Correspondance de Voltaire/1739/Lettre 1031

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Correspondance de Voltaire/1739
Correspondance : année 1739GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 123-124).

1031. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Cirey, ce 18 janvier.

Mon cher ange gardien, pourquoi faut-il que le chevalier de Mouhy qui ne me connaît pas, agisse comme mon frère, et que Thieriot, qui me doit tout, se tienne les bras croisés dans sa lâche ingratitude ? Quoi ! Mouhy court déposer chez M. Hérault, et Thieriot se tait ! lui qui a été traité avec tant de mépris par Desfontaines, lui qui m’a écrit cette lettre de 1726, et tant d’autres, où il avoue que Desfontaines fit un libelle contre moi au sortir de Bicètre ! Il a aujourd’hui l’insolence et la bassesse d’écrire, de publier une lettre à Mme du Châtelet, dans laquelle il désavoue ses anciennes lettres ; il l’envoie au prince royal ; et, pour se justifier, il dit tranquillement que les Lettres philosophiques ne lui ont valu que cinquante guinées, et qu’il ne m’a mangé que quatre-vingts souscriptions[1]. Y a-t-il une âme de boue aussi lâche, aussi méprisable ? Ce malheureux dit froidement qu’il ne fera rien que vous ne lui ordonniez. Eh bien ! ordonnez-lui donc sur-le-champ de courir chez M. Hérault, et de confirmer sa lettre du 16 août 1726, et les autres, dont voici copie. Cela m’est de la dernière importance, mon cher ami ; il y va du repos de ma vie.

  1. À la Henriade, Voltaire, dans sa lettre à, Destouches, du 3 décembre 1744, parle de cent souscriptions à la Henriade dont Thieriot perdit, c’est-à-dire mangea l’argent.