Correspondance de Voltaire/1757/Lettre 3359

La bibliothèque libre.
Correspondance de Voltaire/1757
Correspondance : année 1757GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 211).
3359. — À M.  D’ALEMBERT.
Aux Délices, 24 mai.

Voici, mon cher et illustre philosophe, l’article Mages[1] de mon prêtre. Ce premier pasteur de Lausanne pourrait bien être condamné par la Sorbonne. Il traite l’étoile des mages fort cavalièrement. Il me semble que son article est entièrement tiré des prolégomènes de dom Calmet, et que mon prêtre n’y ajoute guère qu’un ton goguenard. Vous en ferez l’usage qu’il vous plaira. Il y a quelques articles dans le Dictionnaire qui ne valent pas celui de mon prêtre.

Je suis fâché de voir que le chevalier de Jaucour, à l’article Enfer[2], prétende que l’enfer était un point de la doctrine de Moïse : cela n’est pas vrai, de par tous les diables ! Pourquoi mentir ? L’enfer est une fort bonne chose, mais il est bien évident que Moïse ne l’avait pas connu. C’est ce monde-ci qui est l’enfer[3] ; Prague en est actuellement la capitale, la Saxe en est le faubourg ; les Délices seront le paradis quand vous y reviendrez. Vous avez des articles de théologie et de métaphysique qui me font bien de la peine ; mais vous rachetez ces petites orthodoxies par tant de beautés et de choses utiles qu’en général le livre sera un service rendu au genre humain.

Mme  Denis vous fait mille compliments.

  1. Cet article, dont une partie pouvait être de Polier de Bottens, ne se trouve pas dans le Dictionnaire philosophique.
  2. Cet article est d’Edme Mallet ; voyez la lettre 3382.
  3. Le roi de Prusse, après s’être, en 1756, emparé de la Saxe sans coup férir, gagna, le 6 mai 1757, sur l’armée autrichienne, une grande bataille aux portes de Prague.