Correspondance de Voltaire/1757/Lettre 3367

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Correspondance de Voltaire/1757
Correspondance : année 1757GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 219).
3367. — À MADAME LA COMTESSE DE LUTZELBOURG.
Aux Délices, près de Genève, 4 juin.

Que Dieu protège Marie, et qu’il vous rende sœur Brumath ! Ne soyez pas surprise, madame, que Frédéric ait eu tant d’avantage sur l’Irlandais[1] Brown et sur le prince Charles. Le Conseil des Rats[2] est détruit par le chat Raminagrobis[3]. Si le maréchal d’Étrées[4] ne prévient pas le duc de Cumberland, soyez sûr que le Raminagrobis enverra vingt mille de ces grands coquins qui tirent sept coups par minute, et qui, étant plus grands, plus robustes, mieux exercés que nos petits soldats, et de plus, ayant des fusils d’une plus grande longueur, auront autant d’avantage avec la baïonnette qu’avec la tiraillerie.

Que faire à tout cela, madame ? Cultiver son champ et sa vigne, se promener sous les berceaux qu’on a plantés, être bien logé, bien meublé, bien voituré, faire très-bonne chère, lire de bons livres, vivre avec d’honnêtes gens au jour la journée, ne penser ni à la mort, ni aux méchancetés des vivants. Les fous servent les rois, et les sages jouissent d’un repos précieux. Mille tendres respects. V.[5]

  1. Ulysse-Maximilien, comte de Brown, était d’origine irlandaise, il est vrai ; mais il naquit à Bâle en 1765.
  2. La Fontaine, liv. II, fable ii.
  3. La Fontaine, liv. XII, fables v et xxv.
  4. Louis-César Le Tellier, comte d’Étrées, né en 1695, mort en 1771, gagna, le 26 juillet 1757, sur le duc de Cumberland, la bataille de Hastembeck.
  5. Dans le catalogue des autographes vendus le 17 avril 1880, sous le n° 116 une lettre de Wilhelmine de Prusse à Voltaire est décrite ainsi :

    « L. a. s., en français ; 12 juin 1757, 2 p. 1/2 in-4o, cachet. Très-légère déchirure par la rupture du cachet.

    « Magnifique lettre où elle fait le plus grand éloge de son frère. « J’ai écrit au roi ce que vous me mandez sur son sujet. Il est difficile de le connaître sans l’aimer ni sans s’attacher à lui. Il est du nombre de ces phénomènes qui ne paraissent tout au plus qu’une fois dans un siècle… »