Correspondance de Voltaire/1738/Lettre 919
Je reçois dans ce moment, mon aimable petit-fils d’Apollon, une lettre de monsieur votre père[2], et une de vous ; le père ne veut que me guérir, mais le fils veut faire mes plaisirs. Je suis pour le fils ; que je languisse, que je souffre, j’y consens, pourvu que vos vers soient beaux. Cultivez votre génie, mon cher enfant. Je vous y exhorte hardiment, parce que je sais que jamais vos goûts ne vous feront oublier vos devoirs, et que chez vous l’homme, le poëte et le philosophe, seront également estimables. Je vous aime trop pour vous tromper.
Macte animo, generose puer ; sic itur ad astra.
En allant ad astra, n’oubliez pas Cirey. Grâce au génie de Mme du Châtelet, Cirey est sur la route ; elle fait grand cas de vous, et en conçoit beaucoup d’espérances. Elle vous fait ses compliments ; et moi, je vous assure, sans compliments et sans formule, de l’amitié la plus tendre et de la plus sincère estime. Ces sentiments si vrais ne souffrent point du très-humble et très, etc.