Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 7/1498

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Louis Conard (Volume 7p. 204-206).

1498. À SA NIÈCE CAROLINE.
Croisset, 5 heures, 24 septembre 1874.
Mon pauvre Caro,

Voilà deux lettres de toi qui ne sont pas gaies, surtout celle de ce matin ! Comment se fait-il qu’ayant près de toi ton amie Frankline, tu sois d’une pareille humeur ? Tu devrais la reconduire et venir faire une visite à Vieux pour causer avec lui, ne serait-ce qu’un jour.

Ma dysenterie a disparu devant le laudanum et le bismuth. Et Bouvard et Pécuchet se portent très bien. Voilà comme les temps se suivent et ne se ressemblent pas. Au mois d’août j’étais dans une situation d’esprit abominable, désespéré de tout à me casser la margoulette, et depuis huit jours, malgré mon ventre, ça va merveilleusement. Espérons qu’il en sera de même bientôt de ma chère fille. J’ai été hier dîner chez Lapierre. Madame était dans son lit, ayant un érysipèle à la face, par suite de la piqûre d’un moustique. Convives : Mmes Brainne et Pasca et le sieur Houzeau.

J’étais invité à aller passer la semaine à Reuilly, chez Mme André. Mais j’ai autre chose à faire que de me trimbaler dans les châteaux. D’ailleurs, mes bonshommes m’amusent plus que la société des riches.

À l’heure qu’il est, on enterre le père Risler (un sujet de moins pour mes conversations dans mes visites aux bourgeois de Rouen).

Maintenant, attention à ce qui suit, et réponse immédiate, je t’en prie :

1o L’économe de l’Hôtel-Dieu m’a envoyé ce matin la note de Mlle Julie s’élevant à la somme de 388 francs. Il me serait difficile de les envoyer, puisque je n’en possède que 250. Elle en a 300 ; mais Bidault doit en avoir à elle.

Que dois-je faire ?

2o Et mon vin ? je ne le vois pas venir.

Il y avait encore une troisième question dans ma dernière lettre. Je ne me souviens plus de laquelle.

Elle était adressée à ton mari.

Sent-il que les Eaux-Bonnes lui fassent du bien ?

Je crois que Théodore de Banville viendra me voir dans huit ou dix jours. Quant à Popelin et à Giraud, aimes-tu mieux que je les invite pendant que tu seras là ? Ce sont d’aimables gens. Mais si tu ne dois rester (au mois d’octobre) que peu de jours ici, j’aime mieux être seul avec Caro. J’imagine que Weinschenk m’appellera à Paris plus tard qu’il ne l’avait dit.

Adieu, pauvre chère fille.

Vieux t’embrasse tendrement.