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Correspondance de Voltaire/1732/Lettre 243

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Correspondance : année 1732GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 248).
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243. — À M. DE CIDEVILLE.
Samedi, 8 mars.

Il faut vous donner les prémices
De ces aimables fruits, aux beaux esprits si doux.
Le public a goûté mes derniers sacrifices ;
Ils en sont plus dignes de vous.

Cela veut dire, mon cher Cideville, qu’Ériphyle, que vous avez vue naître, reçut hier la robe virile, devant une assez belle assemblée, qui ne fut pas mécontente, et qui justifia votre goût. Notre cinquième acte a été critiqué ; mais on pardonne au dessert, quand les autres services ont été passables. Je suis fâché, en bon chrétien, que le sacré n’ait pas le même succès que le profane, et que Jephtè[1] et l’arche du Seigneur soient mal reçus à l’Opéra, lorsqu’un grand prêtre de Jupiter et une catin d’Argos réussissent à la Comédie ; mais j’aime encore mieux voir les mœurs du public dépravées que si c’était son goût. Je demande très-humblement pardon à l’Ancien Testament s’il m’a ennuyé à l’Opéra.

Pardon d’un billet si succinct : courtes lettres et longues amitiés est ma devise ; mais je serais bien fâché et j’y perdrais trop si vos lettres étaient aussi courtes.

  1. Tragédie-opéra de l’abbé Pellegrin, musique de Monteclair, jouée le 28 février 1732.