Correspondance de Voltaire/1730/Lettre 202
… Lectori me credere malim,
Quam spectatoris fastidia ferre superbi.
Je vous envoie la Henriade, mon cher ami, avec plus de confiance que je ne vais donner Brutus[1]. Je suis bien malade ; je crois que c’est de peur.
Je vous envoie aussi une cargaison de lettres, dont je prie Mlle Sallé[2] de vouloir bien se charger. Toutes les autres qu’elle a eues sont des lettres de recommandation ; mais pour moi, je la prie de me recommander, et je n’ai point trouvé de meilleur expédient, pour faire ressouvenir les Anglais de moi, que de supplier Mlle Sallé de leur rendre mes lettres. Je vous prie cependant de lui dire qu’elle ne manque pas de voir M. Gay[3], dont M. Kich lui apprendra sans doute la demeure. Il faut que M. Gay la présente à la duchesse de Queensbury, qui est sans contredit la personne de Londres la plus capable de lui ameuter une faction considérable. Mme la duchesse de Queensbury n’est pas trop bien à la cour ; mais Mlle Sallé est faite pour réunir tous les partis. Mme de Bolingbroke pourrait aussi la servir vivement, et surtout auprès de Mme de Oueensbury. Que ne puis-je être à Londres cet hiver ! je n’aurais d’autre occupation que d’y servir les grâces et la vertu.
Adieu ; je vous embrasse de tout mon cœur.
- ↑ Voyez tome II, page 299.
- ↑ Danseuse de l’Opéra, dont Thieriot était amoureux, et contre laquelle il finit par colporter des vers satiriques. (Cl.)
- ↑ Fabuliste anglais. Il allait tous les soirs, avec Pope et Swift, chez la duchesse de Queensbury, femme d’une beauté remarquable, dont l’hôtel était à Londres le centre des whigs courtisans, du monde élégant et des beaux esprits.