Correspondance de Voltaire/1753/Lettre 2519
J’ai été bien malade, mon cher et respectable ami ; je le suis encore. Le roi de Prusse m’a envoyé de l’extrait de quinquina.
… Tanquam hæc sint nostri medicina doloris,
Aut dous ille malis hominum mitescere discal !
Il devrait bien plutôt m’envoyer une permission de partir pour aller me guérir ou mourir ailleurs. Il n’a plus nul besoin de moi. Il sait à présent mieux que moi la langue française ; il écrit français par un a ; il fait de bonne prose et de bons vers. Il a écrit, sans me consulter, une philippique sur la querelle de Maupertuis ; il l’a pris pour Auguste, et moi pour Marc-Antoine. Maupertuis l’a fait imprimer en allemand et en italien, avec les aigles prussiennes à la tête. Battu à Actium et à la tribune aux harangues, il ne me reste qu’à aller mourir dans cette terre[1] que vous me proposez, et de vous embrasser avant ma mort. Voici une espèce de testament[2] littéraire que je vous envoie. Mille tendres respects à tous les anges.
Je vous prie de donner copie de mon testament.