Correspondance de Voltaire/1750/Lettre 2126

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Correspondance de Voltaire/1750
Correspondance : année 1750, Texte établi par Condorcet, GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 37 (p. 177-178).

2126. À M. G.-C. WALTHER.
septembre 1750.

Je vous adresse, mon cher Walther, un exemplaire de votre édition que j’ai enfin trouvé le temps de corriger. J’y joins des pièces nouvelles qui ont été imprimées à Paris depuis la publication de votre dernier volume.

Vous trouverez marquées, avec des papiers blancs, toutes les fautes d’impression. J’ai fait refaire de nouvelles feuilles à quelques endroits qui étaient imprimés sur des copies trop défectueuses ; j’ai ajouté deux feuillets au commencement du troisième tome ; j’ai inséré deux feuilles entières au tome second ; il y a un nouveau feuillet pour le tome troisième, page 224 ; un autre nouveau feuillet, page 137 ; beaucoup de pages presque entières corrigées à la main, beaucoup de passages rétablis.

Je vous envoie trois exemplaires de ces feuilles nouvelles que j’ai fait imprimer ici, et que j’ai insérées dans votre exemplaire. Je vous prie de vouloir bien faire relier trois exemplaires complets avec ces additions, et conformément à celui dont vous resterez en possession, et qui vous servira de modèle. Vous me tiendrez ces trois exemplaires prêts, et vous me les enverrez à la fin d’octobre à Berlin, par les chariots de poste.

À l’égard de l’exemplaire corrigé qui doit vous rester, et qui sera votre modèle, voici ce que vous pourriez faire. Je vous conseillerais de réformer toute votre édition sur ce plan autant que vous le pourrez, d’y ajouter un nouveau titre qui annoncerait une édition nouvelle plus complète et très-corrigée. J’y ferais une nouvelle épître dédicatoire à madame la princesse royale, et une nouvelle préface. Je serais alors autorisé, par les soins que vous auriez pris, à vous soutenir contre les libraires de Hollande, et à faire valoir votre ouvrage ; je le ferais annoncer dans les gazettes comme le seul qui contient mes œuvres véritables. Je vous exhorte à prendre ce parti. Je crois que c’est le seul moyen de faire tomber les éditions de Hollande, et de décrier ces corsaires. Je ne peux vous dissimuler que votre édition est décriée en France ; mais quand vous l’aurez un peu corrigée par le moyen que je vous indique, et avec les secours d’un correcteur habile, je ferai entrer dans Paris tant d’exemplaires que vous voudrez, et je vous procurerai un débit très-avantageux.

Je comptais vous parler de tout cela à Dresde au mois d’octobre prochain, et j’avais surtout la plus forte envie de faire ma cour à madame la princesse royale. J’étais venu en Allemagne dans l’espérance d’admirer de plus près cette princesse, qui fait tant d’honneur à l’esprit humain et qui étonne également la France et l’Italie ; mais je suis obligé de retourner en France, et ce ne sera que l’année prochaine que je pourrai contenter le désir extrême que j’ai toujours eu de me mettre aux pieds de cette respectable princesse. Si vous pouvez, par quelque voie, lui faire parvenir mes sentiments, je vous serai beaucoup plus obligé encore que de la réforme que je demande à votre édition.

Je suis tout à vous.

Voltaire,
chambellan du roi de Prusse.