Correspondance de Voltaire/1757/Lettre 3326

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Correspondance de Voltaire/1757
Correspondance : année 1757GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 182-183).

3326. — À M.  LE COMTE DE BESTUCHEFF[1].
À Monrion, février.

Monsieur, j’ai reçu une lettre que j’ai crue d’abord écrite à Versailles ou dans notre Académie, et c’est vous, monsieur, qui me faites l’honneur de me l’adresser. Vous me proposez ce que je désirais depuis trente ans ; je ne pouvais mieux finir ma carrière qu’en consacrant mes derniers travaux et mes derniers jours à un tel ouvrage.

Je ferais le voyage de Pétersbourg si ma santé pouvait le permettre ; mais, dans l’état où je suis, je vois que je serai réduit à attendre dans ma retraite les matériaux que vous voulez bien me promettre.

Voici quel serait mon plan. Je commencerais par une description de l’état florissant où est aujourd’hui l’empire de Russie, de ce qui rend Pétersbourg recommandable aux étrangers, des changements faits à Moscou, des armées de l’empire, du commerce, des arts, et de tout ce qui a rendu le gouvernement respectable.

Ensuite je dirais que tout cela est d’une création nouvelle, et j’entrerais en matière par faire connaître le créateur de tous ces prodiges. Mon dessein serait de donner ensuite une idée précise de tout ce que l’empereur Pierre le Grand a fait depuis son avènement à l’empire, année par année.

Si M.  le comte de Schouvalow a la bonté, monsieur, comme vous m’en flattez, de me faire parvenir des mémoires sur ces deux objets, c’est-à-dire sur l’état présent de l’empire et sur tout ce qu’a fait Pierre le Grand, avec une carte géographique de Pétersbourg, une de l’empire, l’histoire de la découverte du Kamtchatka, et enfin des renseignements sur tout ce qui peut contribuer à la gloire de votre pays, je ne perdrai pas un instant, et je regarderai ce travail comme la consolation et la gloire de ma vieillesse,

La suite des médailles est inutile ; elles se trouvent dans plusieurs recueils, et la matière de ces médailles est d’un prix que je ne puis accepter. Je souhaiterais seulement que M.  le comte de Schouvalow voulût bien m’assurer que Sa Majesté l’impératrice désire que ce monument soit élevé à la gloire de l’empereur son père, et qu’elle agrée mes soins.

Voilà, monsieur, quelles sont mes dispositions. Je me tiendrai très-honoré et très-heureux si elles s’accordent avec les vôtres : j’attendrai vos ordres et ceux de M.  le comte de Schouvalow, à qui vous me permettrez de présenter ici mes respects en recevant les miens.

J’ai l’honneur d’être, monsieur, avec tous les sentiments que je vous dois, etc.

  1. Michel, comte de Bestuchoff-Riumin, né vers 1686, ambassadeur de l’impératrice Élisabeth à Paris de 1756 à 1760, année où mourut ce diplomate. (Cl.)