Correspondance de Voltaire/1739/Lettre 1181

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Correspondance de Voltaire/1739
Correspondance : année 1739GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 304).

1181. — À M. LE MARQUIS D’ARGENS[1].
À Enghien, ce 10 juillet.

Je suis encore à Enghien, mon cher ami, et je ne serai libre que vers la fin du mois. Mandez-moi donc de vos nouvelles, et que je sache où je pourrai avoir l’honneur de vous embrasser. Vous êtes aussi paresseux avec vos amis que vous êtes diligent avec le public. La réputation est votre première divinité, si ce n’est Léontine[2] ; mais que l’amitié soit au moins la troisième ; elle est chez moi la première : je sacrifie à cette idole tout, jusqu’à l’étude. Depuis quinze jours, figurez-vous que ma philosophie passe ici ses journées à jouer la comédie, et la nuit à jouer au brelan.

Cependant il en faut revenir au travail, car le temps perdu dans le plaisir laisse l’esprit vide, et les heures employées à l’étude laissent l’âme toute pleine. Vous savez passer si bien du plaisir au travail que vous donneriez là-dessus des leçons. Mars, Apollon, Vénus, sont des saints que vous savez très-bien fêter. Faites-moi donc un peu part de vos desseins, de vos études, de vos amusements, et regardez-moi comme le plus tendre de vos amis.

Mon adresse est rue de la Grosse-Tour, à Bruxelles.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Mlle  Cochois.