Correspondance de Voltaire/1732/Lettre 242

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Correspondance de Voltaire/1732
Correspondance : année 1732GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 247-248).
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242. — À MADAME LA PRINCESSE DE GUISE.
Mars 1732.

Madame, mon petit voyage à Arcueil m’a tourné la tête. Je croyais n’aimer que la solitude, et je sens que je n’aime plus qu’à vous faire ma cour. Au moins, si je suis destiné à vivre en hibou, je ne veux me retirer que dans les lieux que vous aurez habités et embellis. Je supplie donc Votre Altesse et M. le prince de Guise de donner à votre concierge ordre de me recevoir à Arcueil. Il faudra que je sois bien malheureux si de là je ne vais pas vous faire ma cour à Monjeu.

Je viens de faire, dans le moment, une infidélité à la maison de Lorraine. Voici un prince[1] du sang pour qui j’ai rimé, ce matin, un petit madrigal. Il mériterait mieux, car il m’a enchanté. Comment, madame ! il est aimable comme s’il n’était qu’un particulier.

Non : je n’étais point fait pour aimer la grandeur ;
Tout éclat m’importune et tout faste m’assomme ;
Mais Clermont, malgré moi, subjugue enfin mon cœur :
Je crois n’y voir qu’un prince, et j’y rencontre un homme.

Je crois lui donner, par ce dernier vers, la plus juste louange du monde, et, en même temps, la plus grande.

Il faudrait que j’eusse l’esprit bien bouché si, ayant eu l’honneur de vous approcher, je ne savais pas donner aux choses leur véritable prix, et si je n’avais appris combien la grandeur peut être aimable. Mais je vois qu’au lieu d’un billet je vous écris une épître dédicatoire, et qu’ainsi je vous déplais fort. Je suis donc, avec un profond respect, etc.

  1. Le comte de Clermont : voyez la note de la page 231.