Correspondance de Voltaire/1757/Lettre 3355

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Correspondance de Voltaire/1757
Correspondance : année 1757GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 207-208).

3355. — À M.  LE MARQUIS DE FLORIAN[1].
Mai.

Mon cher surintendant des chars de Cyrus, j’ai oublié de vous dire qu’un petit coffre sur le char, avec une demi-douzaine de doubles grenades, ferait un ornement fort convenable. J’ai honte, moi barbouilleur pacifique, de songer à des machines de destruction ; mais c’est pour défendre les honnêtes gens qui tirent mal, contre les méchants qui tirent trop bien. On verra malheureusement, et trop tard, qu’il n’y a pas d’autre ressource.

On disait aujourd’hui Prague[2] prise ; je n’en veux rien croire. On m’assure que Frédéric a désarmé Nuremberg, et qu’il en exige huit cent mille florins d’empire : ce n’est pas là faire la guerre à ses dépens. Il est sûr que les Russes marchent. Voilà la plus singulière position, depuis la chute de l’empire romain.

Il y aura toujours des fous qui se feront égorger, des fous qui se ruineront, et des gens habiles qui en profiteront ; mais les plus habiles, à mon sens, sont ceux qui restent chez eux.

Conservez votre amitié à V.

  1. Philippe-Antoine de Claris de Florian naquit à Sauve, en Languedoc, le 8 novembre 1707. Il était retiré du service depuis quelques années, lorsque, le 7 mai 1762, il épousa la nièce de Voltaire, Marie-Élisabeth Mignot, veuve de Nicolas-Joseph de Dompierre de Fontaine. Il se maria, dix ans plus tard, en secondes noces, à Mme  Rillet, et conclut un troisième mariage avec une demoiselle Joli, en 1774. Voilà pourquoi Voltaire, dans sa lettre du 22 janvier 1775, au chevalier de Florian, neveu du marquis, lui disait : « M.  de Florianet a eu bien des tantes. »

    Le marquis de Florian, frère aîné du père de l’auteur d’Estelle, était encore en correspondance avec Voltaire en 1778, comme le prouve une lettre que ce philosophe lui adressa de Paris à Bijou-Ferney, le 15 mars de la même année. (Cl.)

  2. Frédéric venait (6 mai) de gagner une grande bataille contre les Autrichiens, sous les murs de Prague.