour votre délivrance mais il faut l’attendre. — J’ai voulu répéter, ici ce que j’avais, dit à notre hôte d’Artaki ; je n’ai persuadé personne. Comment peut prospérer un empire où la moitié des habitans est ainsi, condamnée au désespoir et ne trouve pas même une consolation dans les réformes qu’on prépare ! J’ai remarqué partout que ce n’était pas seulement la misère qui donnait aux Grecs une si grande impatience de changement. Il règne entre les Grecs et les Turcs une antipathie dont je ne peux vous donner une idée qu’en la comparant à celle qui existe entre certains animaux. Il faudrait changer les lois de la nature pour remédier au mal. Aussi, une société, où se trouvent réunis ensemble des Turcs, des Juifs, des Arméniens et des Grecs, nous rappelle-t-elle, au premier aspect, cette association qui, selon notre bon La Fontaine, se forma un jour entre la génisse, la chèvre, la brebis et le lion. Quel avenir espérer pour une association pareille ?

En quittant le port de Karaki, nous nous sommes trouvés en face des Mes de Marmara, appelées Proconèse chez les anciens ; ce sont des îles pauvres et peu habitées. Elles ont reçu le nom de Marmara de leurs carrières de marbre. Ces carrières ont fourni les marbres des palais et des temples dont nous avons cherché les ruines. On les exploite aujourd’hui pour les mosquées, les fontaines et les mausolées de Stamboul et des cités voisines. La mer de Marmara était célèbre chez les anciens ; ses rives étaient florissantes et bien peuplées. Notre caïque s’est rapproché des rivages de l’Europe, et nous n’avons pu voir sur les côtes d’Asie ni l’embouchure du Rhindacus, ni Mundania au fond de son golfe, ni ces belles régions de la Bithinie, où les voyageurs admirent encore les ruines de Nicomédie et de Nicée. Le mont Olympe nous montrait ses cimes azurées, et le pays de Brousse se perdait pour nous dans un horizon lointain.

En longeant la côte d’Europe, nous avons passé devant Rodosto ; il était nuit, et nous n’avons pu voir cette ville dont l’histoire nous répète si souvent le nom, et qui est encore la plus considérable de toutes les villes de cette côte après Gallipoli. Le jour se levait à peine, quand nous avons salué l’ancienne ville d’Héradée (Eski-Erekli), bâtie en amphithéâtre sur une colline. On pourrait encore reconnaître cette ville à la description que nous en a laissée Diodore de Sicile. Cette cité, qui fut fondée par l’Hercule-Phénicien, paraît abandonnée aujourd’hui, et son port, le plus beau de tous ceux de l’Hellespont et de la mer de Marmara, ne reçoit plus dans ses eaux solitaires que quelques barques de pécheurs. Nous sommés bientôt arrivés à Sélivrée, où nous avons passé quelques heures.

Il faut distinguer à Sélivrée l’ancienne et la nouvelle ville ; celle-ci s’étend au bord de la mer et non loin du port ; elle n’est guère habitée que par des Turcs, qui paraissent un peu plus actifs que dans d’autres villes musulmanes. Le port de Sélivrée n’est accessible qu’à de petits hàtimens. Nous n’y avons rencontré que des portefaix qui chargent du charbon pour Constantinople. La ville est traversée par une route qui mène à Stamboul et qui paraît assez fréquentée : nous avons vu passer par cette route des voitures, et même des diligences qui viennent de Gallipoli. Ces diligences sont des espèces de chariots tartares, non suspendus, auprès desquels les plus mauvais fourgons de nos armées seraient des voitures commodes. Au nord-ouest de la ville est une grande plaine marécageuse au milieu de laquelle, on a construit une chaussée. Au bout de cette chaussée est un pont formé de trente-deux arches. La rivière, qui traverse le pont à son embouchure, ne roule pas plus d’eau que le Granique et le Rhodius ; à quelques lieues de la mer, elle n’est qu’un torrent impétueux qu’il est difficile de contenir. C’est sur les bords de cette rivière, que l’armée de Conrad, dans la seconde croisade, fut surprise par un débordement, et perdit presque tous ses bagages.

L’ancienne cité, appelée tour-à-tour Selymbria, Selybria, et enfin Selivria ou Sélivrée, s’élève sur une grande et belle esplanade qui domine la Propontide. Sélivrée, avec sa montagne, son acropolis et ses vieux remparts, offre d’abord un aspect très-imposant, mais quand vous êtes entré dans la ville par une de ses cinq portes, vous ne voyez que des habitations délabrées, des rues sales, une population misérable, composée de Grecs et de Juifs. Au milieu des lambeaux de la pauvreté se montrent çà et là quelques souvenirs de l’histoire et des restes de l’architecture grecque et romaine. C’est dans cet Acropolis que résida quelquefois le pouvoir suprême de l’empire. Lorsque tout tombait en décadence et que l’empire grec, selon l’expression de Montesquieu, unissait comme le Rhin, il y eut parfois deux capitales, et l’une de ces capitales était Sélivrée.

Notre, caïque a remis à la, voile vers les cinq heures du soir ; les vents étaient toujours contraires, et nous n’avons pu faire que trois ou quatre milles de chemin avant la nuit. Les ténèbres couvraient la mer et la rive, quand nous sommes entrés dans le port d’Ovat. La petite cité d’Ovat est toute peuplée de Grecs. Notre caloyer était attendu dans ce lieu comme le Messie : une foule de Grecs sont venus au-devant de lui sur le port ; les uns lui baisaient les mains, les autres se mettaient à genoux pour lui demander sa bénédiction. Chacun aspirait à l’honneur de le recevoir chez lui, et semblait lui dire comme dans l’Évangile : Entrez dans ma maison, et mon âme sera guérie. Je me suis approché pour lui faire mes adieux, car il allait nous quitter. Je n’ai plus retrouvé en lui cet air de modestie et de douceur qu’il nous avait montré jusque-là. Nous avions ri quelquefois de son ignorance et de sa crédulité puérile ; mais au milieu de son triomphe, il nous a regardés à son tour avec une sorte de dédain. Chacun de ses regards semblait nous dire : Vous voyez que notre ignorance vaut bien vos lumières, puisqu’on nous respecte et qu’on nous aime. J’avoue que j’étais un peu déconcerté ; et je me suis dit, en moi-même, que le caloyer du grand monastère pourrait bien avoir raison ; en effet, pour se faire aimer des hommes quels qu’ils soient et pour avoir une action sur leur esprit, ne faut-il pas leur ressembler de quelque côté, ne faut-il pas s’en rapprocher par les habitudes, par les sentimens, et partager même quelquefois leur ignorance et leurs préjugés ? Les enfans écouteraient-ils leur nourrice, si elle ne s’associait à leur instinct naissant, si elle n’empruntait la voix, le langage et les idées de l’enfance ? Tout en faisant ces réflexions, j’ai remis quelques piastres entre les mains de notre compagnon de voyage, et je l’ai prié de se souvenir de moi lorsqu’il serait de retour sur sa Montagne-Sainte.

Tandis que notre caloyer était ainsi porté en triomphe, nous sommes entrés modestement dans une espèce d’hôtellerie qui donne sur le port : nous y avons été fort bien reçus, quoique nous ne vinssions pas du mont Athos ; car les Grecs n’ont pas moins d’amour pour les piastres des voyageurs, que de respect pour les reliques et les bénédictions des caloyers et des papas : toute notre caravane a été logée dans une vaste galerie découverte, où nous avons soupé et passé la nuit. Nous n’avons pas fermé l’œil à cause du bruit qu’on entendait dans notre auberge et du mouvement qui se faisait dans le port ; mais nous étions charmés de ce mouvement et de ce bruit qui semblaient nous annoncer rapproche d’une grande capitale.

Nous nous sommes remis en route vers les cinq heures du matin ; nos regards se portaient du coté de Stamboul, et nous croyions découvrir à chaque instant la grande cité des Osmanlis ; mais les vents nous empêchaient d’avancer, et nous avons été obligés de nous arrêter à San-Stéphano. San-Stéphano est un village habité par des Grecs et des Arméniens, à trois lieues de Constantinople. Lorsque nous sommes descendus à terre, nous avons pu distinguer les minarets et les tours de Stamboul. Ce spectacle nous faisait oublier toutes les contrariétés et toutes les misères de notre voyage. Je me suis rappelé que les croisés vénitiens et français s’arrêtèrent comme nous à San-Stéphano ou Saint-Étienne, qui était alors une abbaye. « Lors descendirent à terre, nous dit le vieux maréchal de Champagne, li contes et li barons et le duc de Venise, et fust li parlement au moustier Saint-Étienne. » Je regretté que Vilhardouin ne soit pas entré dans quelques détails sur ce parlement ou cette assemblée de la chevalerie chrétienne, et qu’il ne nous ait rien rapporté de ce que dirent alors les chefs de la croisade. Quels devaient être les sentimens et les pensées des chevaliers et des barons en présence d’une cité qui renfermait dans ses murs tout l’empire d’Orient, et pour laquelle ils avaient oublié Jérusalem ! D’un autre côté, quel spectacle pour les habitans de Byzance ! quels sentimens de surprise et d’effroi ils durent éprouver, lorsque, du haut de leurs tours et de leurs remparts, ils virent la mer depuis San-Stéphano jusqu’aux îles des Princes, couverte des pavillons de l’Occident ?

À la place où s’élevait l’ancien moustier de Saint-Étienne, on voit maintenant un kioske du sultan Mahmoud ; il est fâcheux de n’avoir vu la magnificence d’Orient que dans les livres, car à chaque pas qu’on fait dans ce pays, on perd quelques-unes de ses illusions. Le kioske impérial que nous avons visitée est construit en bois, sans cour et sans jardin ; il n’a pas même l’élégance de nos maisons de campagne qui bordent la Marne et la Seine. Toutefois, l’époque de sa construction doit être remarquée, car-il à été bâti pendant la dernière guerre des Russes. On assure que les péris de la capitale n’ont pas interrompu un seul instant les travaux des maçons et des architectes. L’historien Nicétas reprochait à l’empereur Alexis de faire bâtir des palais et des maisons de plaisance pendant que les croisés marchaient contre la ville impériale : c’est un point de ressemblance entre les deux époques.

Notre prêtre arménien, se voyant si près de Stamboul n’a pu contenir son impatience d’arriver ; il a mis son bagage dans un mouchoir, et s’est mis en route pour achever le voyage par terre. Les mariniers grecs ont couru après lui et l’ont ramené, car il en est d’un voyage par mer comme d’une représentation dramatique, il faut que tous les personnages reparaissent à la fin de la pièce. Comme l’ecclésiastique arménien était sur les registres du caïque avec ses effets, les mariniers en devaient compté à la douane ; le pauvre prêtre a été obligé dé nous suivre jusqu’au bout.

Nous avons quitté San-Stéphano ; le vent n’était pas devenu favorable, le caïque faisait des bordées et n’avançait pas ; nous avions toujours les yeux sur Constantinople, qui semblait s’éloigner de nous. Notre ennui avait quelque chose de ces rêves pénibles, où l’objet qu’on poursuit vous échappe sans cesse ; on tend les bras, mais les bras restent immobiles ; on veut courir, mais les jambes s’attachent à la terre. Toute la journée s’est passée en bordées inutiles ; nos mariniers ont de nouveau jeté l’ancré à quelque distance d’un grand magasin à poudre, bâti au bord de la mer, à deux ou trois milles de San-Stéphano. M. Poujoulat s’est couché avec la fièvre sous un figuier de la rive ; pour moi, je suis resté dans le caïque, bien décidé à ne descendre à terre qu’à notre arrivée à Constantinople. Je me faisais d’avance une grande joie d’y arriver au lever du jour. Pendant la nuit, je me suis efforcé de résister au sommeil, pour être tout prêt à jouir du grand spectacle qui allait s’offrir à nos regards. Je ne sais pas comment cela s’est fait, mais la fatigue du voyage, le silence qui régnait autour de nous, le calme plat qui a succédé à la tramontane, l’ont emporté à la fin sur ma volonté, et vers les cinq heures du matin, je me suis endormi. Lorsqu’on a remis à la voile, le bruit des flots et des rames, les cris des matelots et de nos compagnons ne m’ont point réveillé, et je n’ai vu ni les îles des Princes, ni les rives de Calcédoine et de Scutari, ni les sept tours, ni les murs et les cyprès du sérail. Mes yeux ne se sont ouverts que lorsque nous sommes arrivés devant la douane, et qu’on a demandé à visiter nos malles. Je remets à une autre lettre les détails sur notre arrivée à Péra, où nous avons trouvé un logement et le terme d’une course qui commençait à épuiser mes forces.