Correspondance de Voltaire/1736/Lettre 642

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Correspondance : année 1736GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 34 (p. 123).
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642. — À M. L’ABBÉ D’OLIVET.
À Cirey, ce 12.

Il y a quelquefois, mon cher abbé, des puissances belligérantes qui se disent des injures. Rousseau et moi, nous sommes du nombre, à la honte des lettres et de l´humanité. Mais que faire ? La guerre est commencée : il la faut soutenir. La réponse[1] est prête, mais avec pièces justificatives en main. Ce misérable a l’insolence de citer dans sa lettre M. le duc d’Aremberg, lequel vient de m’écrire que Rousseau est un faquin qui l’a compromis très-faussement, et auquel il a lavé la tête. Mon cher abbé, Rousseau n’empêchera pas que la Henriade ne soit un bon ouvrage, et que Zaïre et Alzire n’aient fait verser des larmes. Il n’empêchera pas non plus que je ne sois le plus heureux homme du monde par ma fortune, par ma situation, et par mes amis ; je voudrais ajouter par ma santé et par le plaisir de vivre avec vous.

Si vous m’aimez, si vous voulez m’instruire, envoyez-moi ce, que vous voulez bien me promettre[2] par M. d’Argental, votre voisin, qui fera contresigner par M. Rouillé le tout, en cas que le paquet soit trop gros : car, s’il ne contenait que quatre ou cinq feuilles, il faut l’envoyer par la poste tout simplement. Je l’attends avec l’empressement d’un disciple et d’un ami.

Si vous avez la réponse aux mauvaises Épîtres de Bousseau, je vous prie de me l’envoyer.

  1. C’est la lettre du 20 septembre, n° 646
  2. Le Traité de la Prosodie française, par d’Olivet, 1736, in-12.