Correspondance de Voltaire/1736/Lettre 643

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Correspondance : année 1736GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 34 (p. 123-124).
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643. — À M. BERGER.
À Cirey, le 18 septembre.

Je ne sais, mon cher éditeur, ce que c’est que cette énorme Réponse de huit cents vers aux fastidieuses Épîres de Rousseau. Si cela est passable, je la veux avoir. J’en parle à notre ami Thieriot. Voyez qui de vous deux me l’enverra, car un exemplaire suffit. Il est vrai que j’avais gaté mon ode[1], en supprimant le nom de ce maraud d´abbé Desfontaines. Je peignais l’enfer, et j’oubliais Asmodée.

On me mande que c’est La Chaussée qui est l’auteur de la Réponse[2] à Rousseau. Si cela est, il y aura du bon ; et c’est pour cette raison-là même que je ne veux pas qu’on me l’attribue. Je ne veux point voler La Chaussée. Franchement, et toutes réflexions faites, je prends peu de part à toutes ces petites querelles, et quand je lis Newton, Rousseau, l’auteur des trois Épître et des Aïeux chimériques, me paraît un bien pauvre homme. Je suis honteux de savoir qu’il existe.

Mon paresseux de Thieriot ne vous a point fourni de remarques pour la Henriade. S’il en avait seulement pour les trois derniers chants, il faudrait vite me les envoyer ; mais je vois bien que l’ouvrage sera imprimé avant que notre ami en ait seulement relu un chant.

Envoyez-moi, je vous prie, les vers sur M. Colbert[3] ; j’en ai un grand besoin.

Vous savez sans doute le marché que j’ai fait avec Prault. Je lui donne la Henriade, à condition qu’il m’en donnera soixante et douze exemplaires magnifiquement reliés et dorés sur tranche. Outre cela, je veux en avoir une centaine d’exemplaires au prix coûtant, en feuilles, que je ferai relier à mes frais. Il faudra un petit avertissement au-devant de cette édition ; je vous l’enverrai quand il en sera temps.

Je ne sais ce que c’est que cette Ménagerie dont vous me parlez ; mais on dit que le petit Lamare parle d’une manière bien peu convenable à un homme que j’ai accablé de bienfaits. Je n’ai pas besoin de consolation avec un ami comme vous et une retraite comme Cirey. Je veux que vous veniez quelque jour voir cette solitude, que l’amitié et la philosophie embellissent.

Quand je parle d’acheter cent exemplaires au prix coûtant, je veux bien mettre quelque chose au-dessus, afin que le libraire y gagne. C’est comme cela que je l’entends.

Le chevalier de Mouhy m’écrit. Qu’est-ce que ce chevalier de Mouhy[4] ? Adieu.

  1. ode sur l´ingratitude
  2. Voyez la note sur la lettre 637.
  3. Henriade, ch. VII, v. 347.
  4. Charles de Freux, chevalier de Mouhy qui fut éditeur du Préservatif (voyez tome XXII, page 371) en 1738, était né en 1701, et mourut en 1784.