Correspondance de Voltaire/1753/Lettre 2516

La bibliothèque libre.
Correspondance de Voltaire/1753
Correspondance : année 1753, Texte établi par Condorcet, GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 37 (p. 564).

2516. — À MADAME DE FONTAINE.
Berlin, le 7 février.

Ma très-chère nièce, je suis bien malade, et il se peut faire que tout ceci achève de dissoudre ma frêle machine. Je vous avoue que quand je reçus, dans des circonstances aussi funestes, la plaisanterie que vous m’envoyâtes, je ne crus pas qu’elle fût d’un Suisse, et je m’imaginais que des mains qui devaient m’être chères s’amusaient à déchirer mes blessures sans savoir à quel point j’étais blessé. Je suis plus touché des marques d’amitié que vous me donnez que je n’ai été fâché de la plaisanterie ou de l’indifférence. Mon aventure est une suite de la jalousie et de la profonde noirceur dont les hommes sont capables. Votre amitié est pour moi une consolation dont j’avais besoin. Je me flatte que le roi de Prusse aura assez d’humanité pour me permettre de venir chercher à guérir ou à mourir dans le sein de ma famille, que j’avais abandonnée uniquement pour lui. Je ne lui ai jamais manqué, et il est à croire qu’il aura pitié de mon état : cet état est si violent que je n’ai pas la force de vous faire une plus longue lettre.