Correspondance de Voltaire/1751/Lettre 2311

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Correspondance de Voltaire/1751
Correspondance : année 1751, Texte établi par Condorcet, GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 37 (p. 350-351).

2311. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL[1].
25 décembre.

Ce n’est pas de Rome sauvée ni de Louis XIV qu’il s’agit ici, mon cher ange ; voici un petit mémoire que je vous supplie de donner et de recommander très-fortement à M. de Courteilles[2], votre ami. Il ne s’agit que d’un petit mot de recommandation de M. de Saint-Contest à milord Tyrconnell. Je me trouve dans le cas d’avoir presque forcé Mme de Bentinck à prendre milord Tyrconnell pour son arbitre, conjointement avec le secrétaire d’État des affaires étrangères de Prusse. Elle aurait des reproches éternels à me faire si ces arbitres la sacrifiaient. Je présume qu’ils lui rendront justice, qu’ils ne prendront pas le parti du comte de Bentinck, dont la France et la Prusse doivent être également mécontentes, et j’attends tout de leur équité.

Je n’entre dans aucune discussion de l’affaire, je ne prétends pas que M. de Courteilles et M. de Saint-Contest soient fatigués de procédures impériales et danoises ; je demande simplement que M. de Saint-Contest écrive à milord Tyrconnell une lettre un peu pressante en faveur de la comtesse de Bentinck, sans entrer dans aucun détail. Mon cher ange, une lettre de recommandation est peu de chose. Le ministre, instruit de cette affaire, ne la refusera pas. Mais en faisant cette bonne œuvre, je vous supplie de ne me point nommer. Je ne veux me mêler que des affaires passées et point du tout des présentes.

Mandez-moi par la poste si vous avez reçu mon rogaton pour M. de Courteilles, et si on a fait ce que je vous conjure d’obtenir ; mais ne parlez dans votre lettre ni de Mme de Bentinck, ni de son mémoire[3] ; il faut tâcher de ne pas s’exposer en rendant service.

Je vous avais dit, mon cher ange, en commençant ma lettre, que je ne parlerais ni de Rome ni du Siècle de Louis XIV ; cependant je dépêche par le courrier deux volumes tout farcis de corrections. Cela coûte beaucoup de soins, et je n’ai guère de temps. Vous ferez, vous et MM. de Choiseul et de Chauvelin, comme vous pourrez ; mais je vous conjure de lire fort vite.

Ne connaissez-vous personne au fait de l’histoire moderne qui pût, aussi fort vite, m’instruire des fautes que je n’aurai pas aperçues ? M. de Foncemagne[4] serait-il homme à prendre cette peine ? Je suis dans la nécessité de laisser paraître l’ouvrage sous peu, parce que des compagnons imprimeurs sont des exemplaires, et que je serais prévenu. Il ne s’agit pas ici de s’amuser, il s’agit de me rendre service, de m’instruire ; je vous le demande en grâce. Consignez tout de suite le livre entre les mains de Mme Denis. Mille adorations à tout ange.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Conseiller au parlement.
  3. Elle plaidait contre son mari.
  4. Membre de l’Académie des inscriptions.