Correspondance de Voltaire/1752/Lettre 2417

La bibliothèque libre.
Correspondance de Voltaire/1752
Correspondance : année 1752, Texte établi par Condorcet, GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 37 (p. 472-473).

2417. — À LA PRINCESSE ULRIQUE[1],
reine de suède.
Potsdam, ce 25 août (1752).

Madame, Louis XIV ne savait pas tout le bien qu’il devait me faire un jour : il m’attire de la part de Votre Majesté des bontés qui sont assurément la récompense la plus flatteuse de mes ouvrages. Je n’attends pas le moment de ma convalescence pour remercier Votre Majesté de ma main : j’attendrais peut-être trop longtemps, et mes sentiments ne peuvent tarder à se manifester.

Dans le grand nombre des services que Votre Majesté rend à ses royaumes, on comptera sans doute le soin qu’elle prend de rassembler tous les matériaux d’une bonne histoire. Il faut avouer qu’elle y est intéressée plus que personne. Ce qu’elle fait aujourd’hui ne sera pas l’époque la moins glorieuse de la Suède : on y verra la gloire de cet État soutenue, les divisions apaisées, le commerce, autrefois inconnu, commençant à fleurir. Le canal qui va joindre les deux mers est un ouvrage aussi prodigieux pour le moins que celui qui a fait tant d’honneur à Louis XIV. L’état où je suis ne me permet guère d’espérer d’être témoin de ces merveilles, mais il ne m’empêche pas de le désirer passionnément.

Je suis bien fâché que le tome dans lequel j’aurais pu faire usage de la lettre du prince de Condé soit déjà imprimé. Si on fait encore par la suite quelques nouvelles éditions, je tâcherai d’y insérer ce monument que je tiens des bontés de Votre Majesté. J’aurai l’honneur de lui envoyer celle que l’on fait actuellement, et pour épargner son temps, qui est précieux, j’aurai soin de marquer avec un signet les nouveaux articles qui pourront mériter d’elle un coup d’œil, comme l’Homme au masque de fer, la Paix de Riswick, le Testament de Charles II, roi d’Espagne, le Mariage clandestin du fameux Bossuet, évêque de Meaux, et enfin des pièces fort singulières, écrites de la main de Louis XIV, dont j’ai eu des copies authentiques.

Je réitère mes profonds respects, ma reconnaissance et mon attachement inviolable à Votre Majesté.

Je me mets avec vénération à ses pieds.


Le malade Voltaire.

  1. Éditeur, V. Advielle.