Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1162

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Louis Conard (Volume 6p. 214-215).

1162. À LA PRINCESSE MATHILDE.
Dieppe [vendredi 31 mars 1871].

Demain enfin je me résigne à rentrer dans mon pauvre logis où je vais tâcher de travailler pour oublier la France. J’y attendrai que Paris soit tranquille !

J’ai appris ce matin que ces Messieurs de l’Hôtel de Ville[1] s’étaient emparés de la poste. Aussi ne suis-je pas bien sûr que cette lettre vous parvienne. Ils me paraissent si bêtes que leur règne ne sera pas long !

Mon retour a été pénible : j’ai eu de New Haven à Dieppe un temps abominable ; j’en suis encore fatigué.

J’ai passé près de vous quatre jours bien bons, les seuls bons que j’aie eus depuis huit mois ! Je vous ai trouvée plus vaillante et mieux portante que je ne l’espérais. Conservez-vous pour nous. Un temps viendra où nous nous retrouverons peut-être tous ensemble dans le cher endroit que nous regrettons.

Si rien n’est changé pour nous d’ici au milieu de l’été, je vous referai une visite, qui cette fois sera plus longue. Où aller pour être bien, si ce n’est près de vous !

J’ai reçu les lettres renvoyées ici. Mes souvenirs à vos compagnons, et croyez, je vous prie, à l’inaltérable affection de votre tout dévoué.


  1. La Commune, installée à l’Hôtel de Ville, s’était attribué un pouvoir législatif.